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I Cannes get no de Xavier Diskeuve

Publié le 01/06/2008 par Katia Bayer / Catégorie: Tournage

En mai, les rues de Cannes font l’objet d’une animation permanente. La présence de caméras est loin d’insensibiliser les badauds malgré les années (61 ans de festival tout de même). Preuve en est : l’intérêt porté pour un petit groupe venant d’élire un trottoir de la Croisette comme plateau de tournage. Entouré de quelques techniciens et de ses comédiens habituels, Nicolas Buysse et François Maniquet, Xavier Diskeuve réalise son quatrième court métrage, I Cannes get no.

photo du tournages de
Après avoir visé Paris, les émissions de chant et Pascal Sevran dans La Chanson-Chanson, le fameux duo Nicolas Buysse-François Maniquet reprend le volant dans I Cannes get no. Comme son titre l’indique, le dernier court métrage de Xavier Diskeuve a quelques liens avec la municipalité alliant cinéma, palmiers et démesure. Walter Molitor (Nicolas Buysse), comédien très amateur, juge que son avenir ne réside pas dans le supermarché qui l’emploie mais dans le monde merveilleux, affolant et enchanté du cinéma.

Le festival de Cannes s’impose pour réaliser son rêve : se faire remarquer. Se faisant porter malade, il quitte la Belgique en embarquant son « talent », ses C.V. et Jacques (François Maniquet), son cousin taciturne.

Pour tourner ce road-movie (départ : Namur, arrivée : Cannes), la petite équipe constituée par Xavier Diskeuve est descendue dans le Sud pour un tournage nomade au cœur du 61ème festival. Malgré un scénario de 32 pages et un canevas tracé, de nombreuses scènes sont susceptibles de donner lieu à l’improvisation en fonction des lieux et des rencontres. Cannes reste Cannes, c’est-à-dire imprévisible.

Samedi 17 mai : deuxième jour de tournage. Près du plateau du Grand Journal de Canal +, Nicolas et François, assis sur le trottoir, relisent leur séquence avant que Xavier ne lance « Action ». À leurs pieds, une valise sur laquelle a été apposée la photo de Walter Molitor. Le descriptif est éloquent : « comédien belge. Cinéma, télévision, théâtre, publicité. Peut faire des cascades ». Le numéro de téléphone figure, lui aussi : Walter est joignable à tout moment du jour et de la nuit, mais il ne faut pas oublier le préfixe +32 pour l'atteindre. Répétitions. Moteur. Action. Les comédiens arrêtent de blaguer et retournent à leurs personnages : Walter le râleur, Jacques le mou. En mâchant son panini, le premier peste : ce n’est pas facile de percer à Cannes. Son compagnon ne réagit pas, comme à l’accoutumée. Une jeune femme s’approche d’eux, un caméraman à ses côtés : « Salut. Vous êtes comédiens ? Ça vous dirait qu’on fasse un petit reportage sur vous ? C’est pour les insolites de Canal +, pour Le Grand Journal. ». Ça y est : la célébrité a enfin repéré Walter ! Maniquet demeure impassible tandis que Buysse propose à la caméra un regard surpris puis fier. L’instant d’après, la panique s’est glissée dans ses pupilles : son patron risque de le voir à la télévision. Il se lève, entraîne Jacques, bredouille des excuses (rendez-vous, parcmètre à alimenter) et s’éloigne rapidement. Derrière le chef op' (François Paquay), Diskeuve suit le déroulement de la scène, en souriant. Clap. La prise est à refaire...

Des jeunes filles ont investi le champ en beuglant : « Nous aussi, on veut passer à la télé ! ». D’autres badauds, plus fins, se sont arrêtés pour être témoins de l’événement en cours. Un passant interroge l’équipe : « Excusez-moi. Qui est ce monsieur qui marche si vite ? Il est énervé en tout cas ! Ah bon, c’est pour un film ? ».
La deuxième prise se fait dans la foulée : un technicien sent qu’« ils vont balancer la sauce à Canal. » Effectivement, les Guignols sortent déjà leurs têtes de latex.

 

Le groupe quitte la Croisette pour rejoindre le port, lieu de tournage de la prochaine séquence. Ces quelques mètres offrent une petite discussion improvisée avec les comédiens. François Maniquet parle de l’identité par le costume (imperméable rouge, chemise à carreaux, casquette dans les courts de Diskeuve) : « Personnellement, j’aime bien imprimer le personnage dans un costume. Au cinéma comme au théâtre, ce qu’un comédien donne, ce sont des images. La caméra ne vient pas à l’intérieur de la psyché : on ne donne que des images. Le costume fait partie intégrante de l’image qu’on livre. Je pense que cela va dans les deux sens : nous choisissons le costume et il nous choisit aussi. »

Nicolas Buysse, lui, revient sur le projet I Cannes get no : « Xavier a un super projet de long métrage, mais il s’est rendu compte qu’il ne pourrait pas le tourner avant plusieurs années. Donc, il a pensé à un court qui prendle festival comme cadre. Cannes est une ville de faste et de gloriole, et finalement, on ne sait plus qui est qui. On trouvait drôle d’envisager le côté inverse : découvrir un comédien qui veut tenter sa chance, qui se donne corps et âme pour se faire repérer mais qui n’est rien au vu de Cannes. »

La conversation prend fin. L’équipe a atteint sa destination : la péniche d’ARTE. Non, les Belges n’ont pas préféré Metropolis au Grand Journal. La chaîne culturelle est mise à contribution pour un autre atout : ses smokings ! Le lien avec l’intrigue ? Walter et Jacques ont quitté Namur en ignorant  qu’il fallait des smokings pour accéder aux soirées festivalières. Comme par hasard, en passant devant l’enseigne franco-allemande, ils aperçoivent un homme emprunter la passerelle en portant deux tenues du soir. Ils fixent le bateau (le regard de Walter reflète l’envie, celui de Jacques le néant), se font face et regardent à nouveau l’embarcation, cette fois plus longuement. Le chef op' glisse à François : « Ne montre rien de plus. Cligne juste des yeux et soutiens son regard. ». Puis, une fois la prise terminée, il se retourne vers Xavier : « Ça te semblait bien ? ». Réponse : « Oui, surtout ce silence après le regard ».

Nouvelle séquence. Walter glisse à son cousin : « Tu prends les smokings. Tu montes et tu sors. C’est la chance de notre vie. » Pendant que celui-ci obtempère, Walter détourne l’attention de deux réels hôtes d’accueil d’ARTE qui se renseignent sur le cinéma avant que le voyant rouge ne s’allume : « On ne doit pas regarder la caméra, c’est ça ? ». Rec. Walter sort un C.V. et précise que sa spécialité, c’est le "moove". Quelques instants plus tard, Jacques ressort avec les costumes. La prise est bonne; Alexandre Debatty, l’assistant, prend les noms de ceux qui viennent de rejoindre le générique du court. Buysse se marre : « Ils disent n’importe quoi, Alexandre. Ce ne sont pas leurs vrais noms ! Ils avaient l’air consterné pendant la scène ! ». L’équipe reprend sa balade : encore quelques plans à tourner. La journée de tournage n’est pas finie. Ce soir, pause : soirée de la Communauté française. Les smokings piqués à ARTE serviront peut-être…

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