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De nouvelles salles à Bruxelles ? 2 - Le Palace

Publié le 10/11/2006 par Katia Bayer et Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Dossier

Le 28 septembre, les grandes lignes du projet « Cinéma Palace » furent présentées à la presse par Julien Theys et Nicole La Bouverie (Zénab), Luc et Jean-Pierre Dardenne, Stephan De Potter et Eliane Dubois (Cinéart), Patrick Quinet (Artémis) et Alain Richard (architecte chargé des travaux de rénovation). Deux constats sont à l’origine du projet : à Bruxelles, le nombre de salles est bien trop insuffisant et leur fréquentation est nettement inférieure à celle de villes européennes analogues. Le Palace souhaite dès lors offrir, via ses trois écrans, une visibilité supplémentaire aux films « art et essai » et revigorer le secteur en suscitant l’intérêt du public (en concertation avec les autres opérateurs du réseau indépendant). Comment ? Tout en misant sur des créations belges et européennes, l’espace accueillera et initiera des séances pédagogiques mais aussi événementielles. L’animation se poursuivra à l’extérieur des salles puisque des espaces parallèles seront aménagés (bar, restaurant, lieu de débat, magasin culturel). Enfin, le nouvel exploitant devrait bénéficier de la proximité et de la popularité des Halles Saint-Géry. Ouverture prévue pour la fin de l’année 2008.

En 2003, le Gouvernement de la Communauté française publie un appel à manifestations d’intérêt relatives à la future affectation du Pathé Palace. Le dossier « art et essai » présenté et développé par Julien Theys, Nicole La Bouverie, Luc et Jean-Pierre Dardenne, Stéphane De Potter, Eliane Dubois et Patrick Quinet est retenu. Sachant que Bruxelles souffre d’un manque d’écrans et d’accès aux salles, les promoteurs du projet souhaitent apporter leur contribution à la diffusion et la durée d’exposition des films en les projetant dans leurs trois lieux de capacité différente (350, 140 et 70 places).
Quelles images y surgiront ? Celles de films d’auteurs de la Communauté française mais aussi de la création mondiale indépendante. La programmation se voudra donc belge et européenne et accueillera courts métrages, documentaires et fictions. Le Palace souhaite aussi privilégier l’éducation à l’image et au cinéma. Des séances spéciales seront prévues en journée, en concertation avec le quartier, les écoles, les universités, les milieux associatifs et l’éducation permanente.
Enfin, l’exploitant n’oublie pas la dimension événementielle (avant-premières, concerts, débats, conférences, lancements de DVD, festivals, cérémonies) pour courtiser les spectateurs potentiels. Plus largement, c’est la conception de l’animation autour du film qui est repensée. Luc Dardenne en témoigne : « On a réalisé que les salles qui fonctionnent sont celles où il y a des rencontres et des débats. Notre idée, c’est de faire circuler les gens en Belgique et ailleurs». A cet effet, le Palace cherchera à travailler en synergie avec le réseau art essai national et international. Ainsi dans un premier temps, la signature d’une charte de collaboration avec les différentes salles indépendantes de Bruxelles et de Wallonie est prévue.
Aujourd’hui, pour soutenir les films et leurs auteurs, les salles doivent chercher à devenir des lieux d’échange et de communication. Eliane Dubois : « La salle est un moyen de regrouper les gens sur des émotions. Il faut imaginer un endroit tourné vers le dialogue, la rencontre et la convivialité tout en réfléchissant aux pratiques de consommation actuelles. » L’ouverture et le divertissement se maintiendront aussi hors des projections puisque des installations « satellites » horeca et culturelles (bar, restaurant, lieu de débat et autre magasin de DVD) sont déjà envisagées. Situé au cœur de la ville, le bâtiment devrait, par ailleurs, bénéficier de la fluidité et de l’animation propres au Boulevard Anspach et aux Halles Saint-Géry.
Avant de s’ouvrir au public en 2008, le Palace subira certains changements. Diffuseur de près d’un siècle d’images, il devrait être re-hiérarchisé et gagner en luminosité/cohérence pour accueillir les différentes structures. Techniquement, le numérique côtoiera l’argentique en cabine tandis que l’équipement sonore sera revérifié.

