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Gabrielle Claes - Le changement et la continuité

Publié le 01/04/1990 par Jean-Michel Vlaeminckx et Philippe Elhem / Catégorie: Entrevue

Responsable du Musée du Cinéma, collaboratrice directe de Jacques Ledoux, Gabrielle Claes, après de longs mois d'incertitude, lui aura donc, à l'automne dernier et le plus normalement du monde, succédé à la tête de la Cinémathèque royale de Belgique. Nous voulions, par un entretien, non seulement prendre date de cette importante nomination, mais aussi dresser, en compagnie du nouveau Conservateur, le bilan provisoire d'une institution qui vient d' entrer de fait, et avec dix ans d' avance sur le calendrier, dans une ère nouvelle.

Gabrielle Claes - Le changement et la continuité

Cinergie : Votre vie professionnelle a dû être pour le moins bouleversée par votre nomination?
Gabrielle Claes : Oui, bien sûr , puisque je ne m'occupais que du Musée du Cinéma jusque là. La cinémathèque ne m'était pas inconnue bien entendu, puisque les deux institutions travaillent ensemble, mais c'est un tout autre domaine.

 

C. : Qu'est-ce qui les différencie ?
G.C.
: Ce sont deux institutions juridiquement distinctes : la Cinémathèque est un établissement d'utilité publique qui existe depuis 50 ans. Le Musée du Cinéma a été créé 25 ans plus tard sous la forme d'une ASBL. Leurs conseils d'administration sont totalement distincts, leurs subsides aussi.

 

C. : Mais le Conservateur chapeaute les deux institutions ?
G.C
. : Oui, mais pas tout seul. Si chaque conseil d'administration gère son institution, il y a, comme cela se fait souvent, un bureau exécutif, composé d'administrateurs, choisis dans les deux institutions, qui gèrent simultanément la Cinémathèque et le Musée dans le respect de leurs destinées qui sont clairement distinctes : le Musée montre des films dans sa salle , la Cinémathèque conserve les films.

 

C. : Quels sont leurs budgets respectifs ?
G.C.
: La dotation de la Cinémathèque est de 40 millions de francs par an, celle du Musée du Cinéma est de 7.800.000 F. Il n'y a pas d'interaction budgétaire entre elles et les subventions octroyées ne peuvent être employées que dans les limites de leurs activités propres, par exemple . le Musée ne pourrait en aucun cas justifier de l'achat d'un film ou du tirage d'une copie et la Cinémathèque ne peut pas acheter de fauteuils ou un praxinoscope pour le Musée.

 

C. : Vos nouvelles responsabilités vous amènent-elles à porter un regard différent sur les deux institutions ?
G.C.
: J'ai beaucoup de choses à apprendre côté Cinémathèque, même si j'étais confrontée de façon permanente à ses problèmes. Disons que jusque là je défendais le Musée et que j'essayais d'y montrer le plus de choses possible. Mais parfois, malgré le désir de Ledoux de satisfaire le Musée , il lui arrivait de mettre sa casquette de Conservateur et de dire : " Non ce film-là, on ne le montrera pas parce que c'est une copie trop fragile et que c 'est le seul matériel que nous possédons. Une projection le mettrait trop en péril. Tant pis pour le Musée ! "
Moi, j'étais un peu l'empêcheuse de tourner en rond et j'essayais d'obtenir plus que la Cinémathèque n'était prête à m'accorder. Maintenant, je suis bien obligée de prendre en compte ces problèmes. De toutes façons, ce que je dis est trop formel. Nous n'étions pas chacun d'un côté de la table, l'un ignorant le problème de l'autre. Mais je me rends compte que j'attendais de Ledoux une plus grande souplesse que je ne suis finalement disposée à accorder dans l'exercice des mêmes fonctions. On jouait un peu un double jeu : on a beau connaître les difficultés de l'autre, à partir du moment où on s'identifie à une partie des activités, on pense que cette partie est prépondérante. Si, bien entendu, je n'ai jamais pensé que la conservation était une chose secondaire, je dois reconnaître aujourd'hui que cela m'apparaît comme l'essentiel de notre tâche, même si c'est la plus ingrate et la moins spectaculaire de nos activités.

