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Keeper de Guillaume Senez

Publié le 15/03/2016 par Fred Arends / Catégorie: Critique

L'Enfant
Après des courts-métrages remarqués dont La Quadrature du cercle, Guillaume Senez s'attaque pour son premier long à un sujet plutôt délicat : la parentalité adolescente. Grâce à une écriture subtile et une remarquable direction des interprètes, il construit un drame subtil malgré certaines faiblesses. Présenté en compétition au dernier festival de Namur, il y a notamment remporté le Prix de la presse.

Keeper de Guillaume Senez

Tendrement amoureux, Maxime et Mélanie, la quinzaine, forme un couple plutôt banal. Lorsqu'elle découvre qu'elle est enceinte, ils réagissent avec l'élan de leur âge, entre angoisses et bonheur. D'abord réticent, Maxime se sent de plus en plus investi par l'idée de devenir père et il finit par convaincre Mélanie de garder l'enfant. Le film retrace les sinuosités de ce désir qui masque peut-être d'autres interrogations, d'autres doutes. La métaphore du gardien de but - garder un enfant comme on garde les filets lors d'un match de foot - est significative de la tension à l'œuvre chez Maxime. Doué dans sa pratique sportive, il est mis sous pression par les efforts exigés pour passer au football professionnel. Cette future paternité, vue comme porte de sortie, marque aussi la fin de certaines ambitions. Cet enjeu dramatique essentiel est particulièrement bien traité grâce, notamment, à l'interprétation nuancée des deux comédiens principaux (Kacey Mottet Klein et Galatea Bellugi).
Histoires de familles
La grande qualité du réalisateur est d'avoir su faire exister les relations entre les différents personnages. Co-écrit avec David Lambert (Je suis à toi ), le scénario laisse une place juste et équilibrée entre les protagonistes du drame. Les parents divorcés de Maxime d'une part, et la mère célibataire de Mélanie d'autre part, permettent de multiplier les points de vue et de cerner les oppositions qui vont naître entre eux. S'affrontent aussi deux histoires familiales, deux manières de vivre la parentalité. La force de ces tensions permanentes revient à une mise en scène discrète et accompagnatrice et aux talents des trois comédiens « adultes », remarquables dans des rôles parfois ingrats.
À qui mon corps appartient-il ?
Bien que le personnage principal soit Maxime, le rôle de Mélanie pose, en filigrane, la question centrale de la possession de son propre corps. Dès la première scène, un dialogue nous apprend que Maxime a forcé Mélanie à faire une fellation à l'un de ses copains. D'entrée de jeu, il s'agit donc d'une relation inégale. En portant l'enfant, le corps de Mélanie devient le lieu où s'exerce le pouvoir (Maxime qui lui interdit de boire de l'alcool ) et d'où ressurgissent les fantômes (le passé de la mère de Mélanie). Chaque scène semble dire qu'elle a disparu, en tant que personne, derrière ce ventre qui ne lui appartient plus. D'où ce cri de révolte (« Mon corps m'appartient ! ») qui sera vite étouffé. L'ambiguïté finale quant au véritable choix de Mélanie est rehaussée par le dernier plan, sans doute trop ouvert, qui laisse une impression d'inachevé. Malgré cette indécision, Keeper parvient à saisir des sentiments contradictoires et à poser de nouvelles questions sur un sujet peu populaire.

 

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