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Cowboy de Benoît Mariage

Publié le 01/07/2008 par Matthieu Reynaert / Catégorie: Sortie DVD

 

Jaquette de Cowboy de Benoît MariageLorsque l’on suit de près l’actualité cinématographique, comme notre métier nous pousse à le faire, il est des films dont l’échec en salle, même relatif, vous touche plus particulièrement, vous apparaissant même comme une injustice. Bien sûr, il n’y a pas de justice en matière de succès, mais comment expliquer que la rencontre avec le public n’ait pas eu lieu pour Cowboy, comédie satirique et douce-amère, qui offre la meilleure prestation de Benoît Poelvoorde, et la poésie humaniste de Benoît Mariage ? Heureusement arrive une édition DVD très réussie.

Journaliste télé frustré et ancien militant de gauche, Daniel Piron décide de reprendre sa carrière en main en réalisant un documentaire qui réunirait un preneur d’otage idéaliste et ses victimes, vingt ans plus tard. Mais il va de désillusions en désillusions. D’abord ses “sujets” ne sont guère enthousiastes, le Che Guevara belge est devenu un gigolo, et, surtout, Piron n’a peut-être pas la trempe d’un vrai réalisateur.
L’édition DVD présente tout d’abord des menus particulièrement soignés, animés au son de la chanson de Saule et les Pleureurs composée pour le film. La galette propose des entretiens très intéressants, loin de l’esprit promo, avec Mariage, Poelvoorde et Damiens; les nombreuses bande-annonces du film; mais, surtout, un documentaire de 26 minutes consacré par Mariage à Michel Strée. Celui-ci est le célèbre preneur d’otage qui a inspiré les événements du film. Mais son destin est bien différent de celui dépeint par son double à l’écran, Gilbert Melki. Après une initiation à la chevalerie, Michel Strée s’occupe en effet maintenant de la rééducation d’oiseaux blessés dans une réserve wallonne. Une manière pour lui de rester en accord avec ses convictions d’une façon plus pacifiste que lors de ce qu’il appelle “une erreur de jeunesse”. Ce documentaire, diffusé à l’époque de la sortie du film sur la RTBF, est une façon pour le cinéaste de rendre justice à celui dont il a retravaillé l’histoire pour servir sa réflexion sur la valeur des idéaux de gauche et constitue peut-être un début de réponse aux questions soulevées par le film. “Le vrai sujet du film, c’est cet homme qui va droit dans le mur et de voir comment il pourrait s’en sortir. C’est le rapport à l’échec et au lâcher prise. Je crois qu’apprendre à vivre, c’est apprendre à lâcher prise, ça correspond à un constat personnel que j’ai fait à quarante ans, et auquel Ben pouvait s’identifier. Le documentaire réhabilite, lui, Michel Strée, dans sa véritable vie présente.”

Il est alors tenté de manipuler la réalité pour obtenir un film intéressant.Benoît Mariage n’a pas hésité à puiser dans son expérience, notamment l’émission “Strip-Tease” : “Le documentaire est un dilemme, nous expliquait-il à la sortie du film. Il s’agit d’aller à la rencontre des gens, mais le film en lui-même reste un objet de valorisation personnelle. Un chirurgien qui opère ses patients les soigne, mais celui qui prend l’image de quelqu’un, à quel titre le fait-il ? Dans le film, Daniel Piron va devoir affronter cette valeur dichotomique du documentaire qui peut provoquer le malaise, le doute.” Pour autant, ce n’est pas un film sur le cinéma, mais bien sur l’humain et sa crise identitaire en ce début de siècle. Le film réussit le pari de s’installer dans les éclats de rire les plus francs et de se clôturer dans une émotion sincère, à l’occasion notamment d’une magnifique scène finale au son du “Non, non, rien n’a changé” des Poppies ! Pour balayer ce spectre, Mariage peut faire confiance, on l’a dit, au talent de Benoît Poelvoorde, qui nous rappelle qu’il est un grand acteur; mais aussi à François Damiens (alias Didier l’Embrouille), qui convainc sur la longueur d’un rôle qui semble au départ très caricatural ou encore Julie Depardieu, qui reforme le temps de quelques scènes le couple créé avec Poelvoorde dans Podium.

 

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