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Cabale à Kaboul

Publié le 13/07/2007 / Catégorie: Critique

Dans Kaboul en ruine, chacun se débrouille comme il peut. Isaac et Zabulon vivent l’un à côté de l’autre, dans l’enceinte de la synagogue aujourd’hui désertée. L’un est jeune et opulent, l’autre vieux et pauvre. Ils se détestent cordialement depuis une dizaine d’années. Cabale à Kaboul est ce qu’on pourrait appeler une fable du réel. Une fable qui raconte l’histoire authentique des deux derniers Juifs d’Afghanistan.

Cabale à Kaboul

Seul avec sa caméra, le réalisateur Dan Alexe fait la connaissance de ces hommes et partage leur quotidien. Comme dans le cinéma direct, pas de commentaire ni de voix off : on est directement plongé dans le réel. La caméra interagit ouvertement avec les personnes filmées, sans jamais chercher à se cacher. Dan Alexe filme comme il regarde, très naturellement, et reste proche de ceux qu’il filme et de leurs gestes pour nous immerger dans leur quotidien. Ainsi, leur vie nous paraît réelle et tangible.
Les sensations naissent dans la durée, petit à petit, on entre dans leur rythme de vie. Toute l’atmosphère du lieu et les gestes nous apparaissent alors proches et bien réels. De même, il est des actions qui appartiennent au quotidien mais qui révèlent leur importance.

Zabulon achète une dizaine de poulets ; il vante les mérites du rituel d’abattage qu’il a appris auprès d’un rabbin réputé. Chaque poulet est tué avec la même précision, et l’on suit attentivement le geste du couteau sur la gorge de la bête. Puis, avec le même cérémonial, il vide le sang dans la terre, le couteau calé entre les dents et les mains pleines de sang. De son côté, Isaac n’achète que deux poulets, dont l’un s’échappe. L’abattage de son unique poulet est plus discret, même si les gestes et les mots prononcés semblent être les mêmes. La caméra suit avec attention ces rituels, qui s’avèrent finalement assez similaires.Isaac et Zabulon sont comme deux frères ennemis : issus de la même communauté, partageant non seulement leur religion, mais aussi leur toit et la plupart de leurs gestes. Fâchés jusqu’à la mort, rien ne semble pouvoir les réconcilier.

Dan Alexe ne prend pas parti dans ce conflit. Sa position reste sereine, et il parvient à maintenir son amitié avec chacun, malgré les reproches qu’il essuie. Mieux encore : par l’enchaînement de séquences qui se répondent, il compose un véritable dialogue entre ces deux hommes qui ne s’adressent pourtant la parole que pour s’injurier. Dans un style vivant, drôle et fin, Dan Alexe parvient non seulement à raconter les contradictions et les difficultés de ces derniers Juifs d’Afghanistan, isolés de leur communauté et de leur famille, mais il offre aussi un point de vue inédit sur la vie à Kaboul aujourd’hui. 

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