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Campus Kassapa de Ronnie Ramirez

Publié le 15/04/2013 par / Catégorie: Critique

Etudiant, poil aux dents

« Avant, j'étais à l'université de Kinshasa et une année scolaire prenait deux ans, deux ans et demi. Ici, à Lubumbashi, l'année scolaire est bien organisée ; elle dure dix mois, avec des examens et un calendrier respectés... » 

image du film Campus Kassapa de Ronnie RamirezPour son cinquième documentaire, Ronnie Ramirez braque sa caméra sur l'université de Lubumbashi et se focalise sur ces jeunes hommes et ces jeunes femmes qui tentent de décrocher le précieux sésame que constitue le diplôme universitaire. Car si l'année estudiantine est plus courte qu'à Kinshasa, la vie quotidienne sur le campus Kassapa n'en est pas pour autant une sinécure.
Lubumbashi est la deuxième plus grande ville de la République Démocratique du Congo. Située à l'extrême sud-est du pays, à la frontière avec la Zambie, elle possède l'une des plus grandes universités de la région. 25.000 étudiants y sont officiellement recensés. Ces bâtiments ocres n'offrent, au premier abord, que peu de repères. Difficile de distinguer les salles de cours des « Homes », les résidences universitaires. Quelle meilleure entrée en matière, alors, qu'une rencontre avec les représentants étudiants ?

Face caméra, le « maire », entouré de deux « vice-maires », se présentent. Davantage que des représentants, ceux-ci sont plutôt des responsables, en charge de la sécurité ou du logement, par exemple. Une présentation par ailleurs trop solennelle pour être honnête : on imagine les avantages que confèrent leurs fonctions et les tractations en tout genre qui doivent se dérouler hors-cadre. Impression renforcée par la mine patibulaire du maire. Impression confirmée, quelques minutes plus tard, quand le vice-maire en charge du logement se félicite d'occuper une chambre seul. Un luxe, alors que ses congénères s'entassent à quatre, six ou plus dans des pièces n'excédant pas les quinze mètres carrés. Des résidences insalubres, avec des branchements électriques prêts à illuminer la Saint-Jean. Les étudiants se sentent abandonnés par leurs élites, manifestant incompréhension et colère face à leurs indignes conditions de vie. Manque de moyens (financiers aussi bien que structurels) et politique, voilà les deux leitmotivs de Campus Kassapa.

Car si la politique est officiellement bannie de l'université, elle surgit sans cesse, de la manifestation contre le triplement du minerval, au combat pour l'égalité homme-femme. Le 8 mars, journée internationale de la femme, est une occasion de fête et de mise à l'honneur des revendications des étudiantes. Une émission de radio permet à certaines de battre en brèche les clichés sur l'étudiante éphémère, présente sur le campus uniquement dans le but de trouver un mari. Autre problème à affronter : la concupiscence. Celle des hommes vieux et riches échangeant, contre quelques instants lubriques, de précieux deniers permettant aux étudiantes sans le sou de poursuivre leur cursus. Comme ailleurs, le combat n'est pas gagné mais, petit à petit, les mentalités évoluent.

image du film Campus Kassapa de Ronnie RamirezOutre les problèmes de logement, le manque de moyen se manifeste à tous les niveaux de la vie estudiantine. Ainsi, l'hôpital universitaire ne parvient pas à effectuer correctement sa mission, faute de financement approprié. De nombreux étudiants travaillent à droite et à gauche pour payer leurs études. Et, une fois ces études terminées, se posent la question des débouchés. Les moyens manquent en effet également pour développer de nombreux secteurs. Une situation dénoncée par les étudiants qui rappellent que leur pays est extrêmement riche en minerais, encore trop accaparés par quelques-uns sous l'égide des multinationales occidentales.

Frustrés, mais loin d'être résignés, les étudiants congolais avancent vaille que vaille, malgré les aléas universitaires et les conflits provinciaux (Lubumbashi est la capitale de la province du Katanga, une des plus grandes et des plus riches du pays, donc l'une des plus convoitées et des plus instables. Cf Katanga Business de Thierry Michel). Tournés vers le futur, ils souhaitent participer au développement et à la stabilisation de leur Etat, conscients de l'incertitude de la région et de leur histoire. Une situation parfaitement illustrée par une étonnante séquence captée par Ronnie Ramirez, où des étudiants en droit joue (rejoue ?) le procès d'un ancien recteur de l'université, qui a autorisé la police militaire à intervenir lors d'une manifestation étudiante en 1990. Intervention qui se solda par 63 morts. Une époque où le pays s'appelait encore Zaïre. 

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