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Concours de jeunes critiques 2006 : L'Enfant

Publié le 02/05/2006 / Catégorie: Critique

Avec une régularité de métronomes, la fratrie seraisienne nous revient tous les trois ans avec la promesse d’un art systématiquement renouvelé et la volonté de garder une indéfectible lucidité dans le regard.

Concours de jeunes critiques 2006 : L'Enfant

Il s’agit cette fois d’un enfant ballotté entre ses deux parents, Sonia (Déborah François, une révélation comme seuls les Dardenne savent en dénicher) & Bruno (Jérémie Renier, qui a bien grandi depuis son rôle de fils d’Olivier Gourmet en 1996 !) qui vont jouer à se chamailler, puis se mentir, se déchirer et se retrouver, enfin. Cette quête de rédemption, qui est aussi un des thèmes clés du film, c’est Bruno qui l’accomplit, lui l’inconscient qui vit de petites magouilles, au jour le jour, régnant sur une bande de gamins déboussolés. Ne voyant en son fils qu’une source de revenus faciles et rapides, il va se décider à le vendre. Car après tout, si Sonia y tient tant, ils en feront « un autre ». Mais face à la réaction de l’intéressée, la conscience de Bruno va lentement s’éveiller, et quand bien même il s’enfoncera dans un engrenage vertigineux de petite criminalité, il parviendra à récupérer l’enfant et peut-être, qui sait, retrouver le cœur de Sonia.
Déployant une ampleur émotionnelle stupéfiante, ce film que beaucoup considèrent comme l’œuvre de la maturité, est aussi le chef-d’œuvre des frères Dardenne le plus directement accessible par le grand public. Le résultat du travail d’une équipe entière de fidèles : Alain Marcoen à l’image, les décors signés Igor Gabriel, le montage sec et imprévisible de Marie-Hélène Dozo, rehaussé par la présence au générique d’un Gourmet qu’on n’attendait pas là. Soulignons dans notre élan la parfaite cohérence de cet univers fascinant qui met en lumière des personnages de façon directe et franche d’autant plus impressionnant qu’il est servi par une adéquation fusionnelle entre le propos et l’image.
Pour le spectateur confronté à L’Enfant, les sentiments les plus divers envers les personnages se succèdent : l’affection d’abord, pour ce couple d’une fraîcheur et d’une immaturité touchantes, puis de l’indignation face à Bruno, cet humain qui n’en semble pas un, et partout, toujours, un suspens finement instillé (on repense alors à cette force qui nous étreignait si violemment quand nous visionnions La Promesse, Rosetta et Le Fils) au fil de plans séquences très adroitement agencés. Ici, pas d’appel à la pitié, juste une profonde compassion envers l’espèce humaine que les Dardenne regardent évoluer, un œil derrière la caméra et l’autre scrutant imperturbablement la réalité telle qu’elle est. Une intégrité en tout point remarquable qui n’a fait que se renforcer au fil des ans et qui paye aujourd’hui encore, leur permettant avec cette nouvelle Palme d’Or de toucher à la reconnaissance internationale qu’ils méritent amplement. Soit la démonstration qu’avec un cinéma ancré profondément dans son époque et son décor (Seraing, ses rues, sa banlieue, son industrie à l’arrêt en toile de fond et la Meuse qui n’en finira jamais de couler), des thèmes poignants et une esthétique sans concession, volontairement représentative du quotidien, on peut parfaitement toucher à l’universel.

 

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