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Caroline Strubbe à propos de Lost Persons Area

Publié le 11/09/2009 par Dimitra Bouras / Catégorie: Entrevue

La mélancolie est douce
L'événement cannois 2009 fut, pour la Belgique, non pas le couronnement du cinéma en Communauté française, dont on espérait une présence prestigieuse, mais bien la Communauté flamande. Trois longs métrages étaient reçus avec beaucoup d'attention par nos collègues critiques de cinéma. Étonnamment, la presse francophone belge est restée assez discrète sur leur passage. Doublement pénalisés, par leur origine linguistique (du côté francophone) et par leur genre (du côté néerlandophone), les films de Caroline Strubbe, Dorothée van den Berghe et Felix van Groeningen sont des objets atypiques qui provoquent la méfiance. Notre désir de les rencontrer en était d'autant plus fort !
Première sortie prévue par la grande chaîne de distribution flamande, Lost Persons Area de Caroline Strubbe.
À la vision du film, nous sortons totalement désarçonnés par la beauté mélancolique qui s'échappe du paysage lunaire des champs de pylônes, des regards et des corps des protagonistes pris en otages de leurs propres rêves. Il nous vient l'envie de réconforter ces êtres qui butent sur leur destin.
Partis à la rencontre de la réalisatrice, nous avons découvert une jeune femme plantée fermement sur ses deux jambes, parlant de ses doutes avec sérénité et du plaisir qu'elle a d'innover dans sa créativité, soulignant, avec insistance, les notions de spontanéité, d'authenticité et sa vision organique des choses.
Rencontre avec une jeune cinéaste qui n'en est qu'à son premier long métrage mais dont le talent est certain !

Cinergie : Comment êtes-vous arrivé à la réalisation ? Etait-ce une passion de jeunesse ou une découverte fracassante qui vous a donné le désir d'écrire vos images ?
Caroline Strubbe : Quand j'étais gamine, je me souviens de films vus à la sauvette, avec mes deux sœurs, tandis que nos parents étaient sortis. Je me souviens d'un film qui m'avait tellement bouleversée que, adolescente, j'ai décidé de partir en Espagne. C'était Cria Cuervos de Carlos Saura. Il y a aussi eu La Dentellière avec Isabelle Huppert.
J'ai trouvé beaucoup de réconfort dans les films : c'est eux qui m'ont aidée à dépasser mon désespoir d'adolescente. En regardant ces films, je me suis rendu compte que je n'étais pas la seule à me poser des questions sur la vie. À 18 ans,  en plein questionnement sur mon futur, je me suis installée à Barcelone.
J'y ai rencontré une équipe de cinéma, et c'est comme cela que j'ai découvert qu'il était possible d'étudier le langage cinématographique pour, soi-même, réaliser.
J'ai suivi une formation en écriture de scénario à l'Ecole cinématographique de Barcelone, puis je suis entrée à l'IAD où je n'ai pas terminé la formation, mais où j'ai rencontré des collègues qui sont devenus des amis et qui m'ont soutenue dans ma recherche. J'étais très proche de Geneviève Mersch, Frédéric Fonteyne, Pierre-Paul Reynders et Philippe Blasband.
À mon tour, j'ai voulu réaliser un film, un film réconfortant.

C. : En tout cas, vous voulez rassurer les mères, en leur disant qu'elles sont de bonnes mères, quoi qu'elles fassent !
C. S. : Je trouve qu'on nous demande trop, à nous, les mères. Nous devons tenir plusieurs rôles, les uns plus difficiles que les autres. Bettina est déchirée entre sa fonction de mère, son désir de femme et ses contradictions d'épouse modèle. Elle ne veut pas être cantonnée dans un seul rôle, mais elle n'arrive pas tous à les gérer.

Extrait du film Lost persons area de Caroline Strubbe.

