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14’18 La Grande Guerre dans le cinéma belge

Publié le 15/12/2014 par / Catégorie: Sortie DVD

coffret dvd  14- 18 La grande guerre dans le cinéma belgeCe coffret DVD, initiative de la CINEMATEK, marque le 100e anniversaire de la Grande Guerre. Il regroupe différents films belges qui ont vu le jour avant, durant ou après la Première Guerre mondiale et qui ont été restaurés pour l’occasion. L’ensemble du projet gravite autour de ce lien intrigant qui relie guerre et cinéma. On connaît tous la place de choix qu’a tenu le cinéma dans la politique d’Hitler ou encore de Staline. En revanche, on oublie souvent d’associer ce fabuleux média à ceux qui ont voulu laisser une empreinte de la guerre, passer un dernier hommage aux héros de ce temps. Cette production belge assez peu connue est d’autant plus fascinante qu’elle survient à une époque où le cinéma est encore balbutiant. À travers ces images, ces cinéastes ont donc fixé l’Histoire des hommes, mais aussi celle du cinéma, encore nommé cinématographe. On retrouve ainsi les traits spécifiques du cinéma des premiers temps - le jeu d’acteur très expressif, une caméra fixe, frontale et lointaine, l’utilisation d’intertitres - ainsi que les séquelles du conflit.

Dans les années 1910, lorsque les soldats américains ont quitté le pays pour rejoindre les tranchées européennes, le sénateur américain Hiram Johnson a déclaré qu’en temps de guerre la vérité était toujours la première victime. Avec l’avènement du cinéma, cet outil formidable, on devrait être capable d’offrir une représentation fidèle de la réalité. Evidemment, cette idée est utopique : même le documentaire comportera toujours une dimension partiale puisqu’il est le fruit d’un regard subjectif, celui du cinéaste. En témoignent ces images teintées d’un jugement négatif très prononcé à l’égard des Allemands. Ils sont présentés comme des barbares, des alcooliques sans le moindre état d’âme. L’appellation « Boche » est monnaie courante dans les intertitres et vient sans cesse rappeler la rancœur et l’animosité qui existent à l’époque. Vu la gravité de l’événement, la souffrance encourue, il est évident que la réalité n’est plus la même pour tous. Toutefois, si ces films sont quelque peu embellis ou pro alliés, ils restent des témoignages d’une époque où la raison n’est plus. Cette production ne traduit donc pas (complètement) la réalité des faits, mais celle d’un ressenti, d’une souffrance sans limites.

Le premier DVD dresse un éventail de la production de films de fiction. Il comporte le premier long métrage belge sur la guerre, La Belgique Martyre (de Charles Tutelier - 1918) ainsi que deux courts métrages. Ces différents films gravitent principalement autour de la place de la femme durant le conflit. L’historienne du cinéma, Leen Engelen approfondit cette question dans le livret (du coffret) comme dans le dvd, faisant le lien avec les plus illustres résistantes féminines comme Edith Cavell et Gabrielle Petit. La Belgique Martyre est animée d’une voix off donnant lecture de certains intertitres en flamand ou en français, ainsi qu’un accompagnement musical (que l’on doit à Hanne Deneire et l’ensemble Hermes). Par moments, le texte des intertitres est « chanté », ce qui est assez peu commun dans la restauration d’œuvre : un parti pris assez osé qui divisera certainement les spectateurs.

Le second DVD se concentre exclusivement sur le documentaire. Une fois de plus, il comporte un long métrage, À la gloire du troupier belge (de Fernand Poureau - 1922) ainsi que cinq courts métrages. À la gloire est un montage de différents petits films d’actualité réalisés par le Service Cinématographique de l’Armée Belge (SCAB) durant et après le conflit. Il est lui aussi pourvu d’un accompagnement musical signé Dagmar Feyen. Si les films de fiction traduisaient le contexte moral et émotionnel du pays, cette seconde partie s’attelle plus à la situation matérielle faisant l’état des lieux des dégâts occasionnés par la guerre. C’est Bénédicte Rochet, historienne du cinéma, qui se charge d’éclairer cette seconde partie.

Ce coffret tient sa richesse de sa valeur mémorielle. Il est le vestige d’une époque coincée dans une contradiction improbable, entre deuil et espoir, désolation et soif de patriotisme. 

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