Cannes 2005 raconté par nos envoyés : Anne Feuillère, Vitor Pinto, Pierre Duculot et Marie-France Dupagne ainsi que notre jeune lauréate Natacha Pfeiffer
Petite, j’aimais bien regarder le festival de Cannes à la télévision, voir ces grandes dames dans leurs jolies robes. C’était comme de jouer aux Barbies, ça me donnait envie de grandir plus vite. Et puis finalement, un jour, le rêve est devenu réalité, l’occasion d’aller à ce festival s’est offerte et je l’ai saisie. Une fois sur place, j’ai très vite compris que tout ce que la télévision m’avait laissé croire pendant des années n’était qu’une minuscule partie de la réalité. Cannes est en fait une immense fourmilière, une gigantesque machine à rêves où se bousculent plus de trente-cinq mille personnes qui courent du matin au soir, munies de badges ou de laissez-passer.
A l’intérieur même de cette catégorie, s’instaurent des castes rigides : la presse entre la première dans les salles, suivie des producteurs ou acheteurs potentiels et enfin, seulement, des cinéphiles, dont je faisais partie et qui ont pour seul but de boucher les sièges vides des salles trop grandes. Là-bas, tout est question de privilèges ; ce festival réinstaure la monarchie absolue durant deux semaines et faisant partie du tiers-état, je ne suis parvenue à voir que deux films de la compétition officielle. Rien, là-bas, n’est éternel ni même réel, tout n’est qu’éphémère ou artifices. La ville s’est parée de ces plus beaux bijoux, s’est remplie de paillettes et de champagne. Le tapis rouge des célèbres marches est patiemment remplacé tous les deux jours, les fêtes de Cannes sont désormais aussi célèbres que l’étaient celles de Versailles.
Ce que le petit écran ne vous montre pas non plus ce sont ces gens, ces hommes et ces femmes, qui sont présents dès l’aube aux bas des marches, munis de jumelles, chacun ayant sa propre échelle, son parasol et sa glacière. Ils attendent le soir ; tous mendient leurs petites parts de rêve, tous désirent se faire éblouir par quelques étoiles, trop filantes hélas. Le cinéma n’est plus, pour beaucoup, qu’un prétexte, un à-côté qui disparaît peu à peu de l’intérêt général. Pourtant, c’est pour le cinéma que j’y ai été et c’est pour cette même raison que j’étais triste de rentrer à Bruxelles. C’est de cinéma qu’on parlait dans toutes les files d’attentes, dans tous les restaurants, sur la plage et sur la croisette. Le festival a été pour moi l’occasion unique de voir plus de vingt films, tous étranges par rapport à ce qu’on voit habituellement, tous hors normes. J’ai donc découvert durant mon séjour, qu’il existe plusieurs festivals de Cannes, comme il existe plusieurs cinémas, à chacun désormais de faire son choix.
Natacha Pfeiffer