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Dossier Numérique 2 - Films tournés en HD

Publié le 01/04/2004 par Dimitra Bouras et Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Dossier

La seconde partie de notre dossier consacré au cinéma numérique illustre les propos parus dans notre précédent numéro à partir de deux films tournés en Belgique. Nuit Noire, un long métrage d'Olivier Smolders et Marelle, un court métrage de Nacho Carranza. Nous nous sommes entretenus avec Michel de Kempeneer et Louis-Philippe Capelle (nous publierons des entretiens avec Olivier Smolders et Philippe Blasband sur le côté esthétique du numérique) pour l'un et Patrice Michaud pour l'autre. Coming soon.

Un long métrage en HD (Viper)

 

Michel De Kempeneer © JMV/Cinergie

 

Lorsque nous demandons à Michel De Kempeneer, l'un des producteurs (Polygone Productions) de Nuit noire les raisons du choix de la vidéo HD qui s'est imposé pour le tournage du film d'Olivier Smolders, il nous explique : « A Polygone on utilise le numérique depuis la moitié des années 80. Ensuite parce que le film se passe en grande partie la nuit. La HD, comme vous le savez, est plus performante dans les basses lumières que la pellicule argentique. Enfin, la Viper est une caméra qui a été conçue, dès le départ pour le cinéma alors que la plupart des autres caméras vidéo HD ont été conçues pour la télévision en haute définition. Nuit noire a été tourné pendant l'été 2002, les systèmes d'enregistrement sur disques n'étaient pas satisfaisants à l'époque et principalement les systèmes de traitement d'images après enregistrement. Donc nous avons choisi de tourner le film sur un support D5 HD, le magnétoscope Panasonic. Ca donne très bien.
Un kinescopage est prévu après l'étalonnage numérique. La version image numérique étant terminée on aura un Master HD et avec ce master numérique on pourrait le projeter dans les salles pour autant qu'elles aient des serveurs et un projecteur adéquats. Malheureusement il y a encore peu de salles équipées en numérique aujourd'hui et donc si l'on veut faire tourner le film à la fois en festivals et en distribution classique il est indispensable d'en tirer des copies en pellicule argentique. C'est une étape délicate. Beaucoup de cinéastes ont eu des problèmes lors du retour sur film. Que ce soit Claude Miller avec La petite Lily, que ce soit Cédric Klapish avec L'Auberge espagnole. Sans parler de Vidocq. Parce qu'il y a des paramètres d'étalonnage qui doivent être précis afin que l'on retrouve l'image numérique sur la pellicule. Et sur des systèmes compressés cela réserve des surprises. Miller avait tourné ses scènes d'extérieurs en 35mm et ses scènes d'intérieurs en HD. Il y a donc moyen d'effectuer un tournage hybride. Mais il a eu un problème lorsqu'il a dû mélanger les deux formats. Pour la diffusion de Nuit noire il faudra passer par le retour sur film. Une étape qui, dans 10 à 15 ans, n'existera plus mais d'ici là on continuera à diffuser les films en 35mm. On va le présenter dans les festivals parce que je crois que Nuit Noire est un film de cinéphiles et que si il fait une carrière ce sera dans ce milieu-là. »

 

Cinergie : Que penses-tu de la froideur de l'image HD?
Michel De Kempeneer : 
Je pense que c'est vrai, il y a une certaine froideur de l'image numérique par rapport à la pellicule. La profondeur de champ étant plus grande en numérique. Quand on tourne avec une Viper, les couleurs sont vraiment très éclatantes, très définies et il n'y a pas de grain. En même temps lorsqu'on tourne dans des conditions de lumière assez basses on arrive à recréer une chaleur qu'on ne peut obtenir en argentique parce que la pellicule n'offre pas autant de nuances que le numérique. Dans l'ensemble, oui, il y a une certaine froideur, mais ce n'est pas un défaut, c'est une autre image. Et je trouve que dans L'Auberge espagnole ça colle bien au propos parce que la luminosité voulue par le réalisateur ressort bien grâce à l'emploi du support. Il faudra s'habituer à un autre langage cinématographique qui correspond à ce type d'image.J'ai été tout récemment à Paris, participer à une journée organisée par la CST (la Commission Supérieure Technique) qui proposait des tests comparatifs en 35mm, avec une Aaton et une Viper pour la HD. Ils avaient tourné un court métrage dont l'histoire n'avait aucun intérêt sinon de mettre les caméras dans des conditions particulièrement dures : hautes et basses lumières, contre-champs, changement brutal de lumière au moyen de panoramiques, zooms rapides, close-up, toutes les difficultés que l'on rencontre en réalisant un film. Il y a eu trois projections. Tout d'abord le tournage en 35mm projeté sur base de l'image du format 35mm, ensuite le tournage en Viper kinescopé et projeté lui aussi en 35mm et enfin le tournage en Viper projeté en numérique avec la Barco DLP.