 

Eliane Dubois, distributrice

 

Eliane Dubois , distributrice

« On a une chance réelle à Bruxelles de déboucher sur un lieu comme il en existe depuis des années à Paris. Un lieu où il y a un coin horeca, où l’on peut grignoter un morceau, rester avec des amis, se donner rendez-vous, acheter un DVD, avoir une vraie petite boutique, comme le Varia a sa boutique de bouquins liés au théâtre. C’est une vraie opportunité parce qu’il n’y a pas de lieu semblable à Bruxelles. (…) Il est important que le Palace soit un lieu convivial, vivant, et qu’il soit moderne dans sa conception architecturale. Il ne faut pas que ce soit un lieu froid où les jeunes aient peur d’entrer. Il faut faire un travail de quartier avec des associations, en fonction des films présentés. Si le lieu s’ouvrait aujourd’hui,  éventuellement avec Bled Number One de Rabah Ameur-Zaimèche, je travaillerais avec Mourad Boucif pour drainer une population maghrébine de la deuxième génération. Ce sont des choses qu’on a envie de faire et qui prendront du temps.
Le lieu doit correspondre à quelque chose qu’ils ont l’habitude de fréquenter même s’il sera différent des multiplexes où on entre dans une salle et on sort dans la rue d’à côté par les sorties de secours parce que les spectateurs suivants poussent à l’entrée. (…) Et puis, il y a tout ce qui est scolaire. Qui dit amener les jeunes dans les salles de cinéma dit- Les Grignoux à Liège l’ont prouvé depuis des années –  gagner des spectateurs qui, devenus adultes, fréquenteront régulièrement les salles de cinéma. »

 

Luc Dardenne, réalisateur

 

Luc Dardenne, réalisatrice« Avec l’ouverture du Palace, plus de films « art et essai » de qualité pourront sortir et occuper les écrans plus longtemps. Donc, plus de films « art et essai » pourront être montrés et en même temps, on pourra faire circuler des réalisateurs, des réalisatrices, des comédiens, des comédiennes, des chefs op’. Prenons l’exemple d’un cinéaste russe qui vient à Paris pour parler de son film parce que le marché français est plus vaste que le nôtre : on peut lui demander de venir chez nous, à Bruxelles comme à Liège ou à Mons. Souviens-toi quand Scorsese est venu à Paris, il est tout de même venu à la Cinémathèque présenter son film [Gangs of New-York]. C’est un coup de chance (lié à des amitiés que certaines personnes avaient avec Scorsese) mais cela peut devenir une pratique courante. Avec le réseau « art et essai » en place en Belgique du côté francophone et flamand, on pourrait avoir des connexions nous permettant de faire circuler ces gens. »

 

Jean-Pierre Dardenne, réalisateurJean-Pierre Dardenne, réalisateur

On a pu remarquer que Les Grignoux avec Ecran large sur écran noir font un travail d’éducation au cinéma qui est reconnu dans la plupart des pays d’Europe. Cela peut paraître un peu prétentieux mais le cinéma rend les jeunes spectateurs un peu plus intelligents, même s’il leur arrive d’avoir des réactions hostiles vis-à-vis de certains films. Mais c’est bien aussi, lorsqu’on est jeune, d’avoir des réactions hostiles à l’égard de choses qu’on te propose. Cela va laisser des traces dans ta vie d’adulte que tu le veuilles ou non, de toutes les façons. Je le vois à travers notre expérience de jeunesse même si ce n’était pas la même puisque c’était à travers des ciné-clubs : le fait que l’école nous ait envoyés voir des films que nous ne serions pas allés voir seuls nous a aidés dans notre vie d’hommes et de femmes. Je sais bien que cette expérience a laissé des traces durables et pas seulement parce qu’on est devenu cinéastes.»

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