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Entrevue avec Marie Du Bled

Publié le 01/04/2005 par Matthieu Reynaert / Catégorie: Entrevue

Avant même d'entrer à l'IAD, Marie Du Bled, s'est retrouvée pour son premier rôle en dehors d'une école, embarquée dans l'aventure "Ultranova", dont elle est le second couteau et la narratrice. Un risque que le réalisateur Bouli Lanners n'a pas pris en vain puisqu'elle crève l'écran. Elle revient avec nous sur son expérience et son avenir avec l'enthousiasme qui sied aux belles jeunes filles de dix-huit ans, mais pas sans réalisme. Son parcours reflète peut-être une manière moderne d'envisager les métiers de l'art, entre la promotion de la culture dans les écoles  et la pression d'un monde du travail de plus en plus âpre. Comment vient la révélation aux comédiens de demain qui doivent se trouver une place dans un milieu forcé de se remettre en question entre la dévalorisation des filières classique, telles les écoles, et la multiplication des plates-formes d'expression?

"Si je remonte aux sources, mon premier contact avec le jeu c'est tout simplement l'école primaire, où je suivais un atelier parascolaire où on récitait des poèmes. Après j'ai suivi pendant deux ans un autre atelier parascolaire à l'Athénée Charles Janssens. Puis j'ai arrêté parce que ces cours ne me  convenaient pas et j'ai eu une petite période vide pendant un an, mais l'envie est restée et je me suis inscrite à un cours de déclamation en Académie, puis pendant deux ans j'ai suivi parallèlement des cours de théâtre en Académie. Puis je me suis présentée à l'IAD."

 

Rien que de très classique finalement et puisque Marie est une jeune comédienne encore en formation, il apparaît légitime de se demander quand est venu le déclic.
 "Les choses se sont fait petit à petit et je me suis décidé à la dernière minute. Peut-être en partie parce que j'avais du mal à assumer mes choix vis-à-vis de mes parents, quoiqu'il ne m'aient jamais interdit cette voie. Je crois que jusqu'au dernier moment je n'étais pas sûre que c'était ce que j'avais envie de faire ou plutôt, si, j'étais sûre d'en avoir envie mais est-ce que c'était une bonne idée, la chose à faire, etc.  D'une part, je me fais rarement confiance et de l'autre on me dit, souvent, et c'est vrai, que ce n'est pas un métier facile, qu'il y a très peu de place et qu'en vivre en Belgique est quasiment impossible. En plus j'avais de très bonnes notes à l'école qui me destinaient à une carrière d'universitaire! Ce n'était pas du tout l'évidence, même si j'en avais envie".

 

L'évidence n'est venue que plus tard, en partie grâce à l'expérience du tournage d'Ultranova dont elle parle avec une étincelle dans les yeux. "Ca m'a permis d'approcher ce monde du cinéma dont je ne connaissais rien et qui m'a beaucoup plu et ça m'a aidé à faire un choix pour mes études puisque c'était durant ma rhéto (la dernière année d'études secondaires) donc juste avant la décision fatidique! C'est une chance énorme et c'était complètement inattendu. J'avais envoyé mon C.V., qui devait se résumer à deux lignes et une  photomaton, à Gerda Diddens un ou deux ans avant le casting et je n'étais même pas sûr qu'elle l'avait reçu. Et puis un jour, pouf, un message sur mon répondeur…".

 

Au sortir du casting, son tout premier : "j’étais persuadée, sans aucune fausse modestie, que je ne serais pas prise. Parce que moi, c'est moi et puis parce que j'avais entendu la fin de l'audition de la comédienne précédente à qui on avait posé plein de questions sur ses disponibilités et je m'étais dit, Marie si on ne te pose pas de questions quant à tes disponibilités c'est fichu. Ils m'ont juste demandé dans quelle école j'étais, donc je me suis dit que non". De fait, elle n'avait pas tout à fait tort. Bouli explique sans problème qu'elle ne convenait pas du tout pour le rôle qu'elle auditionnait, mais, séduit par sa prestation, il lui taille sur mesure le rôle de Jeanne, détail qu'elle n'apprendra que bien plus tard.

