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Sur le tournage de Force 2

Publié le 01/11/2000 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Tournage

Koksijde

L'âme erre ? Oups ! La maire ? hum ! La mère ? Mmmm ! L'amer ? Hips !Lame R ? Ouah ! La mère ? Oouuii ! Gagné ! Nous sommes à Coxyde, à la mer du nord, avec un vent glacial et une alternance de nuées et d'éclaircies qui font grimper la consommation de Kleenex. Sept ados encadrés par deux monos sont assis, en rang d'oignons, sur la rambarde qui longe la digue, dos à la mer. Ils sont déprimés parce que les ados n'arrivent pas à décrocher le moindre petit boulot qui puisse servir à payer leur stage de char à voile. Pas de thune, gros problèmes.

Sur le tournage de Force 2

En face d'eux, un travelling sur lequel glisse une dolly Panther portant une Arriflex SR3 avec objectif Zeiss (f.5,6 à 1/50 pour du 200 asa) et Michel Van Laer (casquette noire et blouson de cuir noir au dos duquel on peut lire : Panther, Dollies and Cranes), le chef opérateur qui cadre la scène. Devant lui, Chris Hacken renvoie la lumière sur les acteurs à l'aide d'un réflecteur argenté. Les nuages donnent au paysage une lumière que l'on retrouve saisie et fixée dans La vue de Delft, le célèbre tableau de Vermeer. "

Silence s'il vous plaît ! Il ne pleut pas, il n'y a pas de soleil, pas d'avions ! Action ! " lance Luc Boland, la mine réjouie. Sophie (Dolorès Delahaut) : "Est-ce que c'est toujours comme ça ? ". Manu (Christian Rauth) : " Souvent ". Isa (Saïda Djoudi), abattue: " On dirait que la banlieue a une odeur ".

Diouk (Jonathan Tiecoura) glousse : " Les freins flamands sont très susceptibles, ils ne comprennent pas le français, ils bloquent et c'est l'accident ". D.J.Code (Sarhane Mourflik) : " Si on vendait des gâteaux de Lorraine ". JP (Daniel Rialet): " Oh, c'est bon ! " Coupez. Il faut parler à la cantonade pour que la scène fonctionne, explique le réalisateur aux jeunes comédiens. Nouvelle prise. " Nickel mais en retard au niveau du travelling ", Troisième prise. Les comédiens ont froid. Boland tousse poliment. " Allez, une petite der pour la route ". Dernière prise. " On vérifie la fenêtre ".

Duo de Monos

" On a beaucoup de chance parce que sur cet épisode on est tombé sur un jeune metteur en scène belge passionné, attentif, nous disent Daniel Rialet et Christian Rauth, les deux mulets de Navarro, l'un revêtu d'un caban de marin noir et l'autre d'un kawé orange flashy qu'on aperçoit jusqu'à La Panne, qui aime les acteurs, est à leur écoute, donc c'est très agréable. C'est une série quasi franco-belge, le sujet social n'ayant intéressé que ces deux pays. Pas les Suisses ni les Canadiens. Chaque épisode est réalisé par un réalisateur et une équipe différents, hormis nous (rires), mais ça ne se passe toujours aussi bien que pour cet épisode. " Daniel Rialet s'interrompt, indécis. Chritian Rauth recadre Joëlle en gros plan et continue allumé et volubile : " Le metteur en scène est extrêmement agréable, l'équipe de jeunes est formidable. On est là pour travailler et pour s'amuser et ça se sent vraiment. Ce n'est pas facile de jouer avec des ados, Luc Boland leur laisse une marge d'improvisation pour utiliser leur côté spontané car ils ne sont toujours forts au niveau technique. " C'est sur ces propos qu'il s'arrête, son regard croisant, en plan large, Luc Boland qui s'approche, s'éclaircit la gorge. Il a besoin de ses comédiens. Cut.

Quelques séries télévisées made in USA ont de plus en plus de fans. Pas au second degré, comme lorsque le monde impitoyable de Dallas, jadis, faisait rire les lecteurs de Charlie Hebdo, du Monde, de Libération ou du Canard enchaîné. Non, des séries télés regardables, avec une écriture cinématographique qui fait la nique au formatage et aux clichés de la culture soap. Il n'est plus honteux désormais - " c'est alimentaire, mec " - pour un réalisateur de longs métrages de fiction de mettre en scène un téléfilm ou un épisode de série télévisée. Sans même parler de Twin Peaks, de The Kingdom ou de The Outsiders, les séries cultes créatives et corrosives réalisées par David Lynch, F.F.Coppola et Lars Von Trier, des séries comme Absoluty Fabulous, New York P.D.blue, les Soprano, Ally MacBeal, Homicide ont conquis leurs lettres de noblesse auprès d'un public qui n'est pas seulement celui des sitcoms ou des soaps, ciblés ménagère de moins de cinquante ans. Reste les séries françaises mainstream où le meilleur côtoie le pire (le navet consensuel).

Les choses vont-elles changer depuis que certaines chaînes confient des épisodes de leurs feuilletons télévisuels à nos auteurs : Marian Handwerker, Michel Mees, André Chandelle, Harry Cleven ou Luc Boland ? Ce dernier, avec Une sirène dans la nuit qui témoignait d'une bonne direction d'acteur, a fait un tabac tant sur les antennes belges que françaises. D'où notre désir de le voir en action sur Force 2, un épisode des Monos, scénarisé par Luc Jabon et lui. Résultat l'an prochain sur nos lucarnes.

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