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Festival ISELP

Publié le 15/11/2013 par Adèle Cohen / Catégorie: Événement

Mélange des genres
Les cinéphiles bruxellois ne connaissent pas forcément L’iselp, l’Institut Supérieur pour l’étude du langage plastique, et c’est bien normal, le cinéma n’est pas à proprement parler leur spécialité. On y expose, on y conférence, on y colloque, on y déjeune même en papotant de la dernière expo à ne pas rater, de tels artistes en vogue, mais on y voit peu de films. A l’inverse, les toqués d’art contemporain n’ont souvent pas le temps de traverser la rue (L’iselp, bd de Waterloo, se trouve en face d’un grand cinéma très connu) pour aller voir le dernier Ken Loach ou de pousser les portes des ciné-clubs, CINEMATEK et autres avant-premières. Il faut dire que les expos, ça épuise. Chacun son domaine donc, et ainsi va la vie. Pourtant, depuis deux ans, l’association le Centre du Film sur l’Art a rejoint, le temps d’un week-end, le joli bâtiment de L’iselp pour collaborer a un mélange des genres, le Festival du Film sur l’Art. Du coup, cinéphiles et passionnés de peinture, sculptures ou installations ont trouvé des choses à se dire…

Le temps d’un week-end encore ensoleillé, au mois d’octobre, L’iselp a transformé sa salle de cours et conférences en salle de cinéma. On a poussé la table et le micro, tendu l’écran, éteint les lumières pour accueillir quatorze films traitant de l’art dans tous ses états. Du voyage sonore (et écologique) de François Ducat (Ascèse) aux batailles menées pour conserver un espace de vie et de création (Gesu squat), des stars de la pratique artistique (Amélie Nothomb, Jacques Charlier) aux artistes plus confidentiels (Lucien Hervé, Bart Lodewijks), l’art était à son image, multiple, composite, surprenant, effroyable ou joyeux. Au commande du Festival, Adrien Grimmeau, historien d’art, explique les critères de sélection : « Il y a trois critères. Les films doivent être récents (2012 et 2013), ils doivent avoir un lien avec la Belgique (soit une production ou une coproduction belge, soit un film étranger qui parle d’un aspect de l’art belge) et, bien entendu, ce doit être des documentaires sur l’art. »

Documentaire sur l’art ou film d’art ? La frontière est parfois bien mince, mais une chose est claire pour le programmateur : « Il faut savoir que L’iselp n’est pas dans le milieu du cinéma. Nos critères sont évidemment différents. Quand j’hésite, je me resserre sur la vocation de l’institut, à savoir, pénétrer les problématiques posées par l’art contemporain. » Pourtant, les choses tendent à changer, et le festival est visiblement en train de devenir un véritable  festival de cinéma. Si, pour l'édition 2013, le Centre du Film sur l’Art a travaillé sur la prospection des films, l’année prochaine, il collaborera également à la programmation, questionnant peut-être ainsi davantage la forme que le sujet, proposant peut-être du temps dédié aux rencontres et tables rondes avec les cinéastes. Des nouveautés en perspective…
La nouveauté était aussi au rendez-vous de cette édition, puisque pour la première fois, le festival a reçu le soutien de la SCAM (Société civile des Auteurs multimédia) qui a offert le prix Découverte à un jeune cinéaste. Le lauréat cette année, Blaise d’Haese, est le fils de l’artiste Reinhoud à qui il consacre un premier long métrage au titre évocateur, Reinhoud, mon sculpteur. Un portrait de famille foutraque, joyeux, à l’image de ce bestiaire fantastique qui compose l’œuvre du sculpteur. Le prix remis par L’iselp, lui, a été décerné au déjà très connu (et diffusé en salles) Rain d’Olivia Rochette et Gérard-Jan Claes. Ce documentaire audacieux de plus d’1H20 confronte la gestuelle contemporaine d’Anne Teresa De Keersmaeker à celle, fluide et classique, des danseurs de l’Opéra de Paris. Dernier prix enfin remis par le jury du Centre du Film sur l’Art, I want (no) reality d’Ana Brzezińska sur la troupe de danse et de théâtre, Needcompany. De 2009 à 2012, la cinéaste a suivi répétitions, voyages, tournées, doutes et certitudes de ces fous de la scène. Un film magistral qui donne envie de se lever de son fauteuil et d'envoyer tout balader avec une fière insolence ! 
Si trois prix avaient bien été prévus au programme, les deux jury distincts ont, sans se concerter, remis une Mention spéciale au même film : Lucien Hervé, photographe malgré lui de Gerrit Messiaen qui signe là le portrait touchant d’un homme et d’un immense photographe.

Pour ceux qui auraient manqué l’événement et s’en mordrait les poings, ils pourront se rattraper et voir les films vainqueurs au mois de janvier lors de la remise des prix, à L'iselp donc !