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INSAS - Promotion 2010

Publié le 09/07/2010 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

Les étudiants font leur cinéma

L’école est finie. Les étudiants ont rendu leurs copies, les notes sont tombées. À l’Insas, l’Institut National Supérieur des Arts du spectacle et des techniques de diffusion qui va bientôt fêter sa cinquantième année, les travaux d’étudiants ont défilé sur grand écran, devant les membres du jury. Cette année, l’association « Les amis de l’Insas » a eu la bonne idée d’organiser, après la session d’examen, une journée spéciale de projection permettant aux professionnels aguerris de rencontrer la nouvelle génération, et surtout leurs premiers essais cinématographiques.

Les 3ème, 4ème et 5ème années ont eu l’opportunité de rencontrer les professionnels du cinéma et de leur présenter leur travaux de fin d’année. Les films étaient là (une vingtaine), mais les étudiants, sauf exception, pour la plupart cruellement absents. Vacances ? Timidité ? Abandon ?
En première partie de ce programme plutôt dense, 9 films réalisés par les étudiants du baccalauréat 3, dont 3 documentaires. Le problème majeur dont souffrait les fictions de ces étudiants de troisième année tenait avant tout dans l’écriture du scénario, souvent décousu, elliptique, voire carrément incompréhensible. De plus, l’usage presque systématique de la voix off, dispositif oh combien périlleux, prouvait bien la difficulté des étudiants à faire passer informations ou sentiments par le simple outil visuel. Les trois documentaires présentés utilisaient ce même procédé, mais de façon plus appropriée. « Je filme donc je suis », semblaient vouloir dire les jeunes cinéastes. Un jeune homme fouillant dans le passé colonial de sa famille, un autre témoin de l’expulsion d’un squat et enfin, le plus touchant sans doute, l’autoportrait de Camille Olivier, atteinte d’un cancer, et filmant sa maladie sans complaisance, avec une distance non dénuée d’humour (Fragment d’une maladie).
Dans le cadre de « Regards croisés », mis en place l’année dernière, deux étudiants du master 1 ont tourné leurs yeux vers la Chine et le Maroc. Avec À l’intérieur, Raphaël Letoux Lungo est parti à la rencontre de trois danseuses à Marrakech, vivant leur art dans l’incompréhension de leurs familles et de leurs proches (un thème repris d’ailleurs dans la fiction de Bouchra Moutharik, étudiante de dernière année).
Léo Médard, qui, l’année dernière, avait signé le très prometteur Un Havre de paix, se lance ici sur les traces des doctrines philosophiques de Lao Tseu et du taoïsme, cherchant leur présence dans le Pékin d’aujourd’hui. L’écriture de ce documentaire, d’une grande intelligence, et la voix off, parfaitement maîtrisée, ont réussi à faire de Tao m’a dit un voyage intérieur autant qu’extérieur d’une jolie singularité.
Quelques travaux de dernière année enfin, ont prouvé que deux ans d’études supplémentaires faisaient la différence. Au programme, neuf fictions, et un long poème allégorique aux tonalités durassiennes de Fanny Roussel, Portrait d’une mousson. Echos, répétitions, langueurs.... On se laisse porter, ou on déteste…

Tableau de chasseCôté fiction, deux comédies sortaient un peu de l’univers général plus que morose. Camille Fontenier avec son Tableau de chasse nous entraînait dans un monde visuel entre kitch et absurde sur le thème de l’arroseur arrosé. Bien que la chute manquait un peu de saveur, décors, costumes, situations participaient à créer un univers d'une inventivité et d'une drôlerie tout à fait réjouissante.
Mohamed Bouhari, après son excellent documentaire Place Moscou sur un fou de Dieu totalement atypique, revient cette année avec une fiction, mais avec le même talent. Dans un noir et blanc évocateur, le cinéaste confronte un agent de sécurité noir (le magnifique et inquiétant Michel Luboye) posté devant un escalier, à une statue africaine grandeur nature, postée devant la galerie d’art juste en face. Jeu de regard, prise de pouvoir, la lutte sera terrible… Avec un humour empreint de douceur et de poésie, Abandon de poste aborde des thèmes aussi prégnants que l’identité, l’accaparation culturelle africaine par l’homme blanc ou encore l’inanité d’une fonction subalterne.

abandon

 Outre ces deux comédies, Sredni Vashtar d’Alana Osbourne nous conduisait dans les contes effrayants de notre enfance avec l’histoire du petit James. Pas de pêche géante ici, mais une vieille tante méchante (style Folcoche) et un très joli (et surprenant) moment d’animation signé Lia Bertels en guise de cerise sur le gâteau. L’enfance était abordée avec moins de bonheur, hélas, dans Post Mortem de Mathieu Harford.
dernier instantCôté drames, quelques propositions un peu trop proches du téléfilm ici et là… Ecueil visiblement difficile à contourner. Néanmoins, Le Dernier instant de Bouchra Moutharik affichait une rare qualité de mise en scène pour montrer le déchirement d’une jeune fille d’origine maghrébine entre son désir personnel (être comédienne) et le poids familial et culturel. Le soir de la première, face à son père présent dans la salle, Nora devra choisir de se montrer nue ou de se soumettre.

 On espère retrouver les quelques films mis en évidence ici dans les prochains mois, sur les écrans des festivals.