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Ex-Drummer de Koen Mortier

Publié le 05/05/2006 / Catégorie: Tournage

Ex-Drummer : Rock and roll Attitude

Leffinge, banlieue d’Ostende. Une route désespérément plate et droite, le long d’un canal. Pas de doutes, on est en Flandre. Sur le bord de la route, une salle des fêtes qui sert habituellement de lieu de rencontre pour un club de bikers, fans de Harley Davidson. Des Harleys, il y en a partout, en photos, et même en vrai ! Et au bar, il y a leurs propriétaires, au look directement identifiable.

koen mortier

Aujourd’hui, les bikers ne sont pas seuls. Leur salle a été investie par l’équipe de tournage d’un premier film flamand qui sent déjà le souffre : Ex-Drummer, de Koen Mortier, d’après l’œuvre d’Herman Brusselmans. Auteur d’une quarantaine de romans, cet auteur est très populaire en Flandre, mais aussi controversé. Son univers très « Sex, Drugs and Rock and Roll » secoue parfois vigoureusement les valeurs établies d’une région où les conservatismes savent encore se faire entendre.

Koen Mortier s’est fait connaître, il y a une dizaine d’années, avec quelques courts métrages, dont A Hard Day Work, sélectionné dans une bonne trentaine de festivals. Il a ensuite tourné beaucoup de pubs, qui lui ont valu de remporter les plus hautes distinctions du genre. « Il faut sortir de l’image d’esthétisme glacé de la publicité, telle qu’on la connaît en France », explique-t-il ; « c’est un genre créatif qui permet de vraies innovations formelles ». Pour étayer son propos, il cite volontiers quelques-unes de ses références visuelles : Harmony Korine, en particulier Gummo, Larry Clarck, le photographe Nan Goldin… Côté belge, il se reconnaît plus dans C’est arrivé près de chez vous que dans Koko Flannel. « Les films flamands sont soit des comédies qui marchent fort chez nous mais qui ne s’exportent pas, soit des films très institutionnels, jouant sur la nostalgie. Peu de films mettent en scène des personnages banals,  en prise avec des problèmes très quotidiens, comme les frères Dardenne savent le faire, par exemple », explique le réalisateur ; « dans la plupart de nos films, les personnages parlent  une langue que personne ne parle dans la réalité. J’ai voulu aller à contre-courant de cela. L’action se situe dans la région d’Ostende, et tous les personnages principaux parleront en patois ostendais ».  Conséquence de ce choix radical, le film sera sous-titré pour sa sortie en Flandre !

Brusselmans

Ex-Drummer  propose une plongée saisissante dans l’univers du rock alternatif en Flandre. « Dans chaque coin de Flandre, il y a des groupes de rock qui sont mondialement connus, dans leurs villages, et qui pour la plupart ne sortiront jamais. Pourtant, tous rêvent de la gloire. Il y a de nombreux concours qui leur offrent un tremplin. J’ai voulu parler de ce monde que décrit très bien le livre de Brusselmans », précise Koen Mortier. Le film racontera donc l’histoire d’un groupe à l’avenir incertain, qui rêve de remporter le Rock Rally de Leffinge. Ils ont juste un léger problème, les membres souffrent tous d’un handicap. Le bassiste a un bras raide, le chanteur a un cheveu sur la langue et le guitariste est sourd. Comme ils cherchent un batteur, ils ont l’idée, a priori saugrenue, de solliciter Dries, un écrivain en vogue. Mais celui-ci n’a jamais touché une batterie de sa vie… Nombre de jeunes groupes flamands prêtent leur concours au film, pour lequel certains ont même écrit un titre. Le plus célèbre  étant Arno, qui fait également une apparition.

Willaert 

« C’est cru, c’est très cru », explique Jan Hammenecker, méconnaissable en rocker affublé d’un collier de barbe mal taillé. Il joue le rôle de Dikke Lui (qu’on ne peut traduire autrement que grosse bite). « Koen m’a vraiment faire tout ce qui était le moins avouable dans ce film », précise avec bonhomie ce comédien paradoxalement plus populaire en Wallonie (et même en France puisqu’on l’a vu dans les derniers films d’Arnaud Desplechin et Coline Serreau) que dans sa Flandre natale : « Cela fait dix ans que je n’avais plus eu un rôle sérieux au nord du pays » . Autre figure connue en Wallonie, Wim Willaert, le poussin de Yolande Moreau dans « Quand la mer monte » trouve également un bel emploi dans Ex-Drummer.

« Je joue l’ami homosexuel du bassiste, qui finira guitariste du groupe», explique-t-il. Musicien, metteur en scène et comédien de théâtre, Willaert n’a guère beaucoup joué pour le cinéma, en dépit des nombreux prix du film de Yolande Moreau et Gilles Porte. « C’est un peu ma faute », précise-t-il, « je ne sais pas me vendre. On a été invité dans plein de réceptions pour le film de Yolande et Gilles. Dans ce genre de soirée, il y a plein de gens qui passent leur temps à essayer de rencontrer des réalisateurs. Moi, je préfère y aller pour faire la fête ! ». Willaert et Hammenecker font partie d’une distribution hétéroclite au sein de laquelle on retrouve de vraies gueules, pas toutes très connues… mais toutes capables de s’exprimer en ostendais ! Dries Vanhegen, qui joue l’écrivain, n’est guère apparu que dans un film hollandais il y a près de 10 ans, mais il a un solide passé de comédien et d’auteur de théâtre. Norman Baert, le chanteur zozotant, était l’acteur principal de A Hard Day’s Work, le court de Koen Morter. C’est sa seule expérience de cinéma à ce jour. Ginter Lamoot, le bassiste infirme, fait ses débuts au grand écran. Sam Louwijck, le guitariste sourd, est surtout connu comme chorégraphe et danseur.  

Ce soir, à Leffinge, on tourne quelques scènes qui se déroulent durant le Rock Rally. Les assistants sont occupés à régler un long plan en mouvement à la steadycam, qui nécessite une importante figuration. L’opération est complexe, mais l’équipe, habituée à collaborer sur des tournages de pubs avec Koen Morter, semble gérer les problèmes. Les figurants, qui pour la plupart incarnent les spectateurs du concert, donnent une image assez fidèle de ce que peut être le public de ce type de manifestations : quelques gothiques, des rock-bickers de tous âges et leurs groupies, un groupe d’adolescentes proprettes venues s’encanailler, un ou deux punks à crête fluo du plus bel effet. Incontestablement, Koen Mortier sait soigner les détails qui font une atmosphère. Son film sera dérangeant, il le revendique comme tel. Il n’a d’ailleurs pas été soutenu par l’équivalent flamand de notre Commission du film, mais son producteur, CCCP (une émanation de la société qui l’a souvent engagé pour des pubs), a pris des risques pour que ce film puisse exister. Il a trouvé quelques partenaires en Hollande, en France, en Italie, mais malgré cela, le budget reste serré. Le tournage est limité à 28 jours, nombre d’acteurs et de techniciens sont en participation, ce qui n’entrave en rien leur évidente motivation. Le film devrait être prêt en fin d’année.

 

 

 

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