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10/10 : Dix réalisateurs - Dix ans de cinéma belge francophone : les années 2000 par Boyd Van Hoeij et Fabrizio Maltese.

Publié le 08/11/2010 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Livre & Publication

Les décennies nous aident à dresser des bilans, dégager des tendances, tirer des perspectives. 2000-2010 donc. (F.Delcor et P.Suinen – Avant propos).

Un opuscule de 175 pages revient sur le cinéma belge francophone de cette période. Il est coédité par trois organismes de la Communauté française : deux institutions concentrées sur la production et la diffusion de notre cinéma (le Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel et Walllonie Bruxelles Image), et une troisième qui peaufine l’image internationale de notre Communauté (Wallonie-Bruxelles international, ex CGRI). Il a pour objectif de promouvoir à l’étranger la nouvelle génération de réalisateurs belges francophones, plus particulièrement dans les pays anglo-saxons et du nord de l’Europe où notre cinéma, nous disent les auteurs, est moins connu. La plaquette a d’abord été publiée en anglais à l’occasion du Festival international de Toronto avant de paraître en Belgique dans sa traduction française à la fin de l’automne. Sa réalisation en est confiée à un journaliste hollandais installé au Grand-duché et à son associé, un photographe italien travaillant majoritairement en France... sans doute pour des raisons d’objectivité.

Pour aborder dix ans de notre cinéma, il leur était difficile de passer en revue, de manière exhaustive, la centaine de longs métrages à participation majoritairement belge francophone, ni même la cinquantaine (environ) de cinéastes de chez nous ayant réalisé un premier long dans les années deux mille. Pour démontrer, à l’étranger, la vitalité de notre cinéma, les auteurs ont préféré la technique du porte-drapeau en sélectionnant dix cinéastes dits «de la nouvelle génération »: ceux dont on ne parlait pas encore dans les années nonante et qui sont pourtant les héritiers des Van Dormael, Berliner, BBP (Belvaux-Bonzel-Poelvoorde) Fonteyne et autres Dardenne qui ont porté le cinéma belge francophone sur la scène internationale dans les dernières années du XXe siècle. Le choix est forcément subjectif. Même si l’on reconnaît sans peine à chacun des cinéastes auxquels les auteurs s’intéressent une singularité, un regard, bref une « patte », de nombreux autres eussent pu aussi figurer au palmarès. Les élus sont sans doute ceux qui ont paru aux auteurs les plus susceptibles de « faire œuvre ».  À la fin de l’ouvrage, une douzaine de pages de conclusion et un catalogue de quelque 95 productions majoritairement belges francophones sorties durant ces dix ans permettent de ne pas oublier les autres.

Place donc à  Joachim Lafosse, Sam Gabarski, Abel et Gordon, Micha Wald, Fabrice du Weltz, Bouli Lanners, Olivier Masset-Depasse, Patar et Aubier, Ursula Meier et Nabil Ben Yadir. Pour chacun d’eux, une introduction rapide, une brève analyse de leur(s) long(s) métrage(s), une interview, une filmographie, et la présentation du cinéaste par une autre personnalité du cinéma (ex : Fabrice du Weltz par Yannick Renier, Patar et Aubier par Frédéric Fonteyne…). Le tout, emballé en 10 à 15 pages par personne, donne un assez bon aperçu de la personnalité, du style et du travail du réalisateur. Le cœur de chaque présentation est évidemment l’analyse des films, suivie de la conversation avec les cinéastes qui approfondit les thématiques développées dans l’analyse et leur permet de répondre aux questions fondamentales « qu’est-ce que le cinéma belge francophone ?» et « en quoi vous sentez-vous un cinéaste belge francophone ? ».

Le photographe est, à juste titre, crédité à l’égal du journaliste : le livre est abondamment et très bien illustré. Chaque cinéaste se voit consacrer un très beau portrait (repris en vignettes sur la couverture) par Fabrizio Maltese, et le texte est aéré par de nombreuses photos des films étudiés, d’un format respectable et d’une qualité assez rare. Le grand soin apporté à l’iconographie est, sans contestes, un des attraits de l’ouvrage.

Le cinéma belge francophone, foisonnant, multiple, reconnu partout pour sa qualité et son originalité souffre singulièrement de la désaffection de son propre public. Victime de clichés réducteurs (« Le » cinéma belge serait lourd, sérieux, esthétisant, bref ch…), ainsi que d’une frilosité et d’un manque d’attention des promoteurs, des distributeurs et des diffuseurs, le cinéma belge francophone est surtout très mal connu de son public potentiel. Le livre étant, de ce point de vue, un aperçu significatif (à défaut d’être exhaustif) de la diversité de style de genre et de point de vue de notre cinéma, la parution en français et la diffusion en Belgique d’une telle brochure est tout à fait justifiée et, pour notre communauté, d’intérêt public.