C'était très instructif. Il y a une petite différence entre l'image 35mm et le tournage Viper projeté en 35mm. Chaque caméra a ses spécificités tant en profondeur de champ, définition des couleurs etc. Par contre la différence se marque très fort sur la projection numérique. Le rendu des matières y est en numérique. Il y avait notamment un gros plan sur un tube de rouge à lèvres et le rouge était éclatant avec des nuances et le maquillage de la fille avait un rendu plus précis. C'est d'ailleurs un reproche qu'on fait à la HD : l'image est tellement définie, il n'y a pas de grain donc il n'y a vraiment pas de pardon par rapport à la pellicule.

Il faut ajouter que les scènes d'extérieurs tournées en numérique étaient plus froides parce que la profondeur de champ était plus grande. Une froideur que je trouvais compensée par la qualité de l'image. Ce qui sort d'un Barco DLP100 dans une salle de cinéma à partir d'un master numérique est assez impressionnant. Parce que, il ne faut pas oublier que dans la projection 35mm, il reste le léger mouvement mécanique de la pellicule. C'est vrai que le 35mm, au départ est plus défini mais le mouvement de la pellicule lui enlève de la définition.

Ceci dit il y a de plus en plus de fabricants d'optiques qui travaillent à résoudre ce problème de profondeur de champ et l'une des solutions serait de modifier la taille des capteurs CCD, pour obtenir qu'ils soient plus proches d'une cible 35mm ce qui permettra de retrouver les ouvertures des optiques des caméras de cinéma. C'est le seul moyen de retrouver le rendu qu'offre le cinéma : travailler à modifier la taille des capteurs ou, avec un dépoli. Plusieurs systèmes sont en développement. »

 

C. : Est-ce que le cinéma n'a pas imposé une culture de l'image qui se différencie de celle enregistrée en vidéo HD ? 
M. D. K. : Vous avez raison d'insister sur la singularité du cinéma qui avec la pellicule argentique a développé un langage cinématographique spécifique. En fonction du grain, de la (non)profondeur de champ (flou et net). Il y a donc, avec le numérique un langage à réinventer et de nouvelles habitudes culturelles à acquérir. Ceci dit, il existe des lentilles dépolies et d'autres artifices optiques qui permettent de retrouver la profondeur de champ propre au cinéma. Il faut choisir ses instruments de travail en fonction de ses choix esthétiques. Si l'on veut travailler avec une faible profondeur de champ il est absurde de travailler en numérique, travaillons en 35mm. Chaque outil correspond à un usage qui lui est propre. Mais la caméra numérique à d'autres avantages. On peut la laisser tourner longtemps à un coût moindre que si l'on laisse tourner un magasin de pellicule (si on n'est pas content de la prise on rembobine la cassette et on réenregistre dessus), on sauve les prises dont on a besoin le soir et on la recharge pour le lendemain en réutilisant les supports initiaux pour tourner. C'est l'un des usages les plus fréquents, aujourd'hui, pouvoir laisser tourner une caméra pour que les comédiens puissent improviser. En pellicule ça donnerait des heures de rushes et coûterait très cher. Une seconde raison est le nombre d'effets spéciaux, d'incrustations dans les images. Un troisième avantage est lié à la lumière, particulièrement pour la Viper, qui a un codage logarithmique des données numériques ce qui permet d'avoir une large partie du stockage d'informations qui est consacré à l'enregistrement des basses et des hautes lumières. Cela est frappant dans une image numérique : la profondeur et les nuances dans les basses lumières que l'on peut obtenir par rapport à l'argentique. Même chose dans les hautes lumières. Donc si on tourne un film qui se passe la nuit, qu'il faut laisser tourner la caméra et qui va nécessiter beaucoup d'effets spéciaux il vaut mieux sans doute, aujourd'hui, tourner en numérique. 

 

Nous demandons à Michel de Kempeneer si la maniabilité de la Viper n'est pas un atout, (c'est l'une des plus petites caméras HD).  Un peu interloqué il nous explique que tout est relatif. 