 

C. : La Cinémathèque a toujours eu la réputation d'être très peu coopérative avec les festivals et les manifestations qui lui sont extérieures. Est-ce une réputation justifiée à votre avis ?
G.C. :
Je dois reconnaître que oui. Je connais effectivement des cinémathèques qui collaborent bien plus volontiers que nous à des festivals et autres. Mais c'est un problème complexe qui met en jeu toutes sortes de contradictions internes. Dans le sens le plus strict du mot, une cinémathèque est faite pour conserver. Donc, moins les films sortent et mieux ça vaut. Mais imaginons un Musée qui enfermerait ses tableaux dans un bunker pour qu'ils ne se dégradent pas du tout, mais que personne ne pourrait voir...

 

C : Ils cesseraient d'exister...
G.C .
: Exactement. Donc, la contradiction est là. Il faut montrer et pourtant empêcher que ça ne se dégrade. Bruxelles mérite sans doute sa réputation de ne pas être très collaborante, mais la compense par une activité de projection très intense : montrer cinq films par jour, c'est beaucoup par rapport à d'autres capitales européennes et c'est équivalent, en proportion, à Londres ou à Paris. Les cinémathèques qui n'hésitent pas à prêter leurs films ont souvent peu d'activités en matière de projection. Je crois que ceci corrige un peu cela. Et puis, il existe la Décentralisation des Films Classiques qui s'adresse aux ciné-clubs et qui est un élégant correcteur à l'attitude volontairement restrictive de Ledoux. Ceci dit, ce n'est pas suffisant et Ledoux en était douloureusement conscient. Il était pris dans cette contradiction entre montrer et conserver. Aussi, nous avons mis à l'étude un projet qui consisterait à prêter le matériel que nous considérons comme protégé, c'est-à-dire pour lequel nous avons au moins une copie de protection avec, bien entendu, l'autorisation des ayants droit. Ce n'est qu'un projet, rien, contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, n'est encore décidé, que ce soit bien entendu. Mais nous étudions la question. Elle nous pose d'ailleurs d'innombrables problèmes de conscience : devrons nous prêter sans distinction à qui nous sollicitera, ou bien uniquement à ceux dont nous considérons qu 'ils travaillent dans une communauté de pensée avec la Cinémathèque ? Vous voyez que la question n'est pas simple.

 

C : On reproche aussi au Musée de ne pas beaucoup varier sa programmation. L'anthologie du cinéma, par exemple, reste, année après année, immuablement la même.

G.C. : Je pense que ce reproche n'est pas fondé. D'abord, nous avons l'obligation de passer ce que l'on appelle les " classiques", car le public se renouvelle chaque année et il faut que les classiques en question soient régulièrement accessibles. De plus, nous y sommes encouragés par le fait que lorsque l'on passe Citizen Kane, la salle est toujours comble, ce qui est bien la preuve que nous répondons à une attente du public. Ensuite, cette anthologie varie d'une année à l'autre. Nous nous efforçons d'introduire à chaque fois des cinéastes méconnus ou injustement oubliés tout en tenant compte de la production contemporaine. De plus, nous sommes attentifs aux "modes" lorsqu'elles favorisent des découvertes. Ainsi, cette année, après Locarno et Paris, les Cahiers et Libération, Preston Sturges fait figure de nouvelle découverte du siècle. Je suis dès lors tentée d'introduire quelques Sturges dans l'anthologie pour voir, en me disant que les gens seront peut-être intéressés. On a observé ce phénomène avec Lubitsch. Pendant des années, on a passé des films de Lubitsch devant des salles vides. Et puis, on s'est mis à écrire des livres sur Lubitsch, à lui rendre hommage ici et là et ça a fini par lui donner un public. C'est le côté positif des modes. De toutes façons, tout choix est subjectif. Il reflète obligatoirement le goût des programmateurs. Et puis, il y a aussi d'autres critères qui déterminent les programmations : le principal est lié à l'évolution de la collection proprement dite. On a, par exemple, acquis un certain nombre de films à l'occasion d'Europalia Japon, essentiellement des Ozu et des Imamura. Il est clair qu'ils vont entrer dans l'anthologie. Si l'on ne montrait que les mêmes Ozu et pratiquement pas d'lmamura, c'est tout simplement parce que nous n'avions que ces films-là. Pour le reste, et en dehors de nos petits festivals que vous connaissez bien ("Cinédécouvertes " au mois de juillet et (" L' Age d'Or" en décembre), nous organisons des hommages et des programmations à thèmes.

