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Docteur Chance de François-Jacques Ossang

Publié le 01/04/1998 par Philippe Deprez / Catégorie: Critique

Rock and roll

Cinéaste, musicien et écrivain, François-Jacques Ossang naît en 1956 et passe sa jeunesse à Toulouse où très vite il devient un assidu de la cinémathèque.
Dans le cadre du Festival International du Film Fantastique, le Cinéma Nova présentait une rétrospective des films du réalisateur français F.J. Ossang. Au fil des projections, il découvre les réalistes allemands, les films russes révolutionnaires ainsi qu'une grande quantité de films de la Nouvelle Vague. Il décide en 1976 de fonder Cee, une revue littéraire vouée à l'expression des formes les plus extrêmes de l'écriture contemporaine.

Docteur Chance de François-Jacques Ossang

En 1980 il monte MKB (Messageros Killer Boys, Fraction Provisoire) avec Jack Belsen qui écrit et compose encore la plupart des musiques de films et du groupe. Très vite il monte s'installer avec MKB à Paris afin de suivre les cours de l'IDHEC. Depuis ses débuts, Ossang a publié une dizaine de livres, signé avec MKB autant d'albums, tourné deux courts métrages, La Dernière Enigme et Zona Inquinata avant de réaliser un premier long métrage (tourné en 16mm), Les Divisions de l'affaire Morituri, présenté avec fracas au Festival de Cannes en 1989. Son film suivant, Le Trésor des Iles Chiennes, fut tourné aux Açores et produit par Paulo Branco (producteur de M. De la Oliveira).

Filmé en CinémaScope noir et blanc et en Dolby Stéréo, le film montre l'aventure d'un commando du futur largué sur une île aux décors apocalyptiques et peuplée de cannibales. Une oeuvre d'une perfection esthétique rare balancée par une bande son tout simplement exceptionnelle.
F.-J. Ossang est également venu nous présenter son dernier film : Docteur Chance. Cette première coproduction franco-chilienne, tournée avec l'appui de Raoul Ruiz, est un road movie déjanté, référence appuyée à ce qu'on appelle "le film de genre". Pour son premier film couleur, Ossang a réalisé une véritable ode hallucinée aux symboles de notre siècle finissant que sont les voitures, le sexe, la violence, les drogues, les avions et le rock'n'roll. En choisissant Joe Strummer (leader du groupe mythique Clash) pour interprète principal, Ossang a su viser juste, le charismatique rocker n'ayant aucunement à forcer pour endosser le rôle, lâchant toutes ses répliques sur mesure dans un franglais jubilatoire. Couple composé d'un écrivain maudit et d'une danseuse, Ancetta (Elvire) et Angstel (Strummer) fuient les armes à la main les tueurs lancés à leurs trousses et ils auront fort à faire pour trouver le passeur qui leur permettra de fuir leur destin. Ce road movie étrange et tendu est éclairé par une foule de flashes de sens disséminés à la manière de David Lynch période Eraserhead.

Pour Ossang le cinéma est un art fourre tout où il se permet donc de tout mettre et de faire flèche de tout bois. Basculant sans cesse du réalisme onirique le plus éclaté aux séquences les plus trash, Docteur Chance nous propose une superbe mise en valeur des paysages du Chili, soutenu en permanence par la bande son de MKB qui impose un rythme tout à fait particulier au film (accrochez-vous, on s'en sort très bien). Une réalisation qu'il serait vraiment dommage de ne pas voir distribué chez nous dans des conditions de projection idéales (écran large, Dolby, stéréo) grandement nécessaires à l'épanouissement complet du film, ce que la vidéo ne permet pas encore.

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