C. : Si vous nous racontiez l'histoire de votre film.
C. S. : Je suis capable d'en parler seulement maintenant. Je comprends petit à petit ce que j'ai voulu dire. C'est le portrait d'un couple, Bettina et Marcus. Ils ont une enfant, Tessa, fruit d'une passion physique d'un couple incapable de l'éduquer, la laissant seule face à la découverte de la vie. Elle est là par hasard, et elle observe ses parents. Ils vivent dans un champ de pylônes, un parc d'électricité où Marcus est chef d'une équipe. Il veut se lancer comme entrepreneur, mais il n'a pas le diplôme requis. Dans son groupe d'ouvriers, il y a des hommes qui viennent de l'Est et parmi eux, un ingénieur. Marcus va l'amadouer pour le convaincre de créer ensemble la société dont il rêve. L'ingénieur Hongrois, Szabolcs, accepte de s'associer à Marcus et entre dans la vie de cette micro famille. Sa présence, qui coïncide avec un événement dramatique, va provoquer des glissements dans la relation des personnages principaux. C'est le portrait de personnes confrontées à des amours et des désirs non satisfaits, à des projets de vie frustrés et leurs capacités ou incapacités à gérer cette déception.

C. : La relation qui unit Marcus et ses ouvriers, et plus particulièrement Szabolcs, est très ambiguë, partagée entre l'autorité et le besoin. Marcus est un marginal; il ne veut pas s'inscrire dans un modèle de vie typique, préférant sa cantine en préfabriqué, isolée dans le champ de pylônes, à la petite maison bourgeoise du petit entrepreneur classique. Mais pour vivre sa marginalité, il a besoin de personnes plus faibles que lui, qu'il peut utiliser comme il l'entend.
C. S. : Marcus s'est créé un mini royaume. Lui, l'inadapté social, il a su s'entourer de personnes qui ont besoin de lui. Sa femme, Bettina, dépend totalement de lui, de son regard et de son argent. Elle est tellement éprise, qu'elle n'est pas même capable de s'imaginer vivre sans lui. Malgré son attitude égalitaire, Marcus se pose comme le chef et veut utiliser les autres... mais il en sera victime. Szabolcs, l'ouvrier hongrois qu'il engage, va prendre le dessus. Lui, il a un diplôme. Comme ses compagnons immigrés, il s'est expatrié pour améliorer sa vie. Il a encore un but dans sa vie et des besoins simples : du boulot, de l'argent pour lui et les siens, une voiture, du parfum, etc.

C. : Mais voici que l'amour entre dans la destiné de cet homme. Lui, l'homme simple, est foudroyé par le désir interdit : la femme de son patron, celui qui se dit être son ami.
C. S. : Au départ, je voulais que mon personnage soit un solitaire, sans attaches ni liens, qu'il ait même peur du contact. Mais la perte de pouvoir de Marcus a provoqué la montée en puissance de Szabolcs. En prenant de l'assurance, il est attiré par cette femme non conventionnelle.

C. : Et puis, il y a Tessa, la fille de Bettina et Marcus, rejetée parce qu'elle a une drôle de voix.
C. S. : Dans mon scénario de départ, j'avais imaginé une enfant avec une voix trop grave pour son âge. Cela faisait référence à mon enfance. J'avais tellement pleuré bébé que ma voix était devenue rauque. Jusqu'à environ dix ans, j'avais une voix trop rauque pour mon âge. Mais j'ai dû abandonner l'idée, parce qu'il était presque impossible de trouver une petite fille avec cette caractéristique. Au casting, j'ai demandé aux enfants de manipuler des moules avariées. La petite qui s'était présentée a refusé de le faire, par contre, sa petite sœur qui l'accompagnait par hasard sautait sur sa chaise pour le faire à sa place, et quand je l'ai entendue parler, j'ai eu un choc terrible; elle avait la voix que je cherchais !

Extrait du film Lost persons area de Caroline Strubbe.C. : Pourquoi avoir choisi de travailler avec des danseurs plutôt qu'avec des comédiens ?
C. S. :
 La manière dont quelqu'un bouge en dit long. Les danseurs ont une façon de travailler que j'aime beaucoup. On peut travailler très longtemps avec eux, et dans un esprit collectif.
Je connais Lisbeth Gruwez depuis plus de quinze ans. Quand je l'ai rencontrée sur une piste de danse, j'ai été tellement subjuguée par sa façon libre de danser que je me suis jurée qu'un jour, je travaillerais avec elle. Lorsque l'occasion s'est enfin présentée, je n'ai pas hésité à lui demander de passer le casting. Ce fut un réel bonheur de la voir aux côtés de Sam Louwyck, également danseur, mais aussi comédien.
J'ai découvert Zoltan Miklos Hajdu dans ses rôles d'acteurs. Je ne savais pas qu'il était aussi acrobate au Cirque du Soleil ! Ce sont des hasards, mais il est vrai que je suis attirée par les corps. Au cinéma, un acteur, c'est avant tout un corps, une présence physique. Surtout pour mes films où il y a très peu de dialogues.