 

C. : Qu'est-ce qui détermine ces thèmes ?
G.C.
: Notre imagination, avec certaines restrictions. Je suis personnellement opposée aux rétrospectives sur des "sujets ". Dans le livre des suggestions on nous demande souvent des choses comme " un mois consacré aux films de prison ", ou , dernièrement encore, " une série sur les animaux dans les films : Rintintin, Lassie etc... " Franchement, ça ne m'intéresse pas du tout de faire ça. Les seules limitations sont, de mon point de vue, celles-là parce que je pense que notre propos est d'abord cinématographique et éventuellement sociologique. Donc, on s'attache prioritairement aux auteurs, aux acteurs, éventuellement à d'autres métiers du Cinéma...

 

C. : Et un mois consacré aux films traitant de la Guerre froide ?
G.C.
: Oui, parce que je trouve que cela peut-être intéressant cinématographiquement, qu'il y a là comme un genre avec ses codes.

 

C. : Et L' Americana que vous programmiez en février ?
G.C.
: Même chose, c'est une tendance dominante du cinéma américain qui s'est perpétuée à travers les époques et qui n'appartient qu'à lui.L' Americana, pour moi, c'est un véritable thème cinématographique.

 

C. : Il peut y avoir interaction entre la programmation et des événements historiques ?
G.C.
: Oui, on le fait souvent. Comme avec le Bicentenaire des Etats-Unis. Mais nous essayons de centrer le plus possible notre propos sur le cinéma. J'aimerais bien mettre sur pied une rétrospective consacrée au mélodrame. Cela fait plus de cinq ans que j'en parle, mais cela demande énormément de préparation. Parfois, il est vrai, nous illustrons des thèmes extérieurs au cinéma : ce fut le cas de " la Ville au cinéma ". Mais je trouve qu'ici le sujet favorise une réflexion sur le cinéma : la ville, l'architecture
ont énormément à voir avec l'art cinématographique.

 

C. : Vous arrive-t-il, pour vos différentes programmations, d'emprunter des films auprès d'autres cinémathèques ?
G.C.
: Cela arrive tout le temps. C'est d'ailleurs une source d'amélioration et d'extension de la collection.

 

C. : Pratiquez-vous des échanges ?
G.C.
: Parfois. Nous participons aussi aux restaurations entreprises à l'échelle internationale par les cinémathèques et qui mettent à contribution le matériel de chacune : Napoléon a été le premier grand exemple de cela. Paris et Londres sont très actifs dans ce domaine. Même les producteurs privés commencent à mener de telles entreprises : la Gaumont, par exemple, a entrepris la restauration de L'Atalante. Nous leur avons fourni deux copies qui présentaient des différences entre elles. Nous participons aussi à la restauration de La Terre de Dovjenko et à celle des films d'Antoine pour laquelle nous avons fourni différentes copies, et on vient de nous demander La rue sans joie de Pabst.

 

C. : La Cinémathèque effectue-t-elle, pour son propre compte, des travaux de restauration ?
G.C.
: Pratiquement pas, parce que nous n'avons pas les moyens de le faire. On l'a fait pour Visages d'enfants de Jacques Feyder. Cela veut dire mobiliser quelqu'un pendant des mois. On ne peut pas se permettre ça. C'est dommage, parce que cela est évidemment passionnant. Mais, vous savez, ces restau rations sont généralement le fait de gens extérieurs aux cinémathèques. Dans le cas de Napoléon, c'était une initiative de Kevin Bronlow. Disons que si la France et l'Angleterre sont actives dans ces domaines , c'est à la fois parce qu'elles en ont les moyens et qu'il existe dans ces pays un noyau d'historiens du cinéma que nous n'avons pas en Belgique. Et puis, en France, il y a un désir de sauvegarder un patrimoine national qui a beaucoup plus essaimé au niveau international que le nôtre.

 

C. : Il me semble pourtant que vous aviez présenté pour le cinquantenaire de la Cinémathèque un film, Le chapeau de paille d'ltalie, qui avait été restauré par vos soins ?
G.C.
: Non, ce que nous avons présenté c'est, comme je vous l'ai décrit, un film restauré par la Cinémathèque française avec notre aide.

 

C. : Qu'est-ce que vous en retirez, à titre personnel ?
G.C .
: En général, on a accès au matériel restauré...

 

C. : Vous arrive-t-il d'avoir en dépôt des négatifs et des internégatifs de films ?
G.C.
: Oui, bien sûr. On a des négatifs pour les films belges et parfois des internégatifs de grandes productions internationales, utilisés pour les tirages de copies en Europe.

