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L'histoire de Pia : Mon frère, ma soeur, vendus pour quelques lires

Publié le 01/07/1998 par Dimitra Bouras / Catégorie: Critique

Pia, gamine de dix ans, après avoir perdu sa mère, vit ses jeunes frères et soeurs emportés aux Etats-Unis. Son père, sa grand-mère et elle-même, seuls survivants de la famille, reçurent encore quelques nouvelles d'eux. Mais bientôt plus rien. Pia ne pardonna jamais à son père d'avoir cédé ses enfants.

L'histoire de Pia : Mon frère, ma soeur, vendus pour quelques lires

Le village l'accusait de les avoir vendus. Mais il ne reçut en retour que la promesse que ses enfants vivraient mieux là où ils allaient.

Pia chercha à les retrouver. Ses démarches ne rencontrèrent que le mutisme des responsables ecclésiastiques qui se cachaient derrière le temps et l'oubli pour se dérober à ses requêtes.En 1991, Mike, Mario de son vrai nom, revint au pays après près de quarante ans d'exil. Il avait vécu la même situation que la famille de Pia. De le revoir, le désespoir de Pia éclata au grand jour.

C'est ainsi que le réalisateur belge, Basile Sallustio, neveu par alliance de Pia, appris son histoire et décida d'accompagner sa tante dans une ultime recherche.

 

Pour la première fois, Pia rencontra un intérêt sincère. Et l'appui inespéré de ce neveu lointain lui rendit espoir.
Basile Sallustio, qui s'est toujours intéressé à la vie des hommes et à leur histoire, ne pouvait rester insensible à celle de son village d'origine. Tout en ne connaissant pas l'issue de leur recherche, ils décidèrent de faire ensemble, sa tante et lui, le parcours qu'avaient suivi Domenico, Antonietta et Pasqualina, quarante-cinq ans plus tôt.

 

Pas un seul historien ne s'est encore penché sur cette partie de l'Histoire honteuse de l'Italie d'après-guerre. Mais il n'y a pas que l'Italie qui ait envoyé ses enfants à des familles américaines en mal d'adoption. La Grèce, l'Espagne, l'Angleterre et l'Irlande en avaient fait tout autant. Par recoupement, on peut parler d'une hémorragie de centaines de milliers d'enfants, orphelins de guerre ou non orphelins.

 

Partant d'un cas personnel, Basile Sallustio, sociologue de formation, à qui nous devons une douzaine de documentaires, dévoile les affres de l'adoption, toujours valables actuellement, en dénonçant l'enrichissement de certains dans ce trafic d'enfants. Les filières utilisées à l'époque sont multiples; catholique, bénéficiant en Italie, du soutien d'une infrastructure comme celle de la P.O.A. (l'Oeuvre pontificale d'assistance), protestante ou "libre".

 

C'est ce qui fait la force de ce film, témoignage émouvant d'une femme seule devant la toute-puissance du Vatican, dénonçant un acte faisant partie de l'Histoire d'un continent, mais qui est encore d'actualité avec la situation d'aujourd'hui. Les pays qui, après la guerre offraient les enfants à l'adoption, sont à leur tour demandeurs, adoptant des enfants venant de pays du Tiers monde.

 

Le rôle de l'Eglise et son enrichissement par ses transactions y sont démontrés, même si le propos du film n'est pas celui d'une dénonciation avec preuves irréfutables à l'appui. La preuve est toutefois tangible à travers les rencontres de Pia avec les différents ecclésiastiques. Ainsi, lors de sa visite au curé qui avait veillé au départ des enfants. Moment primordial quant à la compréhension du silence qu'avait toujours rencontré Pia dans ses recherches, et comme elle, tant d'autres ont dû connaître ce mutisme. D'après des observateurs italiens; sociologues anthropologues et sociologues qui ont vu le film, le pays serait prêt à reconnaître cette partie de son passé.

 

Le S.S.I.(Service social International) ainsi que le Service d'adoption de la Communauté française, se proposèrent d'utiliser le film comme outil de prévention, pour mettre en garde les familles candidates à l'adoption des travers existants. Pour que les familles adoptives d'aujourd'hui ne se voilent pas les yeux comme celles de cette époque-là, se refusant de connaître la véritable histoire de ces enfants achetés et prétendant que leur famille d'origine avait disparu.

C'est un film sincère et émouvant, exempt de voyeurisme, dans lequel une femme meurtrie dans sa chair par l'Histoire se livre tout simplement.

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