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La Pureté d'Yvan Lemoine

Publié le 01/03/1999 par Théo Salina / Catégorie: Critique

" Surtout, je me demande pourquoi vous avez cette gueule de trou du cul ! ? " Ce n'est pas la répartie qui manque aux héros d'Yvan Lemoine, dont  le Nain Rouge passait au Vendôme il n'y a pas si longtemps.

La Pureté d'Yvan Lemoine

Pourtant, au lieu de suivre, amusé, cette ivre et ondulante robe pailletée, le jeune mousse dégourdi de La Pureté  aurait peut-être mieux fait de roupiller sur les pavés des ruelles glauques. La caméra est flottante : n'est-ce qu'un mauvais rêve ?

Toujours est-il que, venu se perdre dans une orgie bourgeoise digne de la satyrique Dolce Vita fellinienne, il devient vite l'attraction principale et le filet mignon du cynique et mystérieux maître des lieux, un de ces vieux pervers baveux comme Michel Peyrelon les campe si bien.

La Veuve Cliquot coule à flot sur le cristal Arcopal : ça fait un peu publicité Campari détournée. Mais tandis que les invités fantômes, gloussant et titubant, promènent leur main libre dans tous les décolletés qui passent, un véritable duel s'engage :

" T'as l'air revenu de tout ! On devine que si quelque chose te touchait, tu serais du genre fleur bleue ! "

" Ce qu'il y a de bien à parler de la vie, de l'amour, des timbres postes, c'est qu'on peut dire n'importe quoi ! "

 

Face à face, le regard imperturbable et gluant d'un nihiliste taiseux, et les bons mots d'un jeune fou, malin et lucide, mais qu'un certain idéalisme habite encore. Sur un air d'opéra se noue une étrange et complexe relation : le mépris et la haine se mélangent à cette sorte de respect mutuel souterrain des marins échoués. Le jour va se lever, des corps continuent à s'enrouler, fatigués. Le cynisme fut contagieux, ainsi que la désillusion. Petit poisson deviendra grand, et sans doute riche...

Frontière trouble du rêve en noir et blanc. Regard dégoûté et vain refus d'un monde dit adulte où l'on s'entube avec petitesse dans tous les sens. Bourgeoisie décadente vautrée dans la luxure faute de croire encore en un dieu, dieu barbu, dieu dollar, même dieu cul !

Réalisé en 1992 dans le cadre des " Sept pêchés capitaux ", La Pureté livrait les grandes lignes de la pensée moderne d' Yvan Lemoine. 

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