C. : À l'écriture du scénario, vous connaissiez donc une partie des acteurs. L'avez-vous adapté en pensant à eux ?
C. S. : Dans la volonté de travailler d'une manière organique, de créer une matière vivante et non pas de suivre des étapes, j'ai décidé de réadapter le scénario aux acteurs et aux décors que je trouvais. Je ne voulais pas rester tributaire d'un écrit, mais au contraire, le réinventer et le réadapter sans cesse sans craindre que le travail d'écriture soit sans cesse remis en question. Par exemple, le personnage de Szabolcs, au départ, était un Flamand de 40 ans, ami de Marcus. Tout le côté émigration de l'Est n'existait pas dans le scénario. Mon producteur m'a montré des extraits de films d'un ami producteur. Quand j'ai vu Zoltan, je me suis dit que c'était lui que je voulais dans mon film. J'ai repris mon scénario, et j'y ai inclus toute la partie des travailleurs hongrois. C'est ce qui a rendu le film beaucoup plus contemporain. Ce personnage enrichit le film, dans le sens où il est à la recherche de choses très fondamentales, comme avoir du travail, gagner de l'argent, trouver un amour, trouver un statut social par l'achat d'objets.
Mais c'est la dernière fois que je prends autant de temps pour écrire un scénario. Six ans d'écriture et de réécriture, c'est vraiment trop long ! Sans doute que j'avais peur de me lancer dans le tournage, et c'est certainement pour cela que j'ai pris autant de temps, comme pour me protéger derrière l'écriture.

C. : Quelle est la genèse du film ?
C. S. : J'ai commencé, il y a 6 ou 7 ans. J'avais déjà le lieu en tête. Il y a plus de 20 ans, quand j'ai fait mon premier court, j'avais vu cette aire de pylônes et je savais que c'était là que je voulais tourner. D'ailleurs, une partie de cette histoire faisait partie, à l'origine, de mon premier court métrage, Melanomen mais je ne l'avais finalement pas introduite.
Sur base de ce début d'histoire et surtout du paysage, j'ai commencé à écrire. Le plus difficile, c'est la gestion du temps. On ne sait pas combien de scènes il faut écrire, ni combien de temps elles vont durer. Au premier jet, j'avais 450 pages, et puis, au fur et à mesure des relectures, j'ai enlevé les couches. On a été sélectionné au CineMart de Rotterdam et à Berlin et j'ai vu des gens qui ne me connaissaient pas fascinés par l'histoire, qui étaient prêts à prendre des risques pour la réaliser.

C. : Vos trois films ont un dénominateur commun; un handicap ou un défaut physique visible.
C. S. : Oui. Qui sommes-nous dans le regard de l'autre quand on a un défaut physique ? Comment peut-on accepter son image ? Ce n'était pas une recherche consciente. Il est vrai que j'ai filmé très près des corps. On a choisi le Cinémascope pour montrer l'espace tout en restant près des corps, pour avoir ce contraste entre les deux : l'intimité dans un monde vide et grand.
Inconsciemment, je parle des peurs de la fragilité des corps, de la peur de vieillir, comment la vie peut se transformer soudain quand il nous arrive un accident physique, et le regard de l'autre, le fait d'être jugé sur son physique. Je trouve cela très dur. J'ai une énorme compassion pour les personnes qui doivent supporter sans cesse le regard des autres.

