Cinergie.be

Fadila Laanan, Ministre de la culture et de l'audiovisuel de la Communauté française Wallonie-Bruxelles

Publié le 08/05/2009 par Dimitra Bouras / Catégorie: Entrevue

Bilan d'un mandat 2004 - 2009

Cinergie : En 2004, en début de mandat, vous avez lancé les Etats-Généraux de la culture pour mettre en évidence les priorités d’une politique culturelle digne de ce nom.
En conclusion de ces consultations, différents points ont été mis en évidence, notamment l’interculturalité, l’accessibilité au public et une collaboration plus étroite entre la culture et l’enseignement. Qu'est-ce qui a été mis en place pour concrétiser ces buts à atteindre ?
Fadila Laanan : Lorsque je suis arrivée, les Etats-Généraux étaient en chantier. Mon président de parti s’était engagé à organiser les assises de l’audiovisuel et de la culture, tâche dont j'ai héritée. J'avoue que j'en étais terrifiée ! Nous avons organisé une trentaine de rencontres auxquelles j'ai participé et pendant lesquelles les acteurs culturels se sont déchaînés contre le politique et les pouvoirs publics.Cela a été un moment-clef dans cette législature. Une fois la parole donnée, les acteurs culturels n'ont pas hésité à la prendre. Ces rencontres nous ont permis de poser des objectifs, des priorités de développement de politique culturelle dans tous les secteurs en essayant de répondre au plus près aux revendications des acteurs culturels.
Trois axes majeurs ont conduit notre politique : le financement des budgets culturels, l’interculturalité et l’accessibilité des publics.
Etant de gauche, je considère que cet axe est primordial, il englobe la place de la culture dans l'enseignement et sa mission d’émancipation.

Portrait de Fadila Laanan, ministre de la culture et de l'audiovisuel de la Communauté française Wallonie-Bruxelles.

C. : Votre mandat, par contre, s’est terminé en beauté. Vous avez reçu des témoignages de sympathie et des remerciements venant des professionnels culturels. Comment l'expliquez-vous ?
F.L. : L’organisation de ces Etats-Généraux de la culture a permis de renouer le dialogue entre les pouvoirs publics et les acteurs culturels, même si les consultations ont été très éprouvantes pour moi. Ils m'ont permis de connaître chacun de ces acteurs et de rétablir la confiance entre le politique et le culturel.

C. : Quelle est la place de la culture dans la politique générale de la Communauté française ?
F.L. : La place de la culture dans la société est fondamentale, d'autant plus qu'on vit dans une époque de crise comme la nôtre. La culture n'est pas un luxe. Elle permet de réfléchir sur le monde, sur soi-même, de s’émanciper, de s’épanouir, etc. La culture est une priorité. Mais voilà, le ministre du budget, Michel Dardenne, nous a fait un topo de la situation économique, en tout cas pour la Communauté française : on doit retrouver 400 millions d’euros à l’ajustement budgétaire pour 2009 sur un budget qui environne 7-8 milliards où on sait que 75 % vont à l’enseignement. Concrètement, cela veut dire que la crise va continuer à se faire sentir et qu’on va devoir faire des sacrifices.

C. : Est-ce que votre approche de l'expression artistique a changé suite à votre passage par ce ministère ?
F.L : Je ne crois pas. La culture fait partie de ma vie, même si j’ai vu certaines choses en tant que ministre que je n’aurais pas vu autrement. J’ai eu la chance d’avoir une vision plus large de la culture, et quelles que soient mes activités après ce mandat, je continuerai à fréquenter des lieux qui m'ont procuré énormément de plaisir. Je reprendrai aussi des activités que je pratiquais dans des associations et que j’ai dû arrêter à cause de mes activités ministérielles.

Portrait de Fadila Laanan, ministre de la culture et de l'audiovisuel de la Communauté française Wallonie-Bruxelles.

C. : Y a-t-il des moments qui vous ont particulièrement marquées au cours de ces années ?
F.L : J’avoue que le dernier bilan du cinéma a été un moment très émouvant pour moi, notamment parce que c’était le dernier, et aussi le plus difficile dans la législature. Un bilan public, c'est chaque fois une épreuve pour un ministre. Je ne m'étais pas préparée à recevoir les éloges de certains professionnels à l’égard de cette législature, et du mandat que j’ai exercé. Cela m'a beaucoup émue. Les moments les plus importants pour moi, c’est lorsque j’ai eu devant moi un acteur culturel qui, grâce à notre soutien, a pu réaliser son projet. Lorsque je vois dans ses yeux le plaisir qui l’envahit de pouvoir réaliser son projet ça me remplit d'émotion.
Je la partage facilement, parce que je suis très affective et proche des gens, et aussi parce que j'aime ce que je fais.
J’ai aussi rencontré beaucoup d’ingratitude ! C’est extraordinaire combien les personnes qui évoluent dans les milieux culturels et audiovisuels peuvent avoir la mémoire courte. Je l'expliquerais du fait qu'ils exercent des métiers centrés sur leur personnalité, ce qui peut les rendre très narcissiques. En cela, des similitudes existent avec les hommes et les femmes politiques. Mais je ne comprends pas pourquoi cet orgueil les empêche d'être reconnaissants et ne les empêche pas de cracher dans la soupe. C’est ce qui m’a fait le plus de mal durant mon mandat. Des personnes, pour lesquelles je me suis personnellement impliquée, n'ont eu que du mépris. Je ne parle pas de reconnaissance à l'égard de ma personne, mais envers l'institution Communauté française Wallonie-Bruxelles. Je dois encore apprendre à mettre des distances entre moi et mes fonctions, et ne pas me laisser déstabiliser par l'ingratitude. La discussion, le désaccord ne me dérangent pas. Je n'éviterai jamais un débat, du moment qu'il n’est pas insultant. Je ne veux pas plaire à tout prix, je demande juste de l'honnêteté intellectuelle. Mais, j'ai aussi fait des rencontres extraordinaires !

C. : Quels conseils donneriez-vous à votre successeur ?
F.L. : Le plus important selon moi, c’est le dialogue permanent, se mettre à la disposition des acteurs culturels. C'est pour cela que nous avons été mandatés. Essayer, avec les moyens qui nous sont donnés, d'agir en coordination, ou du moins après concertation.