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Exit 7 d'Emile Degelin - Belfilm

Publié le 08/06/2008 par Grégory Cavinato / Catégorie: Sortie DVD

Nederlandse Beauty

Marc Dumont, la quarantaine, a tout pour être heureux : une épouse charmante, deux enfants charmants, une maison à la campagne, un boulot d’architecte, une maison en banlieue. Ne lui manquent que le chien qui lui apporte ses pantoufles et le barbecue dans le jardin. Pourtant, Marc n’est pas heureux et semble tourner en rond au sein de cette petite famille qui l’étouffe, qu’il s’efforce au mieux de protéger du monde extérieur et de garder éloignée de sa vie professionnelle. Sa rencontre avec une jeune antiquaire polonaise va le pousser à envisager sa vie familiale sous un autre angle.

Exit7La jeune fille représente le pôle opposé du petit cocon douillet que s’est constitué Marc et dans lequel, tel le Kevin Spacey de American Beauty ou le Albert Dupontel du récent Deux Jours à tuer, il se sent de plus en plus emprisonné. La jeune femme lui révèle, malgré elle, le côté superficiel et peu aventureux d’une vie sans prises de risques, une vie dans laquelle ses perpétuels succès familiaux et professionnels lui semblent acquis d’avance, éternels, inamovibles. Une vie matérielle dans une société capitaliste qu’il commence à ne plus supporter. Alors qu’il se prend tout ça directement dans la figure, Marc se met donc à admirer et envier cette jeune fille sans attaches, capable d’être heureuse dans une vie dénuée de tous les archétypes sociétaux habituels. Il va donc remettre en cause de manière radicale tout son mode de vie obsolète et envisage pour le bien de ses enfants de les élever d’une manière plus libertaire, au grand dam de leur mère.
 
Marc s’envole avec sa maîtresse sous le soleil brûlant de Rhodes où ils vivent quelques jours d’une passion intense et torride. Pour Marc, c’est une véritable libération. Pendant quelques jours, il se sent revivre. Mais après ces longues séances de sexe ininterrompu, Marc est à nouveau pris de doutes : son nouvel « amour » lui apparaît maintenant uniquement comme une obsession sexuelle, et il ne peut se libérer de son emprise. Pour la jeune fille tombée amoureuse de lui, la désillusion est grande également… D’un commun accord, ils décident de se séparer et de reprendre l’avion du retour. Par un hasard malencontreux, leur avion est détourné par des malfrats, immobilisé au sol et les passagers pris en otage. Parmi eux, une jeune hôtesse de l’air javanaise que les pirates de l’air vont humilier sexuellement. Coincé dans cet avion, Marc revoit sa vie en flashbacks.

Exit 7 est une réflexion à la fois provocante, osée (les scènes de nu, masculines comme féminines sont légion), tendre (les relations entre Marc et son fils) et humoristique (les dialogues sont particulièrement bien écrits, bercés d’une tendre ironie) sur notre société dominée uniquement par la violence et le sexe. Degelin examine la psyché masculine sous toutes ses formes. La scène d’ouverture nous montre un groupe de « mâles » discutant dans un langage des plus châtiés des besoins élémentaires à leur survie : baiser, boire, manger, péter, rôter,.. Apparemment pour ce panel bien choisi d’ « alpha-males », des femmes du vin, du pain et de la violence suffisent à les rendre heureux. Le mâle primitif dans toute sa splendeur. Mais Emile Degelin examine, à partir de ce constat de base limité, tout le spectre des émotions masculines, de la peur d’aimer, du besoin d’assouvir ses fantasmes les plus honteux jusqu’à aborder la vie de couple, le tabou de la procréation et l’envie d’avoir des enfants… des sujets remis en question par le prisme de l’œil masculin, du point de vue du « macho » de base rendu docile par une existence pépère…
Si la structure en flashbacks peut au départ rebuter, l’excellente performance de l’acteur principal, Peter Faber, et la légèreté étonnante pour un film abordant des sujets aussi graves sont les bienvenues. Degelin met surtout l’accent sur la relation emplie de tendresse entre Marc et son fils, notamment dans des scènes de sauna qu’il serait impossible (voire carrément interdit) de tourner aujourd’hui dans notre contexte actuel de politiquement correct à tout prix.
À noter dans le rôle de l’hôtesse de l’air l’apparition étonnante de Laura Gemser, égérie du bis érotique italien, la « Black Emanuelle » (avec un seul « m » pour éviter les problèmes de copyright !), muse légendaire du regretté Joe D’Amato et du regrettable Bruno Mattei, dans ce qui reste à ce jour son unique film d’auteur. Vu la qualité du film d’Emile Degelin, la belle javanaise aurait pu trouver pire.
En bonus sur ce DVD de la collection Made in Belgium, un court métrage écrit et réalisé par Jean-Marie Deconinck intitulé Toilettes pour le Bal, dont le scénario s’inspire d’une nouvelle des Carnets de l’auteur italien Dino Buzzati. Une oeuvrette visuellement datée, néanmoins poétique et morbide sur la soirée d’un couple se disputant sur l’éventualité d’avoir des enfants alors qu’ils se préparent à sortir pour le bal.

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