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Coffret Benoît Lamy

Publié le 12/12/2014 / Catégorie: Sortie DVD

Cineart a la bonne idée de sortir un coffret consacré à l'un des plus fameux cinéastes belges, le vibrionnant Benoît Lamy tragiquement disparu il y a quelques années. Outre ses quatre longs-métrages de fiction, le coffret comprend également un seul mais fort intéressant bonus avec l'émission "L'envers de l'écran" qui lui était consacré.

Coffret Benoît Lamy édité par CinéartFraichement sorti de l'école, le jeune Lamy s'envole pour Rome des rêves plein la tête afin de travailler pour il maestro Pasolini qu'il a osé aborder quelques temps plus tôt en Belgique. Le cinéaste italien l'emmène à la campagne dans sa belle décapotable, s'arrête, se dénude totalement et demande à il belgio d'en faire autant. La déception est grande, l'icone démythifiée. C'est par cette anecdote étonnante que débute l'émission "L'envers de l'écran" présenté par Philippe Reynaert. Le cinéaste se révèle le client idéal tant il paraît heureux de se trouver sur le plateau et de revenir sur sa carrière avec force anecdotes.

Après un documentaire, Cartoon Circus en 1972, consacré aux caricaturistes, Lamy jète à 26 ans un pavé dans la mare avec le désopilant Home Sweet Home en 1973. Un film qui lui vaudra un triomphe et le grand prix du public à Moscou ainsi qu'une forte distribution mondiale. Le distributeur français ayant eu l'ingénieuse idée de modifier le titre du film quatre jours avant sa sortie, sabordant ainsi la promo, le film y sera un échec. Qu'importe, Lamy s'impose. Cinq ans après mai 68, il décide de renverser la vapeur et d'offrir la révolte aux vieux. Des pensionnaires d'une maison de retraite, emmenés par le flibustier Jules, se rebellent contre leurs conditions de vie après l'instauration d'un couvre-feu. Aussi jubilatoire que libertaire, le film pose déjà les caractéristiques du style Lamy. Un cinéma très proche de ses personnages, systématiquement joués par des professionnels et des amateurs, un mélange volontaire de la part du réalisateur. Un cinéma tonique, qui fait fît du traditionnel premier acte introductif pour rentrer dans le vif du sujet.

Ainsi de Jambon d'Ardenne en 1977, un Roméo et Juliette wallon survitaminé. Deux clans de restaurateurs s'affrontent à Durbuy, l'auberge-hôtel d'Annie Girardot opposée à la friture d'Ann Petersen, tandis que les rejetons batifolent gaiement. On hurle, on mange, on boit, on s'aime et on se hait dans cette gigantesque farce aux accents rabelaisiens. La direction d'acteur y est une nouvelle fois remarquable, Girardot déclarant à ce propos que Lamy est un inducteur et non un directeur d'acteur, expression qu'il conservera lors de ses cours donnés à l'IAD.

L'émission revient sur l'Arlésienne de Lamy, le projet Stanley, ambitieuse fresque consacrée à l'explorateur anglais qui "découvrit" le Congo. Stanley devait être joué par le grand Sean Connery, qu'un Lamy toujours aussi timide alla un jour aborder dans la rue. Alors que toutes les conditions de tournage étaient remplies, le concupiscent Mobutu exigea une somme égale au budget de production, ruinant l'aventure. Un projet relancé peu de temps avant la mort du cinéaste par ses tenaces amis producteurs, un Connery vieillissant acceptant même de jouer Léopold II. Trop tard cependant, pas un seul plan ne sera tourné.

C'est en Afrique qu'on retrouve pourtant Lamy, plus précisément à Kinshasa avec l'étonnant La vie est belle co-réalisé avec Ngangura Mweze. Kourou, joué par Papa Wemba, rêve de devenir musicien et tombe amoureux de la belle Kabibi, promise à son patron. Sur le registre de la comédie musicale, le film met en valeur le rôle prépondérant des mamas et le talent de mise en scène de Lamy.

Un talent confirmé avec le curieux Combat de Fauves en 1997, un huis-clos se déroulant...dans un ascenceur! Charles Cuvelier (Richard Bohringer), l'un des pubards les plus importants de Paris, se retrouve bloqué dans un ascenceur alors qu'il venait visiter un appartement. La propriétaire (Ute Lemper), seule habitante des lieux, ne semble pas pressé de le libérer et un drôle de jeu de dupes s'engage entre eux. Un film sur lequel le cinéaste ne revient malheureusement pas dans l'émission faute de temps.

Redécouvrir le cinéma de Lamy, c'est se plonger dans une oeuvre pugnace, aussi vive que vivifiante. Et lorsque Philippe Reynaert demande au professeur Lamy ce qu'il pense des jeunes générations estudiantines, le trublion devient soudainement mesuré, presque grave. Aussi sérieux soient-ils, les jeunes manquent selon lui cruellement d'audace et de tonicité. Peut-être devraient-ils s'inspirer un peu de Jules et de sa bande de vieux.

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