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La Belgiq' kitsch de Richard Olivier

Publié le 01/05/2002 / Catégorie: Critique

Tant qu'il y aura des Belges

Sur l'air joyeux de la Brabançonne, des photos avec des touches de noir, jaune, rouge défilent : un Blanc-Bleu Belge, des Gilles de Binche, une friterie, l'Atomium. Si le décor est planté, on s'aperçoit très vite que c'est l'envers du décor qui retiendra l'attention durant soixante minutes, par l'entremise de Belges plus inénarrables les uns que les autres.  Une femme descend d'un car et se dirige vers le cameraman en lui demandant : "On passe à quelle heure à la télé ?" Elle fait partie d'un groupe de touristes de Boussu qui va assister à un spectacle animalier, le Daktari show, dans lequel un ara, un hibou, une chauve-souris, une tortue, un serpent, des singes, des colombes font le bonheur de ces Hennuyers ébahis. On côtoie aussi un caporal-chef, fervent admirateur de la royauté à tel point que sa maison est transformée en musée royal, et sa fille, le patron de la plus grande usine belge de drapeaux ; deux voisines d'une cité wallonne conversant dans un langage incompréhensible ; l'arrière-arrière-petit-fils d'un maréchal des logis de Napoléon Ier arborant ses cent dix-sept décorations - à ce propos son ami lui lance : "Plus on tue, plus on a de médailles !".

La Belgiq' kitsch de Richard Olivier

Mais aussi des femmes du troisième et quatrième âge faisant partie des "Amis de la Fantaisie", qui terminent leur chorégraphie en exhibant leurs fesses; un couple propriétaire d'un magasin de statues d'extérieur expliquant les goûts respectifs des Wallons et des Flamands; des habitants de Bernissart peu préoccupés par le projet de rouvrir le charbonnage pour la recherche de nouveaux iguanodons, d'ailleurs "de toute manière, ce sont des os !" ; des campeurs d'Aywaille, ignorant la présence d'un missile américain dans leur camping, pour qui la Belgique est un beau petit pays, trop peu connu !

On se retrouve d'un coup de clap (voire de plusieurs) à la chaussée de Ninove pour s'arrêter sur une affiche dont le slogan est "Vlaanderen bestaat". Eh oui, il ne faut pas oublier que "la Flandre existe" !
D'ailleurs, l'essence même de ce qui pourrait mettre en péril l'existence de notre pays se situe au niveau linguistique (une des photos du générique le rappelle par l`écriteau : "Martens-Gol combien de suicides ?". Tout ce que l'on souhaite est de ne jamais en arriver à la situation imaginée par Alain Berliner dans le Mur.


Richard Olivier, déjà auteur d'À la recherche du cinéma perdu qui recueillait les coups de coeur et de gueule d'une soixantaine de personnalités blessées par la disparition des cinémas de quartier, aime promener sa caméra au sein de ses concitoyens qui se livrent à un véritable "strip-tease".


Il nous dit que même si comme partout la culture est la mal aimée, la mal aidée, la dernière pourvue en moyens financiers, nous avons chez nous un amour de la pensée, un amour de la parole, un amour de l'expression culturelle qui fait de nous un peuple riche, un peuple équilibré. A cet égard, la Belgique est le seul pays où les habitants se moquent d`eux-mêmes dans un indéfinissable pêle-mêle culturel, avec un sens consommé de l'autodérision. La Belgique, avec ses Wallons, ses Flamands, ses Bruxellois et les autres; ce mélange qui fait sa richesse, sa faiblesse et sa force, j'allais dire: son union. Depuis longtemps, je songe à cette Belgique qui, pour moi, n'existe que vue de l'extérieur, par la lumière que nous renvoient mieux nos artistes, dont Richard Olivier est un digne représentant.


En conclusion, le Belge a un bon avantage, car quel qu'il soit, il ne se prend jamais au sérieux, il a une forme d'humour et d'esprit moqueur. La Belgique est un pays surréaliste. La scène finale du film de Richard Olivier est révélatrice de cette constatation, par la réincarnation de la Reine Astrid qu'on quitte avec le sentiment d'être fier d'être Belge.

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