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AIDependence d'Alice Smeets

Publié le 10/11/2014 par Sylvain Gressier / Catégorie: Critique

Le 12 janvier 2010, Haïti, frappé par un terrible séisme, devient un instant le centre du monde. L'émotion suscitée par ces images dramatiques entraîne immédiatement une réaction de solidarité internationale et les donations pour l'aide à la population et la reconstruction du pays affluent massivement des quatre coins du globe. Le gouvernement, dépassé, laisse alors les innombrables ONG prendre en main le destin d'un pays tout entier. Mais une fois l'émoi retombé et la médiatisation frénétique passée, que reste t-il des bonnes volontés affichées ?

AIDependence d'Alice SmeetsHaïti possède la plus forte concentration d'organisations non gouvernementales au monde. Aujourd'hui encore, et depuis une période bien antérieure aux événements de 2010 et 2011, ces sociétés supplantent l’État dans la quasi totalité des secteurs relatifs à l'aide et au développement. De cette omniprésence est née une relation ambigüe entre une population infantilisée par la dépendance, un ensemble d'organismes qui gagnent à pérenniser cette situation et un état dépassé. Vaste sujet qu'aborde Alice Smeets dans un premier film aux couleurs d'espoir et de solidarité.

Pour appuyer cette esprit volontariste, la réalisatrice fait le choix de focaliser son attention sur deux habitants de la Cité soleil de Port-au-Prince. Ce jeune couple américano-haïtien porte avec fraîcheur le message d'une nécessaire coopération entre l'étranger et l'autochtone, seul moyen de dépasser cette relation délétère d'assistant/assisté qui, à bien des égards, fait écho aux missions civilisatrices d'antan. Membres actifs de Soley Leve, un groupe de quartier à la démarche positiviste, ils vont a contrario de la posture atone qu'induit la dépendance à l'aide internationale en prônant le « konbit », tradition haïtienne du travail solidaire. À ces deux protagonistes s'adjoignent divers acteurs et observateurs de la situation haïtienne, leurs voix s'accordant, face caméra, sur les maux du pays donnent le ton et font figure d'analyse.

AIDependence d'Alice SmeetsCes interviews sont découpées et disséminées au fil du documentaire, pratique tout à fait classique qui pêche pourtant ici, tant on est en attente d'informations factuelles pour prendre pleinement la mesure d'une situation dont on ne fera malheureusement que survoler les nombreuses et complexes problématiques. C'est d'autant plus dommage que certaines réflexions d'ordre moral portées par les habitants de la Cité soleil accusent une redondance qui empiète sur ce manque d'infos tout en souffrant de leur absence.

Ainsi, AIDependence sacrifie dans cette partie, son sujet à un rythme et une empathie qui empruntent beaucoup au reportage filmé, sans posséder la rigueur journalistique qu'il requiert. Le message délivré pâtit de l'absence de contrepoints, de contextualisation en certaines situations ou simplement de temps pour être développé.

Si le film ne remet pas du tout en cause la nécessité de la solidarité internationale en cas d'urgence, il questionne les limites d'un système qui, par l'afflux constant d'aides extérieures, fait fi d'un nécessaire équilibre économique interne, empêchant, de fait, la réappropriation par un peuple de son autonomie. Posant ainsi en négatif le problème du capitalisme à l'échelle internationale, il tente de trouver en l'humain le moyen de dépasser l'adversité et l'intérêt financier. Konbit !

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