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Haïku de Eric Ledune

Publié le 01/11/1998 par Théo Salina / Catégorie: Critique

Le foulard de la fillette
Trop bas sur les yeux
Un charme fou
(Buson)

Haïku de Eric Ledune

Les plus courtes sont les meilleures ? Il aura pourtant fallu à Eric Ledune pas moins de quinze ans de maturation pour décider de la manière d'aborder, sans les dénaturer, les insaisissables Haïkus, petits poèmes japonais à l'écriture légère et spontanée.

Quinze ans pour passer du coup de foudre à la réalisation des douze premiers tableaux, évocations graphiques et sonores d'une quarantaine de secondes à peine... Professeur de dessin, peintre, photographe, ce singulier touche-à-tout étonne à plus d'un point de vue : datant pour certains du XVIIe siècle - âge d'or de cette tradition nipponne toujours très vivace -, les haïkus choisis se devaient de le toucher lui, petit Belge d'aujourd'hui, dans son vécu et ses souvenirs.

Exit, donc, les rizières, Fujiyama et autres japonaiseries. Et c'est dans cette même optique occidentale que, mêlant les techniques traditionnelles de l'animation à l'infographie, chacune de ses illustrations s'inspire de l'oeuvre des Klee, Miro et autres Kandinski, aux antipodes du style japonais : comme la peinture contemporaine, remarque-t-il, le haïku ne veut rien dire, ne cherche pas à (s') expliquer. De l'ordre de la pure et simple sensation, il n'est qu'un coup d'oeil naïf et frais, comme l'émerveillement d'un gosse, un moment pris au hasard dans la rue ou dans la nature. Pas de sens caché, ni de métaphore ou autre charge symbolique, qui seraient l'affaire, plutôt, d'un esprit occidental analytique : il ne s'agit pas, dit-il encore, d'une pensée riche réduite à une forme brève, mais de petits événements éphémères, d'une totale banalité. Les premières neiges au réveil, la pleine lune derrière la fenêtre, les larmes d'un enfant sur les genoux d'une mère attentive, ou encore les hautes herbes qui s'agitent et se courbent au passage d'un train.

Témoin d'une overdose de sens et de logique, Eric Ledune ravive quelques images mentales, souvenirs des plus communs, et offre au spectateur une bouffée d'oxygène, de calme et de silence. Et si certains ont du mal à comprendre, c'est peut-être qu'on leur parle là où ils n'écoutent plus.

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