Cinergie.be

Après la mort, après la vie

Publié le 15/01/2016 par Serge Meurant / Catégorie: Critique

Le film Après la mort, après la vie est né de la rencontre entre Olivier Deprez, bédéiste français et Adolpho Avril, artiste résident à l’hôpital psychiatrique de Lierneux, en 2007. Elle eut lieu dans l’atelier de gravure de l’établissement. Au fil des histoires inventées par Adolpho Avril, un univers commun a pris forme avec, en arrière-plan, l’atmosphère du monde semi-clôt de l’hôpital psychiatrique. Olivier Deprez a découvert celui-ci en accompagnant Adolpho dans le pavillon qu’il occupe. Il a fait, progressivement, la connaissance des médecins et des infirmiers. Le film s’est construit à partir de la gravure sur bois et de l’interaction de celle-ci avec le cinéma. L’atelier de gravure est à la fois le studio et la salle de projection où surgissent les images expressionnistes et fantasmagoriques qui traduisent un univers où s’enchevêtrent les angoisses, les rêves, les peurs et les désirs.

Après la mort, après la vieLe scénario est simple : c’est l’histoire de deux insomniaques. Parce qu’ils ne trouvent pas le sommeil, ils impriment des gravures noires, fabriquent un film noir, et visionnent le résultat de leur travail. Ainsi se passe leur nuit.
On y voit deux personnages qui portent des masques avec de longs nez. Ils marchent sur des rails, se cherchent sans jamais se rencontrer. Ils s’appellent en vain. Un œil les surveille par un judas. Ils se retrouvent enfin dans l’atelier-studio, visionnent des segments de pellicule sur une table de montage. S’inscrit sur l’écran le titre du film.
La voix d’Adolpho accompagne le récit dans une langue imaginaire , celle de ses ancêtres. Bien qu’incompréhensible, elle semble familière mais elle raconte quelque chose d’insaisissable.
La technique de la gravure sur bois introduit la force et la violence du geste qui incise la résistance du matériau. L’impression prolonge celui-ci en donnant à voir l’image accomplie. Ce moment livre déjà une forme possible de l’image en mouvement. Les gravures d’Adolpho Avril ont fait l’objet de l’édition d’un très beau livre édité par FRMK en 2014.
Il accompagne le film et le met en résonance avec l’œuvre gravée d’un Frans Masereel, et peut-être celle d’un cinéaste d’animation comme Pierre Hébert bien qu’il dessine directement sur la pellicule.
Après la vie, après la mort est un film d’une grande richesse plastique et cinématographique, où les cinéastes explorent ensemble l’univers de la folie, mise en scène ou plutôt « littéralement creusée ».
C’est l’expérience d’une rencontre où s’épaulent magnifiquement l’un et l’autre, à travers leurs pratiques, leurs vécus, leurs images. Seule la structure des ateliers pouvait permettre la réalisation d’un tel film, jour après jour.

 

Tout à propos de: