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Ballad in E minor, de Freek Quartier

Publié le 08/03/2007 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique

Chauffe Marcel !

Lorsque des tempéraments artistiques comme ceux du réalisateur Freek Quartier et du saxophoniste Andy Declercq se marient avec l’animation 3D, le résultat sort des sentiers battus. Une oeuvre toute en atmosphères, loin des effets tape-à-l’œil qui sont trop fréquemment  l'apanage des films en images de synthèse. Ballad in E minor est un hommage décalé au jazz, dans son inspiration comme dans ses ambiances. La musique y remplace les mots et se fait complément idéal de l’image pour transmettre au spectateur les émotions du personnage principal. Ce dernier, musicien de rue, termine ce qu’il est convenu d’appeler une journée de m… Malgré tout le cœur, le talent et la conviction qu’il a mis dans ses prestations, l’étui de son saxophone est resté presque aussi vide qu’aux premières heures de la matinée. À peine quelques pièces, juste de quoi se payer une bouteille de whisky au fond d’un bar miteux. Tandis que la bouteille se vide et que l’homme ressasse ses idées noires en contemplant le fond de son verre, le mobilier, soudain, prend vie et le musicien, ébahi, voit se constituer pour lui un public attentif de tables, de chaises et de tabourets. Devant cette étrange audience, l’homme est poussé à donner le meilleur de lui-même.
Freek Quartier réussit en douceur la transition improbable d’une mélancolie quelque peu cafardeuse vers les accords chaleureux d’une musique aux accents communicatifs. Après un début presque glauque, il laisse son spectateur ébloui, à l'image du patron de bar et de l’unique client sur un dernier accord doux-amer. C’est le RITS (Haute école Erasme), une des rares écoles de cinéma en Belgique à avoir pleinement compris l’importance de l’enseignement de la 3D pour les professionnels de demain, que ce tempérament hors normes a pu s’exprimer ainsi. On appréciera diversement le graphisme choisi, mais le réalisateur en joue avec beaucoup d’à-propos pour souligner cette contradiction qui fait la moelle de son film. On baigne dans cette ambiance particulière, oscillant entre désespoir mortifère et enthousiasme juvénile, dont s’imprègnent le jazz, le blues et certaines tendances de rock. Le résultat, tout en subtilité, ne déchaînera pas les passions, mais séduira un public de qualité, sensible à la faculté d’évocation dont fait preuve le réalisateur et son complice saxophoniste. Ce dernier s’est vu récemment récompensé d’une mention au festival Het Grote Ongeduld, pour la qualité de son travail musical. 

Belgique 2006. Animation 3D - 7’ - Beta SP.
Scénario, animation et réalisation : Freek Quartier. Musique : Andy Declercq. Produit par Lai King Chang pour le RITS Erasmushogeschool.

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