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Iran, sous le voile des apparences de Thierry Michel

Publié le 01/10/2002 par Philippe Simon / Catégorie: Critique

Lors d'une récente présentation à la presse de son dernier film : Iran sous le voile des apparences, Thierry Michel expliquait que ce qui l'avait amené à s'intéresser à la situation iranienne, était son désir, en bon documentariste, d'être là où cela se passe. Face aux questions que posent aujourd'hui l'intégrisme musulman, face à la psychose terroriste qu'il entraîne, la dictature religieuse iranienne lui est apparue exemplaire des tensions qui agitent les communautés musulmanes voire le reste du monde.

Iran, sous le voile des apparences de Thierry Michel

Et c'est dans cet état d'esprit qu'il est aller planter sa caméra dans différents coins de l'Iran, tentant de nous en rapporter une vision globale et objective, avec comme souci sous-jacents de capter derrière le pouvoir totalitaire religieux, les signes éventuel d'une aspiration à plus de libertés. Sans préjuger des qualités du film, on peut s'interroger sur une telle démarche qui prétend filmer un pays et nous en livrer l'authentique quintessence sans faire intervenir explicitement l'aventure subjective que cela suppose. Il y a dans ce type d'approche, plus informative que documentaire, un présupposé qui dérange, à savoir cette idée qu'il est une vérité qui précède celui qui filme et qu'elle est toute entière dans cette évidence objective des images, ignorant cette autre vérité, affective et personnelle, des rencontres et des complicités.


Iran sous le voile des apparences se présente comme un patchwork de lieux et de situations répondant à cette préoccupation de faire sens, d'être immédiatement lisibles à partir de cette grille politique qui confronte la dictature religieuse à son opposition. Tout le film se lit à partir de cette question du bouleversement, du changement de la société iranienne exprimé démocratiquement par une partie de sa population. Ce que filme Thierry Michel en nous montrant les milieux conservateur, réformateur, laïc, étudiant, dissident, lors de différentes manifestations sociales, religieuses ou culturelles, c'est cette question du devenir de l'Iran en regard du modèle occidental de la démocratie et de la liberté d'expression.

 

Film politique, Iran sous le voile des apparences se construit comme un puzzle dont la résolution nous est donnée dès la première séquence, celle de l'enterrement d'un dissident au régime. Filmé avec cette distance qui rappelle le point de vue généraliste des journaux télévisés, cette première séquence nous indique que nous allons voir la société iranienne dans ce qu'elle a de caché sans doute, que nous allons la voir comme le réalisateur l'a vue mais qu'il n'est pas question ici de regarder, de rompre avec cette distance qui fonde la prétendue vérité de l'objectivité. Il y a loin de voir à regarder et le cinéaste filme large, des groupes, des foules, des masses.

 

Ce qui l'occupe est cette perception de l'Histoire en train de se faire à tel point qu'il en oublie précisément ce que masque et évacue cette affirmation de l'Histoire : l'incarnation de ces histoires, de ces paroles individuelles, de ces instants de vie, gestes et regards qui sont ce qui autorise un regard, qui sont la chair d'une relation, de cette implication entre le cinéaste et ceux qu'il filme.

 

Bien sûr, au de-là d'une mise en cause de cette démarche, Iran sous le voile des apparences a les qualités d'un bon reportage journalistique et bien des moments du film éclairent nos préjugés d'occidentaux. Le réel travail d'investigation, de même que les risques pris par Thierry Michel y sont pour beaucoup et on ne peut qu'être touché par l'intelligence dont son enquête fait preuve. Mais il est dommage qu'une telle volonté et tant d'énergie restent au service de la mise en place d'une image de Iran qui ne rompt guère avec les apparences d'une certaine manière de voir le monde et de se l'approprier.

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