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Keswa, le Fil perdu de Kalthoum Bornaz

Publié le 01/11/1998 par Dimitra Bouras / Catégorie: Critique

Présenté à la cinquième édition du Cinéma Méditerranéen qui s'est tenue en novembre 1998 au Botanique, Keswa, le fil perdu, le film de Kalthoum Bornaz était également présent au Festival du Film Francophone de Namur. Ce fut l'occasion pour nous de rencontrer la réalisatrice.

Keswa, le Fil perdu de Kalthoum Bornaz

Première scène : Nozha, l'héroïne du film, couchée sur un lit, se débat, pieds et mains liées, enveloppée dans une moustiquaire et tentant vainement de téléphoner.
On entend des voix et des rires de femmes à l'extérieur. Soudain, un homme apparait, s'empare de la jeune femme et l'emmène comme un vulgaire paquet.
Je me dit : "Voilà un film tunisien qui va nous entretenir des conditions inhumaines des femmes arabes ; séquestrations, mariages forcés, ...
Kalthoum Bornaz n'en a pas décidé ainsi.
Au contraire, son propos est de parler de la Tunisie d'aujourd'hui, enchevêtrée dans la tradition et poussée vers la modernité. Elle s'inspira d'un fait divers cocasse, qui lui était personnellement arrivé, pour illustrer avec finesse, sensibilité et humour, la complexité de la réalité.

Après des études de monteuse-scripte à l'IDHEC, Paris, et une solide expérience de technicienne du cinéma, elle réalise plusieurs courts métrages avant de se lancer dans son premier long.

"Keswa, le fil perdu est une fable au scénario drôle et cruel, où le poids des traditions se matérialise. L'intérêt pour moi de montrer notre tradition est de lui donner sa dimension concrète. Par exemple, le henné que les femmes mettent sur les mains et les plantes de pieds à l'occasion des fêtes de mariage, doit rester plusieurs heures sur la peau. Les mains et les pieds sont emmitouflés, empêchant la femme qui porte les moufles de marcher ou de se servir de ses mains, donc de manger, de prendre le cornet du téléphone, ... La keswa, le costume traditionnel, est fait de fil d'argent, il est si lourd, que la femme qui la porte peut à peine marcher."

Kalthoum Bornaz met à profit tous ces petits tracas pour teinter son film de situations cocasses où son héroïne se trouve partagée entre la colère et le fou rire.

"Cela pourrait paraître invraisemblable, mais j'ai moi-même vécu cette situation burlesque. Le jour du mariage de mon frère, je me retrouve, affublée d'une keswa, seule sur le pas de la porte, oubliée par ma famille qui allait chercher la mariée pour le cortège. Et pendant ces quelques minutes de désarroi où je me suis retrouvée emprisonnée dans mon costume, pouvant à peine marcher, je me suis posé toutes ces questions qui sont latentes dans mon film. Comment moi, jeune femme moderne, faisant des études supérieures, pouvais accepter de vivre cela. Ces contradictions sont-elles conciliables ? A mon avis oui, et c'est cela le propos de Keswa, le fil perdu."

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