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La Sicilia de Luc Pien

Publié le 01/11/1996 par Jean-Michel Vlaeminckx et Thierry Horguelin / Catégorie: Tournage

En Belgique, en France, en Suisse et en Italie, Luc Pien a tourné son premier film La Sicilia, une comédie picaresque racontant le retour au pays natal d'un mineur à la retraite. Le jour de notre rencontre, il est à terminer la postsynchronisation.

La Sicilia de Luc Pien

Sur l'écran du studio, Luigi (Grégoire Baldari, une incontestable présence) retrouve la mamma sur le parvis de l'église où l'on marie sa filleule. En ombre chinoise, Carmela Locantore double la mère pour quelques répliques, un travail de haute précision : gommant ici, accentuant là, elle fournit à la demande des nuances infinitésimales.

Après dix-huit ans de travail dans les mines du Limbourg, Luigi Bertone retourne pour la première fois en Sicile. Fraîchement pensionné, il a brisé sa tirelire pour s'offrir une automobile dernier cri... qui tombe en panne au premier arrêt. La jeune auto-stoppeuse de dix-sept ans (Inge de Waele) qui s'offre pour la réparer en profite pour s'emparer du véhicule et impliquer son malheureux propriétaire dans un braquage.
C'est le début d'une équipée drolatique qui conduira les deux protagonistes (auxquels s'ajoutera bientôt un clandestin africain) de Belgique en Italie en passant par la France et la Suisse.

Nous cherchions un sujet de film avec Dirk Chauvaux. Comme il connaît bien la communauté italienne, je lui ai raconté le scénario d'un court métrage que j'avais écrit il y a longtemps : l'histoire d'une famille italienne qui retourne en vacances en Italie. Au premier parking, la voiture tombe en panne et la famille se retrouve coincée. Et Dirk m'a dit : " C'est simple, on continue le voyage. " Nous avions dès le départ l'intention d'écrire une comédie, c'était une sorte de défi : faire de la comédie n'est pas facile, essayer de dire des choses intéressantes en faisant rire non plus. "
Pour des raisons techniques, le tournage ne suivra pas l'ordre chronologique de l'histoire, obligeant l'équipe à faire des milliers de kilomètres entre la Belgique et l'Italie (" Une caravane incroyable ", dit Luc Pien en riant, " le Flamand n'est pas quelqu'un qui voyage légèrement "). Une équipe poursuivie par la malchance météorologique, source de déboires que le cinéaste évoque avec humour. " Nous avions imaginé le film comme une échappée vers la lumière : on part du Nord qui est sombre, on traverse les sommets enneigés où le ciel bleu se montre, et puis on descend vers le pays du soleil. Eh bien, ç'a été tout le contraire pendant le tournage ! Dans la montagne suisse, il n'y avait pas assez de neige mais un brouillard fou, et le ciel est resté obstinément couvert en Italie, nous obligeant à de continuels bouleversements de planning.

Mais il y a un beau diction français qui dit : " Le hasard ne favorise que les esprits préparés ". Préparés, nous l'étions, et nous avons réussi notre coup puisque le labo français qui développait les rushes n'a jamais deviné qu'on tournait presque sans soleil. Je dois au tournage la découverte de l'Italie, pays où il y a beaucoup plus de couleurs qu'on ne croit, mais pour s'en apercevoir il ne faut pas y aller en été parce qu'alors il n'y a qu'une couleur : la chaleur."

L'histoire de l'Europe, c'est l'histoire de l'immigration, on l'oublie trop souvent. Ceux du Sud vont au Nord et inversement. A la Renaissance, il y avait beaucoup de mouvement, les peintres flamands faisaient le voyage d'Italie ; la Belgique est au croisement des cultures nordique, germanique et latine, tout se mélange chez nous. La Sicilia, c'est cela : l'histoire d'un type qui retourne chez lui et qui en chemin rencontre une jeune fille qui sort de la ville et qui ne connaît rien au monde. Lui non plus, d'ailleurs, mais lui croit connaître parce qu'il a passé vingt ans dans les mines. Ils font la route ensemble et découvrent qu'ils n'ont que des points communs. Notre histoire n'est pas seulement celle des différences, mais aussi celle de tout ce qui nous rapproche. "

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