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Grégoire Colin dans Voleurs de chevaux de Micha Wald

Publié le 09/06/2006 par Anne Feuillère / Catégorie: Tournage

Grégoire Colin, Voleur de chevaux ?

Le salop de La Vie rêvée des anges, le légionnaire qui rend fou dans Beau Travail ou encore le mégalo désespéré de Snowboarder, c'était lui, Grégoire Colin, aujourd'hui l'un des principaux Voleurs de chevaux de Micha Wald. Nous l'avons rencontré lors du tournage dans la région spadoise. Venu, tel un chat noir, il rôdait sur le plateau pour s'imprégner d'une atmosphère qui allait bientôt être la sienne. Grégoire Colin n’est pas un inconnu dans le landernau du cinéma belge. On a pu le découvrir très jeune adolescent dans L’Année de l’éveil de Gérard Corbiau où il a fait ses premiers pas, avant de tracer sa route, entre cinéma d'auteurs confirmés et premiers films de cinéastes de sa génération.

Cinergie : Vous ne tournez pas aujourd'hui mais vous êtes venu sur le plateau.

Grégoire Colin : Oui… J'étais à Spa, dans ma chambre… alors autant venir (sourires). Je n'ai commencé le tournage qu'il y a deux jours. Je viens voir comment ça se passe.

C. : Comment avez-vous rencontré Micha Wald ?

G.C. : Par son directeur de casting (sourires)… Micha avait surtout apprécié Beau travail. Quelque chose l'intéressait dans mon travail par rapport au film de Claire Denis. Ceci dit, j'espère qu'il a vu d'autres films dans lesquels j'ai joué (rires). Mais nous nous sommes rencontrés il y a longtemps, bien en amont du film, avant même le financement. J'aimais beaucoup le scénario. Et puis, il suffit de le voir sur le plateau, il est très détendu mais, en même temps, très rigoureux dans un sens qui me plaît : il a envie que les choses soient justes. Voleurs de chevaux est une sorte de "revenge movie" avec ses passages obligés. J'aime la démarche de Micha qui veut que les costumes, la patine, le décor, tout soit juste. Il a déjà cette rigueur et cette attention qui augurent toujours de bonnes choses.

C. : Qui est votre personnage dans le film ?

G.C. : Je suis Roman, un fils de voleur de chevaux, orphelin ; je traîne avec moi mon petit frère, Elias, devenu boiteux par ma faute. Je l'ai obligé à défier un bouc et il est désormais estropié : un jeu de gamin qui a mal tourné. Je porte un peu le poids de cette culpabilité. Je suis exclusivement concentré sur deux buts : remplir la gamelle et veiller à ce que mon petit frère ne manque de rien, à ce que personne ne lui fasse de mal. Il faut couper du bois pour chauffer, et voler des chevaux pour manger. Sur la route, je croise deux frères cosaques et j'en tue un : la vengeance et la traque vont commencer. Mon personnage est assez violent. C'est normal… enfin, pas forcément (sourire), mais vu sa condition sociale, son quotidien dans les bois, c'est un personnage très brutal. Il entretient avec son frère, une relation extrêmement possessive, qui va jusqu'à l'envahissement. Il ne lui laisse aucun mouvement de liberté. L'obsession de Roman est de l'endurcir.

Il se passe exactement la même chose de l'autre côté puisque Jakub [Adrien Jolivet] veut entrer chez les Cosaques mais son petit frère [Grégoire Leprince-Ringuet], le personnage que je vais tuer, ne suit pas et lui aussi veut l'endurcir. Le film fonctionne en symétrie.

C. : Vous faites beaucoup de premiers films.

G.C. : Oui, c'est vrai, surtout en ce moment, cela n'arrête pas et cela va continuer (rires). C'est le hasard des scénarios que je reçois, ce sont ceux qui m'intéressent.... Mais je fais aussi des seconds films et c'est mieux !

C. : En regardant votre filmographie, j'ai aussi le sentiment que vous avez une prédilection pour les rôles ambigus, des rôles plutôt physiques, mutiques et inquiétants. Je pense notamment à Beau Travail de Claire Denis ou Inquiétudes de Gilles Bourdos.

