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La Paille et la poutre d'Eric Lacroix

Publié le 01/12/2003 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique

La Paille et la poutre d'Eric Lacroix

 

Philippe rentre chez lui plus tôt qu'à l'accoutumée et trouve sa femme au lit, endormie. Il l'embrasse, lui demande si tout va bien et file se plonger dans sa montagne de dossiers. Par la fenêtre, il est témoin d'une scène vaudevillesque. Dans l'appartement d'en face, un couple fait l'amour. Dans la pièce voisine un homme, visiblement le mari rentre. Panique chez le couple. L'amant se cache sous le lit et la femme a juste le temps de se recoucher et de faire semblant de dormir avant que l'homme n'apparaisse dans la chambre. Philippe sourit, amusé, quand soudain, une pensée le traverse : sa femme... au lit...endormie...
Et si... ?

 

Au-delà du vaudeville un peu voyeuriste ici mis en scène, le cinquième court métrage d'Eric Lacroix aborde la vie de couple et ses dérives. Il y a le quotidien, la routine, les soucis qui font qu'on finit par ne plus voir l'être aimé que comme un simple compagnon (au mieux) ou un meuble (au pire). L'impression que l'affection de l'autre vous est acquise, qu'il n'est plus nécessaire de se battre chaque jour pour entretenir la flamme, que le cadre de notre vie est fixé une fois pour toutes de manière immuable. Et puis il y a le grain de sable dans l'engrenage qui sape d'un coup ces belles fondations pour vous rappeler avec la force d'un coup de marteau que rien n'est jamais acquis. Que faire alors ? Tout envoyer valdinguer dans une grande crise de colère? Prendre sur soi, se taire et tenter de raviver l'amour pour retrouver la saveur d'être ensemble?

 

Eric Lacroix nous emballe toutes ces considérations dans un petit film pétillant, en évitant les pièges de la lourdeur et du ridicule. L'observation est fine, très bien traduite en scènes savoureuses sur un rythme sans défaillance. Le tout est souligné par une musique mutine de Frédéric Vercheval. Et, last but not least, le réalisateur réussit l'exercice du court, nous faisant le cadeau d'un vrai film, conçu comme une nouvelle, avec un récit complexe mais parfaitement circonscrit dans ses treize minutes de bobine. Cela peut paraître le moins que l'on puisse attendre d'un court métrage ? Ce n'est, en réalité, pas si fréquent que cela.

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