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Broer de Geoffrey Enthoven - en salles le 13/01

Publié le 15/01/2016 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

Les pieds nickelés chez Vampirella

Bizarre objet filmique que signe à nouveau Geoffrey Enthoven. Produit par Mariano Vanhoof de Fobic Films, son producteur attitré, coécrit avec Pierre De Clercq, scénariste aguerri habitué des comédies grand public à succès, Broer semble, à première vue, un film livré clé en main, fabriqué pour devenir un petit succès en salle, une bonne comédie familiale, comme le cinéma flamand sait si bien en produire. Mais chaque fois qu'on l'attend quelque part, le film rebondit ailleurs, multiplie les changements de tons et fuit entre les mains, comme une anguille irlandaise. C'est la marque d'Enthoven. Sauf que là, ça finit dans le rien.

BroerMark (Koen De Bouw) erre tel un ours des cavernes dans un hôtel miteux et de toute évidence abandonné. On frappe à sa porte : un avocat mandaté par une riche irlandaise vient lui annoncer que la belle, qui fut son amante 20 ans plus tôt, est depuis devenue veuve, et qu'elle le cherche, n'ayant jamais pu oublier cet amour. Comme dans son film précédent, Halfweg, longue bataille entre un péquenot arriviste et le fantôme qui occupe toujours la demeure qu'il vient d'acquérir, l'hôtel est ici hanté par Michel (Koen de Graeve), le frère de Mark, et qui se trouve être l'amant recherché en question. Entre les deux frères, les conversations sont rudes et les aigreurs n'ont jamais cessé, par delà la mort. Poussé par son voisin et locataire fauché (Titus De Voogdt, qui mérite mieux que ce rôle de clown looser qui croit avoir flairé les billets), voici que Mark décide de prendre la place de Michel pour s'emparer de la belle blonde et de son magot. À quoi il faut ajouter que son frère Michel est mort en embarquant la belle de Mark, Paula... Vous suivez l'imbroglio ? Dans l'espèce de huis clos qui commence, le ton est à la comédie légère, canevas classique d'un énième marivaudage où chacun se fait passer pour ce qu'il n'est pas. Mais cette histoire de frères, de fantômes et de belles se complique encore. En Irlande, où vit la riche héritière, belle comme une Vampirella platine cinquantenaire, le film se met soudain à battre au rythme de cordes stridentes le long de travellings suspendus au bord du vide, de nuits sombres et d'étranges apparitions nocturnes. Le suspens bat son plein quand la blonde échange de drôles de regards avec son chauffeur complice, homme de glace à l'œil fixe. On va le comprendre assez vite, tel est pris qui croyait prendre. Avant que le film ne rebondisse encore dans d'énièmes péripéties pour basculer dans le drame, la rédemption et le sentimentalisme tire-larmes.

Ce qui étonnait chez Geoffrey Enthoven, c'est cette manière de mélanger les genres, de se les réapproprier pour les prendre à rebrousse-poil, les faire grincer, y insuffler une bonne dose d'irrévérence (Vidange perdue, Hasta la vista !) ou de mélancolie noire (Meisjes). Et si, ici, il revient à moins de bluff esthétique que dans son dernier film très maîtrisé, cette histoire à l'anglaise semble un pot-pourri des scénarios de Mankiewicz (Madame Muir encore, Le limier ou Guêpier pour trois abeilles) qui lorgnerait du côté du Woody Allen de Scoop. Mais il n'y a là ni la complexité des machinations des films de Mankiewicz, ni l'ingéniosité de ses dialogues. Pas plus qu'on y retrouve la jubilation d'un Allen guilleret et malicieux. Au final, dans ses décors vides où tout le monde traîne un peu les pieds comme Koen De Bouw à la démarche lourde, les sautillements hystériques de Titus de Voodgt ne réussissent pas à insuffler une once de joie à ce film, comme les précédents, hanté de deuil et de mélancolie mais qui ne trouve pas cette fois ni le ton grinçant ni l’innocence farouche qui le sauverait d'une platitude télévisée sans queue ni tête.

 

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