 

La Viper
 

« Plus maniable ? Les caméras sont relativement petites. La DV-Cam est indépendante c'est-à-dire qu'on met la cassette dans la caméra. La Viper est encore plus petite mais par contre elle n'a pas de magnétoscope intégré, elle a donc un fil à la patte, qui la relie au magnétoscope HD. On tourne soit sur un enregistreur soit sur un disque dur. Il existe un petit appareil que l'on peut attacher à la caméra, à ce moment-là elle devient complètement autonome. Elle peut enregistre de la HD non compressée pour une durée d'environ cinq minutes que l'on décharge ensuite sur des disques. Cela permet une certaine autonomie de la caméra. Incontestablement ce qui donne le mieux est le système du disque dur puisqu'on enregistre des données non compressées. Comme c'est de la HD, cela signifie que chaque pixel est défini pour lui-même. Pour Nuit noire nous avons utilisé un magnétoscope D5 HD. Là on met un format 4.2.2. compté sur 10 bits. Il y a une compression et l'image est moins riche en terme de définition. Ce qui n'aura de conséquences que si l'image doit être traitée en post-production pour faire des clés, des incrustations, etc. »

 

Le directeur photo Louis-Philippe Capelle, directeur photo de Nuit Noire, nous précise « que la Viper possède une sensibilité comparable aux émulsions sensibles de 400 Asa (pellicule argentique) en lumière artificielle. Subjectivement, par contre, la tolérance en sous-exposition permet de garder des détails à -5 diaf, sans problèmes. Il faut vraiment avoir un vrai noir sans lumières parasites pour perdre tous les détails ». Lorsque nous lui posons la question rituelle : Quelle est la différence entre 35mm et image HD ? Il nous répond :
« La grande différence entre l'image 35mm et l'image HD est évidemment due à la grandeur du capteur CCD par rapport aux dimensions de l'image 35mm. Cette différence de taille conditionne les longueurs de focales et donc aussi la profondeur de champ. Plus le format du « capteur » est grand, plus les focales sont longues, moins on a de profondeur de champ. Donc l'idée est de travailler, en HD, à très grande ouverture (2-2,8) et à des focales plutôt longues si les décors le permettent. Le nerf de la guerre se trouve essentiellement dans la qualité des optiques utilisées. Les choses évoluent vite : Deux séries fixes sont très supérieures à tout le reste : Fuji et Zeiss- Digiprime. Le nouveau zoom Cooke semble pas trop mal, en tout très « ciné style » pour ce qui est de son ergonomie. A tester : les nouveaux zooms Angénieux. Le matériel Panavision est, quant à lui, dans l'ensemble très performant mais il n'y en a pas en Belgique, il est très cher. »
Bref, si l'accessoirisation est en cours de développement comme l'ergonomie, l'emploi de la Viper, se révèle avoir été d'un bilan positif sur le tournage de Nuit Noire.

 

Un film tourné en HD (HD Cam)

 

 Patrice Michaud © JMV/Cinergie

 

Nous avons demandé à Patrice Michaud qui a également participé comme directeur de la photographie à Marelle, le court métrage réalisé par Nacho Carranza et tourné en HD, son avis sur le format.  « Je pense que le numérique va prendre le dessus. Quand? C'est difficile à dire. On l'annonce depuis dix ans, les échéances sont chaque fois repoussées. Mais dans le principe c'est évident. A l'instar de ce qui se passe en photo, la même chose va se passer en cinéma. La photo est à peu près entièrement numérique ou est en passe de l'être, sans différence de qualité. La photo utilisant moins d'informations que le cinéma puisque celui-ci demande 24 fois plus d'informations par seconde, il faut générer un outil qui soit capable de fournir autant d'informations. Lorsque cet outil existera, je ne vois pas pourquoi on ne passerait pas entièrement au procédé électronique. Dogma, le mouvement lancé par Lars Von Trier, a utilisé la DV parce que dans sa logique il fallait travailler avec un matériel léger, peu cher et efficace mais au début des années 60, la Nouvelle Vague utilisait du 35mm pour des raisons similaires. On avait développé un système de caméra 35mm plus léger utilisant de la pellicule plus sensible, sans gros blimp pour insonoriser la caméra. Donc, c'est une question de découverte technique. Et travailler en HD va coûter de moins en moins cher.