 

C. : Vous pouvez donc, si vous voulez, en tirer des copies ?
G.C .
: Oui, on peut toujours le faire.

 

C. : Mais dans le cas d'un nouveau tirage, n'y a-t-il pas des problèmes de support ? Avec, par exemple, la Dupont de Nemours qu'employaient les cinéastes européens, dans les années cinquante/soixante, il doit être difficile de trouver un support qui lui rende justice aujourd'hui.
G.C .
:  Oui, c'est impossible de retrouver la qualité des tirages de l'époque. Et, malheureusement, c'est une des pellicules qui se décomposent le plus vite. Un peu comme pour les pellicules couleurs , i1 y a un déstabilisant qui provoque la décomposition.

 

C. : Quels autres problèmes rencontrez-vous ?
G.C .
: Des phénomènes comme le rétrécissement qui empêche de projeter les positifs et qui rend le
tirage du négatif aléatoire. Il y a heureusement des laboratoires spécialisés dans le traitement des films anciens. Ils effectuent des tirages image par image, aux prix que vous imaginez.

 

C. : Comment la Cinémathèque envisage-t-elle l'évolution des supports ?
G.C .
: On suit ça attentivement. Il y a d'autres échanges entre les cinémathèques que les prêts de copies. Il existe des commissions qui s'attachent à des problèmes particuliers : l'une s'occupe, par exemple, des questions d'organisation d'un centre de documentation, une autre s'intéresse aux problèmes techniques et communique aux cinémathèques le résultat de ses recherches. Notre rôle étant de conserver les films dans le meilleur état possible, nous sommes intéressés aux techniques nouvelles, telle celle du vidéodisque. Malheureusement, comme pour la vidéo, qui avait été présentée comme la solution, le vidéodisque semble tout aussi aléatoire : je viens de lire dans un article que les deux matières qui le composent réagissent entre elles et que sa stabilité en béton n'est plus aussi certaine.

C : Est-ce qu'il y a, à votre initiative, des recherches qui sont effectuées pour retrouver des films ou des documents sur, par exemple, le Cinéma belge ?
G.C .
:  Nous écrivons d'une façon assez large à tout ce qui touche à la production Cinématographique. On lance une série d'appels en demandant aux gens de nous contacter s'ils sont en possession de films et autres. Des fois, les gens restent sourds à notre demande, les collectionneurs en particulier, puisque leur particularité est de vouloir les garder pour eux. Mais parfois, à la faveur d'une succession, les héritiers ne savent pas quoi faire de ces bobines et ils ont le réflexe d'avertir la Cinémathèque. Cela nous a permis dernièrement de découvrir une copie de Judex de Louis Feuillade, plus longue que celles que l'on connaît et en très bon état...

 

C. : Ledoux avait la réputation de n'organiser de rétrospectives ou d'hommages qu'il était sûr de pouvoir être quasi exhaustif.
G.C .
: C'est vrai qu'il visait l'exhaustivité. Ceci dit, c'est une position sur laquelle il est un peu revenu au fil du temps.

 

C. : Une chose qui intrigue beaucoup de monde, c'est l'hommage que vous n'avez pas rendu à John Cassavettes...
G.C .
: Je suis contente que vous en parliez, parce que j'en ai marre qu'on nous le réclame sans arrêt, comme si nous étions vraiment trop bêtes pour y avoir pensé nous mêmes. On a voulu faire ça l'été dernier. Il y avait à ce moment-là une rétrospective très complète de 1'oeuvre de Cassavettes montrée à Avignon. Nous avons un certain nombre de films de Cassavettes, mais il nous en manquait deux ou trois assez importants. Comme Cassavettes n'a pas fait une oeuvre gigantesque, il nous fallait être exhaustif. On va rendre un hommage à Bernard Blier , il est entendu que nous n'allons pas passer les 150 films qu'il a tournés. Mais dans le cas de Cassavettes, il fallait tout montrer. Bref je téléphone à l'organisateur à Avignon qui me dit qu'il est d'accord pour m'envoyer les films qui me manquent, si j'obtiens l'accord du producteur. Je téléphone à ce monsieur, au Texas, à qui je demande si je peux disposer des titres qui me manquent. Il me répond aussi sec :  " Voulez-vous me dire d 'où vous tirez les autres films ?". J'ai immédiatement fait marche arrière. En fait, ce monsieur, dont le nom m'échappe, et qui est bien le producteur de cinq ou six films de Cassavettes, en avait marre que ceux-ci soient montrés partout avec des copies sur lesquelles il n'avait plus de contrôle et sans que cela lui rapporte quoi que ce soit. Il s'était mis dans la tête de vendre les films et il pouvait, le plus légalement du monde, exiger de récupérer ou de faire détruire les copies que nous ont remises les distributeurs .Vous comprendrez que dans ces conditions on a oublié l'hommage à Cassavettes...

