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Hors les Murs de David Lambert

Publié le 15/01/2013 par Fred Arends / Catégorie: Critique

Un coup de foudre sinon rien

La vie bien rangée, dans un couple pantouflard, de Paulo, pianiste à la Cinémathèque, se brise lorsqu'il croise le regard d'Ilir, un musicien d'origine albanaise. Après une soirée alcoolisée qui a éteint les inhibitions et les interdits, Paulo s'éveille aux côtés de cet amant soudain et inattendu, ou sans doute trop attendu.

Hors les Murs de David Lambert

Pour son premier long métrage, après Vivre encore un peu (2009), court très remarqué, David Lambert filme une histoire d'amour entre deux garçons et parvient d'emblée à s'échapper de la thématique sociale « homosexualité » pour s'attacher, avec exigence, à enregistrer une passion fulgurante cadrée de près, sans fioritures. Inutile de dire combien ce projet a eu des difficultés à trouver des financements; une histoire d'amour entre deux hommes semble toujours, surtout en Belgique, un sujet peu enthousiasmant pour les producteurs.

Le scénario, habilement construit, présente deux personnages immanquablement attirés l'un par l'autre, au-delà de leur sexe, de leur genre et de leur milieu de vie et dont l'un va être dépassé par ce qui lui arrive et entraîné dans une recherche de lui-même et d'une nouvelle direction à donner à son existence. Car Ilir est un déclencheur, un détonateur qui allume des feux insoupçonnés dans le cœur de Paulo. Lambert recherche cette circulation ardente du désir, dans cette proximité de la caméra avec les corps, dans l'appartement d'Ilir, reflet inspiré de ces amours flamboyantes et un peu bordéliques. Il y a là, dans cette chambre, où l'histoire s'éveille et où elle bifurque, comme une évidence des corps et des gestes parfaitement captés par le réalisateur. Mais si cette passion semble évidente pour Ilir, elle agit sur Paulo comme une attraction à double tranchant. Il s'y love avec force, mais peine à l'assumer devant sa fiancée, une faille dans un récit pourtant trouble et intense.
Transparente et peu crédible, elle ne donne jamais le change dans une histoire qui ne semble pas s'intéresser à elle. Les doutes de Paulo ne sont jamais confrontés à cette relation qui est très vite un mauvais souvenir.
La seconde partie marque la rupture physique entre les deux amants. Arrêté pour une broutille, Ilir se retrouve en prison sans que Paulo ne soit au courant. Si David Lambert perd en intensité, en desserrant son cadre, il montre avec justesse l'état d'abandon, de sevrage sentimental qui vont déstabiliser Paulo et le pousser à se retrouver soi, d'une autre façon. Ce malentendu (l'enfermement d'Ilir) est le prétexte scénaristique qui interroge les limites de la passion amoureuse, plutôt fragiles.
En contrebalançant le tempo fiévreux de la première partie, David Lambert semble apaiser la fureur des affects trop brûlants pour durer. Pourtant, l'intensité du jeu de Guillaume Gouix, bouleversant Ilir, laisse la trace marquante d'un film d'amour étonnant et inhabituel.

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