Extrait du film Lost persons area de Caroline Strubbe.C. : Si la réalisation ne s'était pas ouverte à vous, quel métier auriez-vous choisi ? 
C. S. :
 J'aurais écrit... mais j'ai longtemps hésité entre le décor et la réalisation. Je me rends compte que c'est un lieu ou un paysage qui m'inspire, comme c'est arrivé avec ce champ de pylônes. Quand je l'ai vu, des anciennes sensations qui me sont revenues. C'était un souvenir d'enfance. Mon père était aviateur et nous passions nos fins de semaine dans une cantine avec ma mère, pendant qu'il donnait cours dans le ciel. Ce champ de pylônes m'a rappelé le champ d'aviation. L'histoire m'est venue en étant dans ce lieu. J'ai beaucoup aimé construire ce « personnage » qu'est la cantine avec le décorateur, Igor Gabriel (également celui des frères Dardenne).
J'ai aussi découvert une sensation très forte et très belle en écrivant le scénario, seule devant mes pages blanches. Cette liberté d'inventer était d'autant plus enivrante qu'au moment du tournage, je me suis sentie prise en otage par une équipe qui, en voulant bien faire, avait une opinion sur tout : la façon de filmer, le découpage, l'histoire même !!!
Sur le tournage, il y a eu des moments où je voulais tout laisser tomber et me consacrer uniquement à l'écriture ! On y est libre et seul et c'est très gai. Mais ce qui me plaît aussi beaucoup dans le cinéma c'est qu'on a accès à des lieux improbables. Dans le champ de pylônes, on a rencontré les ouvriers qui y travaillaient. Ils nous ont fait découvrir leur travail, ont montré aux comédiens comment monter dans les pylônes. C'était une superbe expérience que seul le cinéma peut offrir.

C. : Quelle a été la scène la plus jouissive à tourner ? L'avez-vous gardée au montage ?
C.S. : Oui je l'ai gardée. C'était un moment euphorique pour tout le monde. Les premiers dix jours de tournage, nous avons vécu un moment de grâce. Dans la préparation, on a décidé de jeter mon découpage et d'adapter les plans selon les comédiens, leur déplacement, leur propre rythme. Je ne voulais pas d'éclairages, pas d'indication de déplacements ni de répétitions. Je voulais prendre les acteurs sur le vif et Nicolas Karakatsanis, le chef op', pouvait les filmer à chaque prise différemment. Les décors et les accessoires devaient être prêts tout le temps si on décidait de tourner telle scène plutôt qu'une autre selon le jeu des comédiens, ou tout autre événement aléatoire. Si une scène avait été trop répétée et que les acteurs n'avaient plus la spontanéité que je recherchais, on arrêtait de tourner cette scène et on en faisait une autre. Nicolas était enchanté par mes propositions et, heureusement on s'est très bien entendu, on a été très complices sur le plateau. Avec le reste de l'équipe, cela a été moins évident car ils se sont vite rendu compte qu'avoir l'esprit aventureux est beaucoup plus fatigant !
Mon assistant réalisateur avait quand même insisté pour faire au moins une répétition avant de filmer. Les comédiens ont commencé à jouer, mais moi je trouvais leur jeu tellement fort que j'ai demandé à Nicolas, par un regard, de filmer. La plus belle scène, c'était la scène d'amour entre Lisbeth et Sam : on en a fait qu'une seule prise en un seul plan-séquence. Pendant le jeu, je demandais à Nicolas de se rapprocher. J'avais demandé aux acteurs de terminer leur scène, d'aller le plus loin possible, d'intégrer les imprévus dans leur jeu et que je n'allais jamais dire « Cut » : c'était à eux d'arrêter quand ils le sentaient. Déjà, c'est à peine si je disais « Action »; un simple regard suffisait. En fait, avant chaque scène, les acteurs s'amusaient à répéter entre eux, et souvent, on les filmait à leur insu, comme dans la scène d'amour qui avait commencé comme une répétition mais qui, en définitive, a été la bonne prise. C'est peut-être parce qu'ils sont danseurs qu'ils ont osé se donner à ce point, sans essayer de maîtriser leur image, sans peur de faire des fautes, sans peur d'être ridicule, parce que c'est de cette manière que les chorégraphes travaillent.
Cette scène où Marcus rentre par la fenêtre, Bettina est cachée, mais il ne sait pas où, a été faite en une seule prise ! Je donnais des indications à Nicolas et il a fait de superbes plans des mains, de baisers, sans aucun découpage.

