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Late Bloomers (Trois fois 20 ans) de Julie Gavras

Publié le 19/07/2011 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

Signes extérieurs de vieillesse

Après un documentaire (Le Corsaire…) et une fiction (La Faute à Fidel) centrés essentiellement sur l’enfance, Julie Gavras, fait le grand écart avec une comédie romantique sur la vieillesse. Présenté au Brussels Film Festival à Flagey en présence de la réalisatrice, Late bloomers a attendri et fait sourire une salle archicomble.

 

late bloomers de Julie GavrasOn ne les compte plus ces acteurs, et surtout ces actrices qui se figent dans le temps, effaçant rides et du coup, expressions et émotions. Dans le milieu du cinéma, accepter de vieillir, c’est aujourd'hui faire acte de rébellion. Dans une époque où règne la tyrannie du jeunisme, où il faut paraître lisse à tout prix (35.000 euros le lifting) il est bon et doux de constater qu’après 60 ans, la vie, l’amour, les remises en question sont bel et bien là, toujours vivaces. À l’aube de la soixantaine, Isabella Rossellini affiche, dans Late bloomers, son âge avec une élégance et une liberté impressionnantes. Et la voir en maillot de bain à un cours d’aquagym au milieu de jeunes nymphes bondissantes, l'observer jouer les femmes fatales pour vérifier si elle peut encore attirer l’attention des hommes, force le respect et la sympathie. Belle, touchante, Isabella assume, ose tout devant la caméra de Julie Gavras qui ne l’épargne ni de gros plans, ni d’éclairages directs en lumière naturelle… Mais Isabella n’avait-elle pas endossé les costumes d’une abeille ou d’un escargot pour nous compter la vie sexuelle des animaux pour la série Green Porno en 2008 ? On l’aura compris, La Rossellini appartient à une espèce en voie d'extinction : celle qui ne se prend pas au sérieux, qui joue et se joue de tout. C’est donc sans hésitation qu’elle a accepté d’incarner Mary, une enseignante nouvellement retraitée qui va devoir composer avec ce moment charnière de la vie. Près d’elle, son mari et père de ses trois grands enfants, William Hurt, architecte de renom, n’est pas prêt à accepter le miroir de vieux schnock que Mary ne cesse de lui tendre. Il est encore jeune, actif, plein d’ambition, et ce n’est pas un téléphone à grosses touches ou une barre d’appui pour s’extirper de la baignoire qui auront raison de lui ! Du coup, c’est le clash. À 60 ans aussi les histoires d’amour peuvent mal finir…

Late Bloomers de Julie GavrasLe film de Julie Gavras repose non seulement sur l’alchimie des deux immenses comédiens principaux, mais aussi sur les seconds rôles qui, tous, en quelques courts moments, campent un univers à la fois drôle et éminemment crédible. Les trois enfants inquiets de la situation, les amis vieillissants dans la solitude, mais surtout Nora, la mère de Mary (merveilleuse Doreen Mantle), petite vieille excentrique qui compte bien profiter jusqu’au bout du bout du dernier moment.

Influencée probablement par le cinéma italien, Julie Gavras n’hésite pas à utiliser les ressorts de la franche comédie avec une grande liberté de ton et une douce insouciance. Il y a de la sincérité dans son film, une envie véritable de faire rire sans se moquer, une douceur bienveillante qui entoure, à chacun de leurs pas, tous les acteurs.

Ce scénario, Julie Gavras le doit un peu à son père Costa, et à la sortie de son long métrage Amen, en 2002. Sélectionné dans les festivals du monde entier pour ce film, Costa, alors âgé de 69 ans, « subissait » les hommages et les rétrospectives de son œuvre, alors que le cinéaste avait encore des projets et des envies. Certes, arrive un moment où le nombre d'années du passé est sans doute plus grand que celui à venir. Mais quel que soit le nombre qu'il reste à vivre, Late bloomers prouve, avec charme, qu'il n'y a pas d'âge pour souffrir d'amour et que si l'âge permet au moins une chose, c'est bien de devenir ce que l'on est. Lorsqu'on l'interroge, Julie répond d'ailleurs sans hésitation : « Pour rien au monde, je ne voudrais retrouver mes 20 ans ! »

Late Bloomers (Trois fois 20 ans) de Julie Gavras - 88' - 2011

Avec : William Hurt, Isabella Rossellini, Doreen Mantle, Kate Ashfield, Aidan McArdle, Arta Dobroshi, Luke Treadaway, Leslie Phillips, Hugo Speer, Joanna Lumley

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