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Les hommes, le dimanche de Robert Siodmak et Edgar G. Ulmer par Raymond Bellour

Publié le 02/12/2009 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Livre & Publication

Siodmak-Ulmer

Yellow nowCôté films, la collection-phare de Yellow Now, continue à attiser notre curiosité. Quinzième épisode, Les hommes, le dimanche (Menschen am Sonntag) de Robert Siodmak et Edgar G. Ulmer par Raymond Bellour. La découverte, pour beaucoup d'entre nous, d'un film allemand sorti le 4 février 1930 à Berlin. Un reportage fictionnel considéré, par les critiques de l'époque, comme « un petit chef-d'oeuvre d'allure simple mais subtile sur la vie de la capitale allemande, peu avant l'arrivée du nazisme ».

Raymond Bellour, l'auteur de l'ouvrage, (participant à la revue Trafic) nous signale que ce film a suffisamment ébloui Jean-Luc Godard pour qu’il en publie des extraits dans Allemagne 90 neuf zéro (1991) et dans Histoire(s) du cinéma (version 1989). Chapitre 1b : six plans sur le baiser que se donnent Wolfgang et Brigitte assis sur le sol, sous les arbres, dans un ralenti saccadé qui n'est pas sans rappeler les ralentis décomposés de Saue qui peut la vie (1979).
Né en dehors du circuit professionnel et commercial de l'UFA et de la Tobis, hors des studios de Babelsberg à Berlin, Menschen am Sonntag rassemble, dans les années vingt, un groupe de jeunes gens qui, avec peu de moyens et à la fortune du pot, vont réussir à tourner un film sur cinq habitants de la ville, jouant, en tant qu'acteurs non professionnels, leur propre rôle. L'équipe est composée de jeunes cinglés du cinéma, créatifs en diable : Robert Siodmak, Edgar G.Ulmer, Billie Wilder, Eugen Schüftan, Fred Zinneman, célèbres devenus à Hollywood. (1)

« Le premier film allemand produit et réalisé en coopérative », ainsi que l'affirmait Ulmer, filmant des jeunes gens comme les autres, trois filles et deux garçons trouvés simplement (l'un étant chauffeur de taxi, l'autre vendeuse de disques). L'astuce du film, comme l'écrit Billy Wilder, consistait « à tourner tout Berlin en un seul dimanche ».

Eugen Schüftan, le chef opérateur, a utilisé une caméra Eclair et un trépied sans tête gyroscopique, d'où les imperfections des mouvements de caméra. « Menschen am Sonntag est un film muet, l'un des derniers, écrit Raymond Bellour, et une part immense de son charme, à tous égards mais dans le jeu des comédiens improvisés surtout, tient à un mutisme d'autant plus éloquent que le naturel du jeu reste entier; comme si ces acteurs parlaient déjà, et sans jamais compenser leur défaut de parole, comme c'est habituel, par aucun excès d'expression. De sorte qu'identification et distance entretiennent ici un rapport singulier. »

L'astuce, mais aussi la ruse, est de se situer entre fiction et reportage. Les spectateurs de l'époque peuvent découvrir Heirich Gretler (M le maudit) et Yaleska Gert (Rue sans joie), deux acteurs connus, captés en pauses, par le photographe du film, non saisis sur le vif comme les cinq personnages de fiction. Non crédités dans le générique, ils apportent une diversité, voire une ambiguïté à l'ensemble stylistique du film.

Bien sûr, ce style précisément, a des précurseurs comme Berlin, symphonie d'une grande ville de Walter Ruttman, L'homme à la caméra de Dziga Vertov ou À propos de Nice de Jean Vigo. Mais, comme le souligne Bellour, il existe chez Vertov ou Vigo un point de vue, « alors que dans Menschen am Sonntag, le cinéma est simplement une part de la vie, de la fiction qui semble en naître ».

Ajoutons que l'ouvrage contient de nombreuses séquences avec les plans qui se succèdent comme ils ont été montés.

  1. Cinq personnages qui, fuyant le nazisme, vont réaliser des chefs-d'oeuvre à l'époque classique d'Hollywood.Rappelons brièvement, Robert Siodmak (Les tueurs), Edgar G.Ulmer (Détour), Billy Wilder (Certain l'aiment chaud), Fred Zinneman (Tant qu'il y aura des hommes), Eugen Schüftan (chef op' de Quai des Brumes de Carné, mais aussi de L'arnaqueur de Robert Rossen).


Les hommes, le dimanche de Robert Siodmak et Edgar G. Ulmer par Raymond Bellour. Vers la fiction. Editions Yellow Now, collection Côté films n°15.