Bien sûr, si on parle d'un point de vue strictement technique, aujourd'hui le 35mm reste supérieur en définition et en latitudes de poses, donc la propriété d'enregistrer une gamme de noir et blanc dans la même image. Mais je pense que la question est plus globale. La même image argentique va-t-elle résister à l'image électronique ? Il y a encore beaucoup d'avantages à tourner en 35mm, à partir du moment où il a des raisons de le faire. L'image électronique à encore de gros défauts. Dont deux sont majeurs.  Le premier étant la latitude de pose. L'image électronique HD Cam, le top de ce qui peut exister en vidéo n'arrive pas encore à enregistrer autant de finesse de luminosité que l'image 35mm ni autant de subtilité chromatique -- encore que là on puisse discuter. Mais c'est une question de développement jusqu'il y a peu l'image vidéo était limitée par la qualité optique de ce qu'on pouvait mettre devant la caméra, aujourd'hui les constructeurs d'optiques ont réagit et proposent une gamme spécifique à la HD qui sont extraordinaires. Par exemple la série Digiprime de Zeiss qui est une série d'optiques fixes. Ce qui est assez rare dans la vidéo et qui est spécifique au format HD puisque la taille du CCD est différente de celle du 35mm (la HD est à peu près comparable au 16mm). La série de Zeiss, pour le format HD est d'une qualité incomparable en définition et en stabilité du rendu en règle générale. Ce n'était pas le cas avant. Même les zooms HD qui étaient développés, avaient les défauts des zooms, c'est -à -dire un fond de focale où l'on voit arriver de grosses aberrations, les rendus n'étaient pas identiques lors de la recherche des différentes étapes de focale, la définition n'était pas extraordinaire et les aberrations de courbure étaient assez risibles D'autres choses sont sorties dont un zoom Cooke tout à fait extraordinaire. On pourrait dire que tous les fabricants qui participaient au système argentique - on pourrait les énumérer tous - regardent à l'horizon électronique. Même de grosses firmes comme Arriflex travaillent sur des projets numériques. Panavision aussi qui vient de développer toute une série d'optiques spécifiquement adaptées à la HD. Ils ont acheté une Sony HD et ont développé une série qui a d'ailleurs servi à l'Attaque des clones de George Lucas. Tous ces fabricants visent à terme soit des parts de marché dans l'électronique, soit le tout numérique. L'avenir nous le dira.
Aujourd'hui avec une caméra HD, bien réglée et bien utilisée, on a une image caméra tout à fait correcte. A deux exceptions près qu'on a abordés tout à l'heure, la latitude de pose qui n'est pas encore suffisante, le deuxième est qu'on travaille sur base d'un format qui est plutôt comparable à du 16mm et qui détermine des règles qui font qu'aujourd'hui la vidéo est trop nette. On peut difficilement sélectionner sa mise au point et rendre flou l'arrière-plan. Mais c'est un développement qui se fera. »

 

Patrick d'Artois et la caméra Sony HDCAM CINEALTA

 

Lorsqu'on lui demande s'il existe des projets de caméra HD comparable aux caméras 35mm (Arriflex, Aaton, Panavision) il nous précise :
« Pas mal de fabricants réfléchissent afin de sortir une caméra avec un capteur plutôt 35mm qui pourrait garder toute l'esthétique optique du choix des objectifs comparables à ce que l'on obtient avec une caméra utilisant la pellicule argentique. Parce qu'aujourd'hui si l'on veut filmer un plan représentant une vision normale on tourne autour du 16mm de focale alors qu'au 35mm on est plutôt aux alentours du 35-40mm. Ca détermine plein de choses. : la profondeur de champ, la netteté, un angle assez particulier, etc. Donc beaucoup de réalisateurs et de chefs op. souhaiteraient une HD sur base d'un CCD comparable au 35mm. Il y a d'ailleurs des recherches qui ne se font pas dans le matériel traditionnel haute définition. »

 

