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Extérieur rue d'Anne Closset et Carmen Blanco Principal et Le patrimoine, ça déchire ! de Jacques Borzykowski

Publié le 01/12/2009 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique

35 ans d'existence n'ont pas altéré le dynamisme du CVB, le Centre Vidéo de Bruxelles. L'atelier de production soutenu par la Communauté française s'est profondément ancré dans le tissu associatif bruxellois. Il rend compte de sa richesse avec des vidéos documentaires centrées sur les questions sociales et culturelles. Il réalise ses propres productions, mais apporte également son aide logistique et technique à des projets qui revêtent, pour la plupart, une portée pédagogique ou politique. Ce positionnement très ferme a permis de dégager, au fil du temps, une création de qualité, un témoignage unique sur la vie quotidienne à Bruxelles. Aujourd'hui plus que jamais, ce cinéma proactif est d'une nécessité vitale. Aux antipodes des images clipesques dont nous sommes quotidiennement gavés, il témoigne de la réalité concrète de notre quotidien. Deux exemples récents du travail du CVB viennent encore en illustrer la richesse.

Extérieur rue d'Anne Closset et Carmen Blanco Principal  et  Le patrimoine, ça déchire ! de Jacques Borzykowski

La rue Ketanou

Rue Vandeweyer à Schaerbeek, en plein cœur du quartier « coloré » de la cité des ânes. Une artère de Bruxelles multilingue, multi générationnelle, multiculturelle, mais où la communication entre voisins s'était petit à petit tarie. Les relations entre les gens - du moins ce qu’il en restait - étaient dominées par la peur, les rancœurs et l’envie de ne pas être dérangé… Bref, chacun restait chez soi pendant que, dans la rue, les gamins faisaient la loi. Jusqu’au jour où quelques habitants décident de retrouver le goût de vivre ensemble. Ils ne sont d’abord que deux ou trois, pour quelques petits projets, comme repeindre un emplacement de stationnement pour handicapés laissé à l’abandon par la commune, ou proposer des fleurs aux habitants pour égayer leurs appuis de fenêtre.

Et, progressivement, le miracle se produit. Les gens se regroupent. L'idée de se réapproprier l'espace, de le réinventer, fait son chemin. Jusqu’à ce dimanche d’été où la rue est fermée à la circulation. Les habitants descendent dans la rue pour en refaire le lieu de vie communautaire qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être...
Prendre la rue pour la partager. Cette belle « utopie de voisinage » (comme l’appellent les coréalisatrices), a été écrite et interprétée par les habitants de la rue Vandeweyer dans le cadre d'un projet (Voisins) initié par les Halles de Schaerbeek, et avec la collaboration du théâtre océan Nord (qui a ses locaux dans la rue). Un bel exemple de documentaire social dans le bon sens : fait par, avec et pour les gens ordinaires. Tout simplement, une petite voix pour témoigner du monde d’aujourd’hui, tel qu’il est, sous l’œil complice de la caméra des deux réalisatrices. Même si cette création collective a les défauts de ses qualités (une réalisation dont la progression se marque par de "grosses" mises en situation, un rythme fluctuant,…) l'expérience racontée au départ d'un vécu a un parfum d'authenticité qui attire la sympathie et apporte un souffle d'air frais, une note d'espoir bienvenue dans un paysage médiatique marqué par une vision des rapports urbains bien trop mortifère, souvent.


La ville Ketanou


Le patrimoine, ça déchire !
de Jacques Borzykowski

Redécouvrir une ville par ses monuments, ses aménagements urbains est une opération qui se vit trop souvent comme un voyage dans le passé, sous forme de visites austères, empreintes d'un respect paralysant. Mais le patrimoine peut aussi se conjuguer au présent, les bâtiments devenir des lieux à découvrir et à réoccuper, à réinventer. Depuis 1998, l’asbl Patrimoine à roulettes développe des actions de sensibilisation et d'éducation par le patrimoine culturel. Notamment, ils descendent dans les écoles pour proposer aux élèves de redécouvrir leur ville en visitant autrement ses monuments. Avec eux, le patrimoine n’est plus seulement un objectif de savoir, il devient aussi un outil de découverte de soi et des autres, un véritable moyen de communication entre citoyens.
Jacques Borzykowski, un des piliers du CVB, avec lequel il a réalisé des productions d'une grande diversité, toujours centrées sur une problématique sociale ou culturelle, s’intéresse depuis plusieurs années au travail de ces animateurs peu communs. Déjà, en 2007, lors d'un premier volet, Le Patrimoine. Icône au quotidien, il s’était mis dans les pas d'Yves Hanosset, qui proposait ses animations à une classe de 5ème secondaire du secteur artistique. Un deuxième volet consacré à cette découverte du patrimoine permet cette fois de suivre les élèves d'une classe de 5ème primaire de l'Ecole Communale n°1 à Schaerbeek. De la gare de Schaerbeek à Fort Jaco, Ahlem, Fernanda, Cansu et tous les autres vont partir à la découverte de la ligne du tram 92. Sous le soleil, la pluie, la neige, ils vont s’aventurer dans des lieux les plus divers : l'Eglise Sainte-Marie, la Colonne du Congrès, le Parc de Bruxelles, le Palais de Justice, l'hôtel Hannon, la maison de l’architecte Luc Schuiten, l’ancien palais de Charles Quint, dans le sous-sol du Coudenberg. Ils y font des rencontres : un archéologue, un architecte, un habitant de maison ancienne, un jardinier,… qui leur parlent de leur passion à travers le monument qu’ils visitent. Dans ces lieux, ils dessinent, peignent, photographient, jouent. De retour à l'école, chaque visite est "débriefée" sur base d'une fiche que les enfants remplissent, avec laquelle ils vont décider de garder ou non le bâtiment visité comme "lieu important". La classe se construit ainsi "sa" ville par affinités. Le patrimoine monumental cesse d’être un ensemble de bâtiments impressionnants et d’un ennui mortel pour devenir lieux de vie. Témoin de cette découverte, la caméra se mêle au groupe en toute discrétion dans le sillage de l’animateur.

Outre la présentation d'un projet enthousiasmant, le film nous donne aussi l'occasion de redécouvrir la ville autrement, voire l'envie de se faire notre propre classement. Et voir la ville par les yeux des enfants est une expérience pleine et riche. Toutes choses que seuls les films de proximité peuvent nous amener. Un apport irremplaçable.

Le film de 34 minutes est accompagné d'un livret et est mis gratuitement à la disposition des enseignants sur simple demande au CVB.

http://www.cvb-videp.be/cvb/catalogue/film/id/1

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