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Frontière(s) de Xavier Gens / Méliès d’Argent - BIFFF 2008

Publié le 01/05/2008 par Matthieu Reynaert / Catégorie: Critique

Frontière(s) de Xavier Gens / Méliès d’Argent (compétition européenne)

frontiière extraitLe film de “groupe-de-jeunes-qui-échoue-dans-un-coin-paumé-et-se-fait-décimer”, aussi appelé “slasher”, est un genre indémodable dans lequel il est devenu bien difficile de faire preuve d’originalité. Mais il n’est pas dit que chaque film doive renouveler son genre, et venant d’un film français, le spectacle est d’autant plus appréciable s’il est réussi. C’est le cas de ce premier long métrage, qui doit beaucoup à l’énergie de son interprète principale, la jeune Karina Testa. Autour d’elle, malheureusement, les autres acteurs ont plutôt tendance à plomber le rythme (catastrophique Samuel Le Bihan), à l’exception surprenante d’Estelle “ex-Hallyday” Lefébure, qui pourrait bien réussir sa reconversion. Autre défaut, le décalage entre les flots d’hémoglobine et de violence que déverse le film et sa pudibonderie (malgré une scène de sexe à quatre et des tortures sadiques, on ne verra qu’un bout de sein… celui d’une morte !) 

Passés ces bémols, la performance reste plus qu’appréciable. La réalisation crue et agitée permet une immersion efficace, la photo de Laurent Barès est sombre et sale juste comme il faut. C’est également le contexte qui donne sa force au film. Ici, le fameux “groupe de jeunes” n’est pas sur la route des vacances, mais en fuite d’un Paris assiégé, en proie aux émeutes alors que l’extrême droite est sur le point d’emporter l’élection présidentielle.

extrait frontiereLes références à Sarkozy sont évidentes (les futures victimes se font traiter de “racailles”), ce n’est pas une production Europa Corp. pour rien. Malheureusement pour nos héros, les néo-nazis peuplent aussi la campagne, et sont carrément frapadingues, dans la grande tradition initiée par Massacre à la Tronçonneuse ! Si la rencontre des deux groupes n’a pas de crédibilité en soi, il n’est pas interdit d’y voir la métaphore d’une jeunesse asphyxiée par un système de plus en plus en rupture avec les idéaux qu’elle ose encore caresser.

Ce sous-texte, particulièrement lisible dans la scène finale, même s’il reste mince, offre au film une profondeur que n’avait pas le Haute Tension d’Alexandre Aja, pourtant référence du genre en France. Niveau gore, Frontière(s) n’a rien à envier à son aîné. Ça coupe, ça perfore, ça déchire, bref, ça saigne beaucoup, et pas qu’en hors-champ ! Les amateurs seront sans aucun doute emballés par ce métrage qui, sans prétention, parvient à installer en nous le malaise et la panique, et qui a ouvert à son auteur les portes d’Hollywood (malheureusement pour y signer un Hitman déjà oublié).