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Katanga Business de Thierry Michel

Publié le 09/04/2009 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Critique

Au sud-est de la République Démocratique du Congo (RDC), la province du Katanga est devenue le nouvel Eldorado de la mondialisation galopante. Avant les années soixante du siècle dernier, la Belgique avait - via l'Union minière - profité largement des ressources de cette province riche en cuivre, en cobalt et en uranium. Epoque où la population, au seuil de la pauvreté malgré un syndicalisme naissant, vivait dans le paternalisme du régime colonial.

Dans les années septante, le président Mobutu Seseko a nationalisé les industries minières du Katanga, pièce maîtresse de l'économie du pays tout entier. Une manière intelligente d'empêcher l'indépendance de la province comme le souhaitait les pays occidentaux alarmés (disons même en pleine panique) lors de l'indépendance d'un Congo dirigé, en 1960, par Patrick Lumumba. Rappelons que l'avion transportant Dag Hammarskjöld, le secrétaire général de l'ONU, a été abattu – tout simplement – dans la région, alors qu'il essayait de convaincre les Katangais de ne pas se séparer du Congo (il a obtenu le prix Nobel de la Paix à titre posthume).

 

C'est dire si le Katanga est une région chaude ayant un sous-sol que convoitent (aussi bien pour l'énergie atomique que pour la révolution du numérique) les puissances du monde entier, Occidentaux, Américains, Hindous et, depuis peu, les Chinois.

D'autant qu'avec la disparition de Mobutu et le développement de la mondialisation, les données ont, une fois de plus, été modifiées dans un territoire où se joue, plus qu'ailleurs, une nouvelle révolution industrielle qui n'est pas sans rappeler celle que la Wallonie a connue au XIXème siècle.

Un Eldorado ou un Far West où se bousculent hommes politiques, capitaines d'industries, ingénieurs de tous bords, nouveaux colons (sans flingue mais en Jeep), creuseurs artisanaux, travailleurs salariés syndiqués (cas exceptionnels en Afrique). Une sorte de creuset qui ressemble à un volcan en activité.

 

Le film de Thierry Michel, nous emmène dans ce nouveau territoire de la mondialisation économique où la guerre financière est aussi féroce que la guerre armée du Kivu même si elle fait, heureusement, beaucoup moins de morts, mais, hélas, autant d'affamés. Ce que nous montre le réalisateur, outre les capitalistes (de l'Asie à l'Europe en passant par l'Amérique) en accord avec les règles du marché, est une population katangaise luttant pour des salaires et des conditions de travail à peine décents (la mondialisation profite à qui, au juste ?) Thierry Michel démonte surtout les trois axes sur lesquels navigue, avec un art du slalom étonnant, Moïse Katumbi, premier gouverneur élu démocratiquement au Katanga : le capitalisme d'Etat local (la RDC reçoit l'argent et n'est pas en mesure de développer les infrastructures de la province), le capitalisme boursier international (premier retour d'investissement aux financiers. Pour les infrastructures, on verra s'il reste de l'argent) et le Capitalisme d'Etat chinois (se doter des matières premières tout en permettant au Katanga de se doter d'infrastructures rapidement). Dans ce ballet à la chorégraphie africano-asiatique de la lutte des classes, Moïse Katumbi qui a, en outre, l'avantage d'être un économiste plutôt qu'un politique est une star. Ce Jet Li congolais joue au poker en refoulant les cow-boys chinois du privé tout en acceptant les aides de la République de Chine, en essayant (en vain) de défendre des salariés en grève licenciés par des patrons qui n'aiment pas ça (augmenter les salaires, quelle horreur, on se croirait en Europe), en réduisant le business des mafieux aux frontières particulièrement foireuses de la province (la corruption règne en maître).

Province richissime par son sous-sol, véritable terre promise pour les financiers avides de gains rapides, Thierry Michel, nous montre parfaitement un développement industriel qui a quitté définitivement les naufrages de l'époque coloniale et les tumultes des années post coloniales de Mobutu pour un ailleurs qu'on souhaiterait meilleur sans doute avec le développement durable et le re-développement de l'agriculture.

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