 

"Elle n'est pas entre deux personnages, elle n'est pas du tout schizophrène, mais elle est sur le fil. On sent qu'à tout moment elle peut basculer car elle est complètement à l'ouest. Tu sens qu'elle peut faire une bêtise. Elle m'a vraiment touché, c'est un beau personnage que Bouli m'a prêté, mais je n'ai pas essayé de trouver nos points communs ou nos différences. C'est comme une rencontre avec une vraie personne, on est touché, mais on ne sait pas forcément pourquoi." Et Marie de construire, au fil d'un tournage morcelé, une Jeanne d'abord sympathique puis carrément inquiétante. Une performance bâtie à l'instinct, de manière autodidacte et sans "idoles" pour l'inspirer. Même de ses partenaires, elle dit que l'ambiance sur le plateau était formidable et qu'ils l'ont aidé à se sentir à l'aise, mais de conseils de jeu, point. Une méthode qui a aussi ses inconvénients.

 

"Voir le film fini a été une épreuve terrible, je n'avais vu que de petits extraits pendant la post-synchro et quand on se voit pour la première fois… Moi, par la comédienne Marie, j'ai été déçue, mais il faudra me laisser un peu de temps pour revoir le film, prendre de la distance par rapport à mon travail et l'apprécier en tant que spectatrice, si c'est possible!". "Connaissant le scénario initial, le résultat est surprenant. Bouli a beaucoup épuré, de nombreux personnages ont disparu et puis, peut-être que je l’apprendrais avec le temps, mais, à partir d'une lecture de scénario, je suis incapable de visualiser un film et l'aspect très esthétique du film m'a frappé, je ne pouvais pas m'y attendre".
La chance a frappé deux fois chez Marie Du Bled en lui offrant un premier rôle de taille et dans un film excellent dont on ne peut à présent qu'espérer le succès. Mais les occasions doivent parfois être provoquées.

 

"Dans un idéal, je voudrais avoir des opportunités partout. Je n'ai pas envie d'abandonner le théâtre malgré l'expérience super enrichissante de ce film.". Film qui lui a donné l'occasion d'une rencontre importante, comme seule peuvent en procurer les situations très particulières d'un tournage de cinéma. A la seule évocation de Bouli Lanners, elle ne peut réprimer un large sourire et le peu qu'elle en dit en cache bien plus, on le sent. "C'est une merveilleuse rencontre. Bouli c'est Bouli, c'est… C'est difficile à décrire sans être bateau, mais il est gentil et sur le plateau il ne te met pas du tout la pression, il prend soin de nous. Même après le tournage ça reste quelqu'un de très important pour moi et il fait attention que l'on garde le contact, comme une grande famille. Surtout à Berlin, c'était vraiment comme un voyage de famille. C'était la première fois que j'allais à Berlin, mais je n'ai pas vu la ville du tout! Ca été l'occasion pour moi de mesurer l'aspect commercial du cinéma après l'expérience du tournage et puis on s'est beaucoup amusés!"

 

Désormais convaincue d'avoir trouvé sa voie, Marie prend les choses au sérieux. "Ce qui me fait très peur c'est de me cantonner dans un rôle. Je suis attirée par les rôles les plus différenciés qui soient afin de pouvoir exploiter un maximum de mes facettes. Chaque comédien à un jeu vers lequel il tend facilement et si on ne l'aiguille pas il va vers la facilité. Le plus dur sera d'avoir ces opportunités".
Et autant être ouverte à tout, en effet, dans une carrière qui ne fait que commencer et dans un contexte plutôt rude. Mais on ne s'inquiète pas tant que ça pour Marie Du Bled, venez en juger sur pièce dans un film où s'illustrent, devant et derrière la caméra, de nombreux talents de chez nous.

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