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A l'école de la Providence de Gérard Preszow

Publié le 15/07/2000 par Philippe Simon / Catégorie: Critique

Cinéma brut

Images sauvages d'une rentrée des classes. Murs tagués, vigiles musclés, sas grillagé rappelant celui d'une prison. Plus loin, un préau gris où parlent et se bousculent des jeunes maghrébins et où soudain l'un d'eux repousse la caméra qui cherche à le filmer.
Ecole de la dernière chance, l'Institut de la Providence, célèbre pour son désir utopique d'accueillir tout ceux que l'on refuse ailleurs, survit aujourd'hui malgré une cassure sociale et culturelle de jour en jour plus difficile à gérer.

A l'école de la Providence de Gérard Preszow

 

D'un côté un ensemble de "jeunes", exclus, inadaptés, enfants d'immigrés pour la plupart et dont le futur oscille entre prison et CPAS, de l'autre un groupe " d'adultes ", enseignants dépassés, confrontés à un système pédagogique inadéquat et qui ne parviennent plus à faire le lien entre leurs soucis d'éducateurs et le présent de leurs élèves. Entre les deux, un no man's land fait de violence latente, de rêves brisés, de peurs et d'impuissance, qui pose brutalement la question de l'école et de sa fonction.
C'est là, précisément dans ce un no man's land, face à cette question que Gérard Preszow imagine son dernier film  : A l'école de la Providence.


Pendant un an, il filme pour la première fois seul, une caméra DV à la main, ses rencontres épisodiques avec des élèves et des professeurs de l'Institut.

Pendant un an, nomade en transit d'une cour de récréation crépusculaire et de classes et couloirs sombres et sinistres, Gérard Preszow laisse tomber toutes préoccupations cinématographiques pour ne garder des lieux et des gens qu'une image brute, sans apprêt, mal foutue et spontanée. Néophyte de l'image à faire, il ne cherche pas à instaurer un regard, à respecter un cadre, à suivre un scénario. Son seul souci est de capter des instants de vie, de saisir des visages, des attitudes, de prendre au vol des mots, des expressions, un silence. Ce qui l'intéresse avant tout vient de la surprise des rencontres, du choc des sourires, de la dureté des refus. Et son aventure s'invente dans cette nécessité où il est de devoir constamment trouver sa place dans un lieu où justement il n'en a aucune.
Cinéma brut, cinéma cru, A l'école de la Providence raconte d'abord ce souci de proximité, cet effort d'implication de celui qui filme par rapport à ceux qui sont filmés. Plus qu'un film sur l'avenir d'une école, voire d'un type d'enseignement, le film de Gérard Preszow est avant tout l'expérience d'un mouvement d'approche individuel et singulier et d'un désir de témoigner qui va jusqu'à la mise en risque de soi.
C'est parce que Gérard Preszow prend le risque d'arpenter cette blessure entre le monde des élèves et celui des profs, c'est parce que d'une certaine manière, il doit la faire sienne jusqu'à rêver qu'elle disparaisse, que son film échappe au discours social et moral de la réconciliation de ce qui n'a plus de territoire commun. Passé le constat du naufrage d'un certain enseignement, ce que réussit A l'école de la Providence, en expérimentant une image personnelle, entre distance et complicité, c'est de renouer avec l'utopie du lieu qu'elle parcourt en posant pratiquement la question de comment rompre aujourd'hui l'isolement.

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