G.C. : Mais vous prenez là deux exemples de films bien particuliers ! Ils avaient tous les deux été écrits pour moi. Pas seulement pour moi d'ailleurs, puisque Gilles pensait aussi à Brigitte Catillon. J'avais déjà travaillé avec lui, et il sait où il a envie d'aller avec moi. Par rapport à Beau Travail, ce n'est pas tout à fait pareil. Je fais beaucoup de films avec Claire, et il y a toujours un rôle pour moi. Elle a son équipe d'acteurs, elle choisit, elle cherche. Mais c'est vrai, ce sont des rôles qui m'intéressent parce qu'en tant que spectateur, j'aime pouvoir, au-delà de l'histoire et de tout ce que la narration prend en charge, m'interroger sur une troisième dimension. C'est aussi mon jeu. Il est comme ça. C'est mon style : essayer de donner une ambiguïté au personnage, comme vous dites. J'essaie d'être juste. Il y a peut-être des rôles où cela n'a pas de place. Je m'adapte évidemment à ce qu'on me demande. J'ai aussi ma petite collection personnelle de films Z (rires) mais je ne pense pas que vous les ayez vus…

C. : Vous aviez déjà tourné en Belgique avec L'Année de l'éveil de Gérard Corbiau en 1991, votre premier film, non ?

G.C. : Le deuxième. J'ai commencé au théâtre. Je suis d'une famille de forains et de théâtre. Mon père [Christian Colin] a travaillé avec Ariane Mnouchkine et beaucoup d'autres, et il est devenu metteur en scène assez jeune. J'ai joué dans Hécube avec Maria Casarès et j'ai été repéré par un directeur de casting pour un premier film. Mais ceci dit, pour ce qui est du jeu, mon père s'est occupé de moi très vite. Il m'a dit deux ou trois choses, et notamment, d'essayer de croire à ce que je disais. A la première répétition, j'ai fondu en sanglots (rires) : je jouais le fantôme du plus jeune fils de la famille qui s'était fait assassiné. J'avais 12 ans, c'était dur (rires) ! Voilà pour ce qui est du jeu. Quand j'étais plus jeune, mon père s'occupait essentiellement des poésies que je devais apprendre pour l'école (sourires). Il fallait que ce soit bien dit, que cela ne chantonne pas trop. Je m'en rendais compte par rapport aux autres enfants : cela avait été ratifié par Le père (rires). C'est plus facile de jouer quand on est enfant. J'avais une certaine facilité. J'ai baigné dedans et cela m'était assez naturel. Petit, j'ai fait des castings, j'étais pris, j'y arrivais bien. Quand on est adolescent, cela devient plus compliqué. Mes parents, ma mère surtout, me voulaient vigilant : beaucoup d'enfants acteurs ne continuent pas forcément dans cette voie. Un enfant acteur peut ne plus s'intéresser lorsqu'il mue, change, grandit. Le jeu doit se transformer, évoluer, il est lié à ces différentes étapes. A chaque film, à chaque fois, je recommence tout à zéro.

C. : C'est-à-dire ?

G.C. : J'ai l'impression qu'il faut que je remette tout en question à chaque fois. Il faut avoir suffisamment confiance en soi pour jouer. J'essaie donc d'avoir cette confiance, mais c'est pénible (rires). En même temps, je suis comme ça et je compte le rester. C'est à chaque fois un nouveau chantier. C'est différent lorsque je rejoue avec des metteurs en scène que je connais. Quand je fais un film avec Claire, il y a une continuité et je n'ai pas du tout le sentiment de recommencer à zéro. Je sais, par exemple, ce qui plaît à Claire, ce qu'elle attend, là où il faut que j'aille fouiller. Cela dépend aussi d'une relation, quand un réalisateur vous entraîne ailleurs, vous fait sentir autre chose. C'était intéressant avec Catherine Breillat sur Sex is Comedy, qui, comme son nom l'indique, est une comédie... Enfin un peu moins que ce que je pensais au final (rires) mais le scénario était drôle. J'ai pu travailler un peu plus sur ce rythme-là. Et puis, faire l'acteur, quand même, c'est quelque chose que je sais faire !

C. : Vous avez des projets ?

G.C. : Claire Denis a deux projets en ce moment dont un est une comédie. Elle a des difficultés à trouver le financement comme toujours (sourires), donc je ne sais pas très bien lequel passera en premier. Je vais jouer dans le premier film de Cédric Anger, avec Yvan Attal qui s'appelle Le Soldat et où je joue le rôle d'un tueur à gages (sourires). J'ai déjà tourné un moyen métrage avec lui. Excès de Martin Cognito va bientôt sortir, et je joue le rôle… d'un psychopathe (rires). Avec Martin, nous avons un autre projet. Il monte très vite ses films parce qu'il travaille vite et avec très peu d'argent. Gilles Bourdos a un film en production avec Fidélité Production aux États-Unis, un assez gros film avec Forest Whitaker. Le film est tourné à New York et en Arizona. Enfin, je ne suis pas là pour faire sa promotion (rires). Mais j'espère bien sûr refaire un film avec lui.

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