C. : À l'inverse, quelle est la scène qui a été la plus difficile à finaliser et l'avez-vous gardée ?
C.S : Je l'ai gardée, oui. C'était la première scène avec Tessa, la petite fille. Pendant le casting et les exercices, cela marchait très bien avec elle. Mais au moment de la première prise, elle s'est figée. J'ai dû changer de manière de travailler. J'ai demandé à Lisbeth, qui joue la mère, de provoquer une réaction de la fillette, sans nécessairement dire à Kimke (Desart) le rôle qu'elle avait à jouer ou les mots qu'elle devait dire. Dès que j'ai saisi cela, c'était parti.
Les 10 premiers jours, on a presque tous plané sur le tournage, mais après cela, on a vécu des moments de stress, de panique. À la moitié du tournage, j'avais déjà utilisé tout le stock de pellicule ! Je me suis trouvée devant un dilemme; soit j'arrêtais de travailler de cette façon, pour revenir à quelque chose de plus académique, en filmant uniquement le nécessaire. Mais si on tourne seulement le nécessaire, cela devient pauvre, parce que tout est efficace, et en fait c'est dans le superflu que se trouve la beauté, dans ces fins de scènes qui ne veulent rien dire mais dans lesquelles on peut créer le suggestif. Soit je réécrivais l'histoire et je laissais tomber une partie du film. J'ai préféré la deuxième solution. Par conséquent, j'ai dû réécrire la nuit. Le matin, la costumière et l'accessoiriste étaient informés des scènes qu'on allait tourner pour compléter la matière déjà existante. Cela a été un moment psychologiquement difficile, car il a fallu motiver l’équipe malgré la fatigue physique que je vivais.

Extrait du film Lost persons area de Caroline Strubbe.Mais je voyais bien que tous les changements que j'apportais étaient nécessaires. C'est pour cela que d'avoir reçu le Prix du Scénario à Cannes m'a rempli de bonheur. C'était la preuve de ma créativité, même dans des moments de stress, avec la pression d'une équipe, du manque de temps et d'argent. Si je n'en avais pas été capable, j'aurais arrêté. Je me suis toujours répétée pendant ce tournage que je devais faire MON film, comme je le voulais, comme je le sentais, pas pour faire plaisir aux autres, pour rendre un devoir bien fait. Pendant que je relisais mon scénario, je me disais avec tout ce qu'on a comme matière, il manque une scène.
Et en ouvrant les armoires, je trouve une boîte de thon, une boîte de pêche, et je dis à l'équipe, donnez-moi dix minutes, j'ai une idée qui peut faire une très chouette scène. C'est la scène où Bettina prépare pour sa fille une pêche au thon parce qu'elle est revenue à la maison, elle l'a retrouvée et elle veut lui faire plaisir. Maintenant j'ai une équipe avec qui je peux tourner en toute confiance. Ce film parle d'une libération, et pour moi, ce tournage fut une réelle libération.

C. : Si vous deviez donner une couleur au film, laquelle choisiriez-vous ?
C. S. : Des couleurs délavées, douces, avec beaucoup de bleus. Comme un souvenir, sans contraste. Des couleurs qui expriment une histoire dure, mais racontée avec tendresse et douceur. Avec Nicolas, on s'est beaucoup inspiré du photographe colombien Alec Soth, qu'on adore tous les deux.

C. : Quel objet vous vient à l'esprit en pensant au film ?
C. S. : Spontanément, je vois une gomme. Une gomme qui efface les couleurs, et qui est douce au toucher. J'ai l'impression qu'en faisant le film, j'ai pu effacer la trace de certains souvenirs douloureux.

C. : Et si vous pensiez à un animal ?
C. S. : J'imagine un cheval à cause de sa lourdeur. Un cheval c'est lourd, disproportionné, sa tête est trop étroite pour un corps trop grand. Un cheval doit courir pour être beau, comme les gens doivent avancer pour être beaux.

C. : Maintenant que vous avez trouvé votre équipe, vous n'allez plus attendre 10 ans pour réaliser votre prochain film ?
C. S. : Oh non ! Quand on se permet de casser les normes du cinéma et qu'on arrive à un résultat, c'est fabuleux. Je me sens pleine d'assurance et j'ai déjà mon histoire...

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