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Christine Grulois, lauréate du Prix de la Critique 2017 au Festival du Film d'Amour de Mons, pour son court-métrage Tout Moka.

Publié le 18/10/2017 par David Hainaut / Catégorie: Entrevue

Une réalisatrice en marge

Pour la deuxième année, Cinergie matérialisait un partenariat avec le Festival du Film d'Amour de Mons en soutenant le Prix de la Critique, décerné au Meilleur court-métrage national. Après Nelson (Juliette Kline & Thomas Xhignesse) en 2016, c'est Tout Moka de Christine Grulois qui s'est imposé. Un Prix attribué depuis quatre ans dans l’événement, qui au préalable, a vu récompenser Eve Duchemin (Sac de Noeuds, 2013), Miklos Keleti (Figures, 2014) et Jean-François Metz (Chazam, 2015).

Rencontre avec une réalisatrice qui a tourné son troisième court-métrage cet été. Diplômée de l'Ecole de Recherche Graphique (ERG) à Bruxelles, elle est aussi connue comme comédienne (Ordinary Man, de Vincent Lannoo) et pour sa voix (Panique au Village).

Cinergie : Comment est né Tout Moka?
Christine Grulois :
Mes films s'imaginent assez simplement, par des éléments de rêve qui reviennent souvent. De ces moments naissent chez moi de petites aventures qui, en les saisissant au bon moment, peuvent donner naissance à quelque chose. Comme j'ai souvent vécu des voyages en train compliqués avec mes enfants, j'ai imaginé Tout Moka, qui raconte une histoire plus ou moins vécue d'une mère et de ses enfants qui préparent un gâteau pour l'anniversaire de la grand-mère, et qui entreprennent un voyage compliqué à la campagne. C'est une sorte de retour aux sources, mais avec des difficultés qui se placent devant eux. J'avais envie d'en profiter, pour l'aspect symbolique par rapport aux choix que nous faisons dans la vie, tout ça se mélangeant un peu. C'est une démarche qui peut sembler facile, mais je me dis que si elle s'accroche à mon inconscient, elle peut raisonner chez d'autres gens, différemment même. Car même si nous sommes tous des êtres différents, nous partageons tous, à certains moments, des choses en commun.

C. : Vous jouez vous-même dans vos films et mieux, avec vos enfants. Pourquoi ?
C.G. :
...ainsi qu'avec Gilles Bissot, mon compagnon, dont c'est le travail de filmer. Tout simplement parce que je trouve gai de faire cela en famille. Il y a forcément une complémentarité qu'on ne peut pas retrouver ailleurs. Pour les enfants, je me suis simplement rendu compte qu'ils étaient de bons comédiens, c'était donc facile de les emmener dans cette histoire, on pouvait répéter facilement. Et s'ils voulaient rajouter quelque chose, ils pouvaient. Autour de cela, je travaille aussi avec ma mère et plusieurs amis. Je crois que cet ensemble crée quelque chose d'assez authentique...

Christine Grulois, réalisatriceC. : ... en tournant dans une région carolo, qu'on voit finalement assez peu dans le cinéma belge.
C.G. :
Je suis née dans ce coin, le prétexte était donc bon pour aller vers une région où le cinéma belge va peu, en effet -ce que je trouve dommage, car il y a des coins et une nature insoupçonnables. Même un endroit qui semble moins bucolique comme Marchienne-au-Pont peut devenir joli à l'écran. Là, j'ai tourné mon court suivant, Le Beau Séjour, cet été à Biercée et c'était pareil : il y a vraiment dans cette région quelque chose de différent. Cela va du langage des gens à leur spontanéité. Ayant vécu là dix-huit ans, je m'y reconnais, et fatalement, j'aime y mettre une caméra.

C. : Avoir obtenu un Prix au Festival du Film d'Amour de Mons, dans une compétition assez relevée, cela vous a procuré quel sentiment ?
C.G. :
J'étais vraiment contente, car nous n'y avions pas du tout songé. Nous étions déjà heureux d'être sélectionnés. Quand on pratique ce genre de cinéma, un peu atypique, on ne sait jamais trop à quoi s'attendre. L'important je trouve, c'est que les festivals continuent à diffuser du court-métrage pour que les gens les voient, leur visibilité étant en général limitée. Cela dit, mon premier moteur pour réaliser reste avant tout un désir personnel.

C. :Vous venez donc de tourner votre troisième court, Le Beau Séjour. Vous pourriez en parler ?
C.G. :
Je dirais que dans la lignée de Tout Moka, il est arrivé un peu par hasard. Ce sont de petites bribes qui se sont mises ensemble et qui ont fait qu'un scénario est né. Nous l'avons tourné cet été sans être sûrs d'avoir tous les financements nécessaires, mais la Province de Hainaut nous a bien aidés. On a eu beaucoup d'imprévus, mais on a toujours su rebondir. C'est un film qui, comme mes précédents, fonctionnera plus sur les images que sur une intrigue complexe, et qui sera axée sur des émotions et des sentiments.

Christine GruloisC. : Vos films gardent un esprit bon enfant et transmettent des choses simples et positives. Est-ce votre façon de lutter contre cette société parfois agressive ?
C.G. :
C'est un peu ça, sans doute, à ma manière. Je suis quelqu'un qui vit assez loin des ordinateurs et des portables. Je vis en décalage, mais c'est une façon de résister. J'ai en tout cas envie de continuer à vivre pour les choses que je trouve importantes, plutôt que de lutter contre cette éternelle course contre-la-montre dans laquelle on se retrouve tous parfois. J'ai besoin de campagne, de montrer le temps qui passe, de profiter du moment présent. Tant qu'on est là et qu'on peut voir cela, c'est important d'en profiter. Cela peut sembler poétique, mais je suis faite ainsi. Et j'aime partager ça.

C. : Vous êtes arrivé sur le tard à la réalisation. C'est quelque chose que vous pressentiez ?
C.G.:
J'ai d'abord suivi des ateliers d'écriture de scénario avec Laurent Denis, mais je n'ai jamais rien programmé du tout ! Les choses sont venues naturellement. J'ai tourné mon premier court (Canard ou Lapin) comme ça, puis un deuxième et un troisième. Je ne sais jamais que répondre quand on me pose cette question. Je peux juste dire que j'aime toucher à l'artistique et dans la mesure du possible, y mêler ceux que j'aime...

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