Si on l'interroge sur la différence entre DV et HD, l'un pouvant être davantage utilisé pour le documentaire ou le reportage télévisuel et l'autre pour la fiction cinématographique, il nous précise que la situation est bien plus complexe : « La DV et la HD ne sont pas les deux seuls formats qui existent aujourd'hui. En télévision il y a la Bétacam Digital, la Bétacam SX, et la MX qui va sortir pour ne parler que de Sony. Il y a le matériel que propose Panasonic : le DVCpro et j'en passe, DV Cam, mini DV. Tous ces formats sont des formats digitaux. Et puis on développe plus un outil au-delà des capacités propres d'un cinéaste. Par exemple, la DV Cam est un système en soi avec des qualités déterminées et en fonction de ce qu'on met autour de ce capteur, le choix des objectifs, la finition de la caméra on lui donne une orientation plus documentaire ou plus fictionnelle. Je pense que le débat va au-delà du format. Il existe des caméras DVCam pour Monsieur tout le monde ou pour aller filmer un documentaire. Ce ne sont pas les mêmes caméras mais elles partent d'un même format d'enregistrement qui s'appelle le DV. C'est la même chose pour un format d'enregistrement qui s'appelle le Béta SP de même que pour le Béta Digit (quoique celui-ci soit resté haut de gamme). Et à l'avenir on peut imaginer une caméra HD Cam qu'on puisse porter dans la rue. Le projet existe chez JVC. J'ai vu un prototype.

 

L'Arriflex SR2, l'Arriflex 435, la Panasonic DVX100 et la Sony HDCam

 

On se focalise trop sur les outils pour le moment. Le drame serait de créer des corporations soutenant telle marque ou tel prototype. Ce sont d'abord et avant tout des outils qui ont chacun leur spécificité. La gamme devient de plus en plus étendue. Ce qui fait qu'on peut choisir le format le plus approprié à telle ou telle production. Pour des raisons de coûts, de légèreté, de solidité, il y a pas mal de paramètres. Cela est important. Connaître ce qui existe et choisir entre tous ces formats celui qui sera le plus approprié à la chaîne. Que ce soit film, vidéo, HD ou DV. Proposer aujourd'hui le 35mm à certains cinéastes est inepte. Certains réalisateurs ne supporteraient pas de revenir à la lourdeur propre au 35mm. Au niveau des équipes, sur un plateau de tournage j'ai vécu des expériences très différentes. Marelle de Nacho Carranza est un film classique dans la mise en images. On a donc pris une équipe classique et on a fait du cinéma. Le fait de tourner en HD ou en 35mm n'aurait pas changé grand chose hormis l'aspect budgétaire. Mais à côté de cela j'ai vécu des films plus rock and roll où l'on travaillait plus à l'émotion de l'instant ! C'est-à-dire que le plateau conditionnait plus l'histoire que dans un tournage très découpé. On se laissait aller davantage à l'improvisation pour la simple raison qu'on pouvait griller de la bande sans dépasser le budget. Résultat, le format ne change pas grand-chose. On pourrait imaginer un film très rigoureux avec une caméra sur un petit trépied ou sur une grue. Pourquoi pas ? Il suffit que cela soit cohérent avec le processus de production. Maintenant, dans les faits, plus on va tourner avec des caméras HD plus l'ambiance de plateau sera différente. Mais dans le principe cela ne change rien. »

 

C. : L'un des reproches les plus fréquents que l'on fait à la HD est sa froideur.
Patrice Michaud est plus que  circonspect : 
« Si tu fais allusion à L'Attaque des clones c'est dû à l'utilisation de la 3D. Evidemment que c'est froid puisque 90% des images que vous voyez sont des images d'ordinateur. Notamment toutes les créatures que l'on voit passer. Ils ont ré incrusté, après coup, tout un monde développé par ordinateur. Qu'est-ce qui est vrai ? Les acteurs, Ewan McGrégor et quelques autres. Objectivement je ne vois pas pourquoi l'image vidéo serait plus froide ou plus chaude. Bien sûr, il y a des limites techniques. Ceci dit on peut préférer une image film à une image vidéo, c'est certain. »



C. : Tant qu'on a encore le choix - plus pour longtemps semble-t-il est-ce que le choix de la pellicule argentique n'est pas plus heureux pour le cinéma ?
P. M. : « Qu'est-ce qui est mieux la HD ou la pellicule ? Je n'arrive pas à répondre. Ceci étant les deux systèmes ne pourront pas co-exister pour des raisons purement économiques. Finis les frais de ports, finis les frais de laboratoires. Ceux-ci étant amenés à fermer faute de copies à tirer et à sous-titrer, on ne va plus tourner en 35mm puisque les labos n'existeront plus. Le noir & blanc a disparu comme cela. Il reste un labo en noir & blanc à New York parce que Woody Allen y a des parts. Comme il n'y a plus de marché pour le noir & blanc les outils se perdent ! C'est clair qu'actuellement, techniquement, on ne peut plus faire Nosfératu. Les caméras n'existent plus, l'éclairage a changé, tout a changé. Est-ce que c'est grave ? »

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