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Belvision : la mine d'or est au fond du couloir de Philippe Capart

Publié le 01/04/2003 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique

Nostalgie

Pour la génération de votre serviteur, dont l'enfance coïncide avec l'apogée des studios de la rue du Lombard, le nom de Belvision sonne encore aux oreilles avec une solennité magique née des émerveillement de l'âge tendre. Un parfum de madeleine aux odeurs mélangées d'encre, de papier et de bonbons qui nous renvoie à la douce époque où, en culottes courtes, nous courrions chaque mardi chercher notre journal Tintin chez le libraire du coin. Une fidélité souvent récompensée par une chique sûre. Belvision, c'est à travers les pages du magazine que nous le découvrîmes. Le studio et l'hebdomadaire faisaient partie de la même maison et on s'y livrait donc, à la sortie de chaque dessin animé de long métrage, à un marketing agressif de bon aloi. Des articles abondamment illustrés apprenaient à nos chères têtes blondes le B.A.-BA du travail de titan que constituait la mise en images de Pinocchio, Astérix ou Tintin. C'était alors la scie auprès des parents pour obtenir l'autorisation et les quelques francs nécessaires pour aller au cinéma visionner ces joyaux du savoir-faire national. 

 

Belvision : la mine d'or est au fond du couloir de Philippe Capart
Né plus de dix ans après nous, Philippe Capart n'a pas eu cette chance! C'est à peine si les "jeunots" d'après 1970 savent encore que, du milieu des années cinquante à la moitié des septante, quelques fous réussirent le pari de mettre sur pied en terre bruxelloise un des seuls studios professionnels ouest-européens dédiés à l'animation, allant jusqu'à produire des dessins animés de long-métrage. Impensable à l'époque hors d'Amérique ou du bloc de l'Est (où les conditions de production étaient différentes), c'est une aventure peu banale, plus souvent faite de système D que de confort technique. Philippe Capart la découvre un peu par hasard en tombant sur les archives du studio. Enthousiasmé, il décide de sortir de l'oubli cette page d'histoire du cinéma belge. Il délaisse un temps l'animation pour le documentaire, et se lance dans l'entreprise en compagnie de ses comparses de toujours Dino et Sirio Sechi.

 

Belvision : la mine d'or est au fond du couloir de Philippe Capart     

 

En 52 minutes, le film retrace toute l'histoire des studios, fondés en 1954 par Raymond Leblanc. Il puise abondamment dans la mine d'archives mises à sa disposition pour faire revivre la magie de cette époque. Ce sont les premiers Bob et Bobette, pour lesquels on se contentait de filmer les dessins de Vandersteen en y ajoutant quelques effets de caméra (zooms, panos,...). Les premiers Tintin aussi, dont on faisait bouger la tête, montée sur une tige en papier. L'aventure des coproductions avec la France, le règne du tyrannique et génial Ray Goossens (Pinocchio dans l'espace,...). C'est la surprise de Goscinny et Uderzo, à qui on présente Astérix le gaulois, réalisé sans qu'on les en aie avertis. D'où la déception d'Uderzo devant la piètre qualité des demi animations (seuls la tête et les membres étaient animés).

 

Belvision : la mine d'or est au fond du couloir de Philippe Capart

En revoyant les extraits, on se rend compte à quel point Uderzo avait raison, mais nous retrouvons le film qui, dans nos souvenirs, était une merveille et qui, à nos yeux d'enfant, conserve encore aujourd'hui toute sa magie. C'est Astérix et Cléopâtre, entreprise mégalomane et ruineuse, Lucky Luke, les Schtroumpf, Tintin encore. La débandade financière enfin, qui oblige le studio à réduire drastiquement ses activités. Ceux qui y participèrent se souviennent. Ils évoquent à grand renfort d'anecdotes l'ambiance de l'époque et dévoilent quelque peu l'envers du décor. Un commentaire érudit d'Hugues Dayez complète cette sympathique évocation à la structure et au montage très classique, mais dont le contenu passionnera tout ceux qu'intéressés par l'histoire (trop méconnue) du cinéma d'animation en Belgique, ou qui aiment tout simplement retrouver le parfum d'une époque révolue.

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