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De nouvelles salles à Bruxelles ? 1 - Intro

Publié le 10/11/2006 par Jean-Michel Vlaeminckx et Katia Bayer / Catégorie: Dossier

Quand les sources d’images abondent et que les goûts s’uniformisent, comment peut-on doper l’intérêt du public pour un cinéma minoritaire et fragile ? C’est ce que se demandent les exploitants de salles « art et essai » qui essayent de concilier films de qualité et taux de fréquentation honorables.  Confrontés chaque semaine à la sortie de nombreux films, ils disposent de peu de temps et de moyens pour préparer et faire connaître leurs choix de programmation, luttent pour obtenir des copies, tentent d’équilibrer leur offre (films grand public/pointus) et de résister à la diversité de plus en plus revendiquée par les multiplexes (programmation imprégnée de blockbusters comme de regards d’auteurs). Leur travail a évolué pour deux raisons principales : la rareté des écrans affecte directement la durée de vie des films et le public, marqué par la culture du repli sur soi et de l’instantanéité, est constamment détourné par des vecteurs d’images alternatifs (Internet, DVD, Home Cinéma, Vidéo On Demand, téléphone portable, …). Pour susciter la curiosité et se différencier des grandes salles, il faut désormais accompagner les films, créer un lien social et des animations, fidéliser un public, repenser les pratiques… bref, réinventer la salle de cinéma.

« Synonyme hier de découverte, de curiosité, d’aventure, le cinéma tend à être aujourd’hui réduit à un banal produit de consommation » précisait Carlos Pardo dans une enquête (« Multiplexes, opération danger») menée par les Cahiers du Cinéma (no. 514) en 1997. Effectivement, si déjà dans les années 60, le septième art était un objet de fascination, il a perdu, avec les années, de nombreux spectateurs potentiels et réels avec la concurrence de la télévision, de la vidéo et plus généralement du foisonnement culturel ambiant. Aujourd’hui, il ne représente plus qu’une possibilité de divertissement parmi d’autres. L’« art et essai » à Bruxelles n’échappe pas à cette situation : la fréquentation qui lui est associée est inférieure à celles de villes européennes comparables (10% contre 15% de part de marché moyenne en Europe). En chiffres : sur 4 millions d’entrées enregistrées dans la capitale en 2005, 400.000 se rapportaient au cinéma indépendant alors qu’ailleurs, ce nombre se rapproche plutôt de 600.000.
Les affiches sont également très vite remplacées à l’entrée des salles bruxelloises à cause du manque d’écrans. Les titres, plus ou moins confidentiels, ne circulent pas suffisamment dans la ville et restent cantonnés dans l’un ou l’autre lieu avant d’être évacués au profit de nouveautés potentiellement plus rentables. La première semaine demeure toujours cruciale pour la visibilité des films.
Alors, où réside la solution ? Augmenter le nombre d’écrans, laisser au public le temps qu’il souhaite pour prendre connaissance des programmations, poursuivre les efforts envers le monde associatif, les écoles et les médias ? Certainement. Mais il s’agit d’aller encore plus loin parce que rien ne remplace la première rencontre d’un film avec la magie de la projection en salle.
Pour riposter au divertissement généralisé, les exploitants sont dorénavant obligés d'offrir des approches modernes, conviviales et ouvertes de leurs espaces. Plus que jamais, leur contribution à l’action culturelle va devoir passer par un travail de terrain.
Aujourd’hui, une « simple » séance ne suffit plus, tant l’omniprésence de l’image et sa facilité d’accès ont sensibilisé et influencé les habitudes de consommation du public. Ce que celui-ci oublie parfois, c’est que les projections peuvent donner lieu à des rencontres fortes et chaleureuses tout en encourageant la réflexion, le dialogue et le lien social. En témoigne le succès des avant-premières/festivals animés par des débats et des rencontres avec des cinéastes et des techniciens.

Ces rapprochements prennent une importance particulière lorsque l’enjeu, dans les salles, est pédagogique. Ainsi, de plus en plus de professionnels acceptent de se confronter aux points de vue du jeune public, grand consommateur d’images. En liaison avec les animateurs et les enseignants, ils cherchent à les sensibiliser, les ouvrir à la richesse de l’univers visuel et surtout leur enseigner qu’il y a un autre cinéma que celui qui vient des Etats-Unis.
Notre dossier s’intéresse aux différentes stratégies défendues par ces exploitants, en vue d’amplifier la visibilité du cinéma national et européen de qualité, qu’il soit à destination des spectateurs actuels ou à venir. Ce mois-ci, retrouvez deux projets en cours : le Palace (1) et l’Arenberg (2).