 

C. : Est-ce qu'il vous arrive encore de projeter des films nitrates au Musée ?
G.C .
: Très exceptionnellement, il nous arrive de projeter des films couleurs. Le Musée est équipé pour et répond aux normes de sécurité particulières qu'exige la projection de "films flammes". Mais nous ne le faisons pas en général.

 

C. : Pourquoi uniquement des films couleurs ?
G.C .
: Simplement parce que certains n'ont pas fait l'objet d'un report sur celluloïd.

 

C. : Vous le faites plus facilement pour les films noirs et blancs ?
G.C .
: Oui, dans la mesure où les films couleurs sont beaucoup plus coûteux à reporter L'établissement d'un internégatif et un tirage de copies pour un film couleurs coûtent plus cher que pour un film noir et blanc.

 

C. : J'imagine, de plus, que la qualité des nitrates couleurs reste supérieure à leur report sur celluloïd.
G.C .
: Oui, mais ce critère n'intervient pas dans nos choix parce que pour le noir et blanc aussi la qualité est meilleure en nitrate. L'image y est beaucoup plus transparente. Notre politique de report est liée à notre politique de projection. Nous reportons d'abord ce que nous avons envie de projeter. Il y a des cinémathèques qui détruisent le nitrate après report. Nous, nous le conservons. C'est aussi le cas de Londres et de quelques autres, fort heureusement. La politique de Londres, c'est le nitrate avant tout. Ils reportent tout sur celluloïd, mais si en tant que chercheur vous avez besoin de voir un film, c'est le nitrate qu'ils vous montreront.

 

C. : Vous organisez deux importantes manifestations cinéphiliques chaque année : "Cinédécouvertes" en juillet et "L'Age d'Or " en décembre. Vous n'avez pas trop de difficultés, vu la multiplication des festivals nationaux et internationaux et la concurrence que cela entraîne, pour les programmer ?
G.C .
: Dans l'ensemble, nous arrivons à obtenir à peu près ce que nous voulons. Les problèmes que nous rencontrons sont souvent liés à la disponibilité des copies. En général, il n'existe, pour les films qui nous intéressent, qu'un petit nombre de copies disponibles et, comme vous le soulignez, il y a de plus en plus de festivals à travers le monde. Il faut alors trouver des arrangements avec d'autres manifestations et cela pose parfois des problèmes, surtout pour obtenir une copie sous titrée en français. Nous avons assez peu de refus dans l'ensemble puisque "Cinédécouvertes" apporte une aide concrète à la distribution des films primés et que cela se sait. En plus, nous avons souvent à faire aux mêmes intermédiaires, puisque les films, de plus en plus, ne sont pas vendus par leurs producteurs mais par des vendeurs internationaux. Alors, si le film est primé et vendu grâce à " Cinédécouvertes ", ils sont plus enclins, par la suite, à nous envoyer des films. Et puis, il y a des cinéastes ou des producteurs qui sont toujours d'accord pour participer à nos petits festivals. La seule chose un peu embêtante, c'est la date de la manifestation. Nous sommes trop près de festivals importants, mais nous ne pouvons pas faire autrement.

 

C : Et "L' Age d'Or " ?
G.C .
: Pour " L'Age d'Or " , c'est beaucoup plus variable Ca intéresse les cinéastes et les producteurs parce que le prix est à partager entre eux et qu'ils en sont donc les bénéficiaires immédiats. Et puis, il y a quelque chose d'assez prestigieux, dans l'esprit des gens, attaché à cette manifestation. Quand on dit aux cinéastes que leurs films sont dans la lignée de Bunuel, ils sont le plus souvent flattés. Le problème de " L'Age d'Or " , c'est justement de trouver des oeuvres qui correspondent à sa définition. Certaines années, c'est un peu le désert. Et parfois, heureusement, c'est l'inverse qui se produit. Je trouve que lors du dernier " Age d'Or ", i1 y avait au moins six ou sept films qui méritaient le prix.

 

C : Vous conservez certains de ces films ?
G.C .
:  Le règlement nous ménage cette possibilité et nous tirons parfois des copies. Pas aussi souvent que nous le souhaitons malheureusement. Nous voudrions d'ailleurs compléter notre collection en acquérant les Prix de "L'Age d'Or ", que nous ne possédons pas.

 


Entretien publié en deux parties in
Cinergie (papier) n°68 - avril 1990.
Cinergie (papier) n°69 - mai 1990.

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