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Le DVD : prises de risques et stratégies. Le cas d'Arte.

Publié le 01/05/2008 par Katia Bayer / Catégorie: Dossier

Le DVD bouge. Devenu depuis cinq ans l'ultime relais de la distribution des films (avant le passage en cinémathèque), le DVD va changer. Problème économique d’abord, d'où la sortie au Japon de la HD-DVD/Toshiba et du Blu-ray/Sony (les deux systèmes bénéficiant d’une meilleure définition, trois fois supérieure en nombre de pixels). Les studios américains ayant choisi Blu-ray, les HD-DVD se sont écroulés (ils étaient moins chers). Vu les prix des Blu-ray, ils semblent destinés aux fans de la Home vidéo, c’est-à-dire aux plus riches (qui sont, en cette période, de moins en moins nombreux). On ne prévoit pas un démarrage grand public du système Blu-ray avant 2012. Que se passera-t-il entre-temps avec des milliers de DVD copiés sans vergogne (aïe les auteurs) et piratés via internet (oh les vilains) ? Diminution des ventes, coût plus bas (tant mieux) et changement de stratégie. Celle des Américains est claire, intéressante et maligne : créer de petits coffrets « Collector » (de 3 à 5 DVD) permettant de voir le film tel qu’il a été distribué mais aussi la version « final cut » du réalisateur (inconnue aux Etats-Unis) avec les commentaires plan après plan du réalisateur, du comédien ou du producteur (monsieur money et « final cut » aux USA).

En France, Arte a une optique plus intelligente encore : passer du DVD à l’édition livres. Arte Video fait place à Arte Edition. Un livre et un DVD bientôt ? Katia Bayer est partie à Paris, chez Arte, pour cinergie.be, afin d’interroger  Adrienne Fréjacques, responsable de l’édition DVD et de la distribution internationale de la chaîne culturelle franco-allemande qui nous explique avec passion l’avenir de l'édition DVD. C'est un dossier que nous avions entamé avec Hélène Cases de Why Not Productions (webzine 118) et que nous vous proposons de poursuivre dans les prochains numéros en vous parlant du développement de la VOD et des salles (en voie de disparition pour certains majors américains), des choix du catalogue Cinéart-Twin-Pics, de la politique de distribution de films asiatiques à bas prix de Wild Side, etc.

adrienne fréjacquesCinergie : À quel moment et dans quelles circonstances la collection Arte Vidéo a-t-elle été créée ? 
Adrienne Fréjacques : Historiquement, Art Vidéo a quinze ans. À un moment où le DVD n’avait pas encore pris forme, Olivier-René Veillon, le Responsable du Développement de l’époque, a eu envie de prolonger la politique éditoriale de l’antenne d’Arte Documentaire et Cinéma dans des collections d’édition VHS. Dans un premier temps, la chaîne a passé un accord-cadre avec la société de production Argos Films du vivant de son fondateur, Anatole Dauman. Argos possède un catalogue d’exception magnifique [entre autres, Dauman a produit les films de Resnais, Varda, Marker, Rouch, Godard, Bresson, Schlöndorff, Franju, Oshima, Wenders, Tarkovski et Robbe-Grillet] qui méritait d’être retravaillé en termes de copies et de renouvellements de droits d’auteurs, chose qui ne s’est pas faite en 1993, au moment de la VHS, mais qui a été possible dès 1998, lors de l’apparition du premier DVD. Nous avons donc dupliqué le catalogue Argos parce qu’il représentait le centre d’une cinéphilie qui nous paraissait absolument fondatrice et parallèlement, nous avons édité les grands classiques du documentaire comme les films de Depardon ou plus récemment, ceux de Van der Keuken. Il y a des pans d’histoire qu’on ne regardera pas de la même manière aujourd’hui que dans 15 ans et d’autres qu’on ne regardait pas de la même manière il y a 10 ans. C’est  une évidence : l’histoire du vingtième siècle est le premier siècle à avoir fourni des images et il reste de nombreux pans méconnus. J’ai commencé à réunir tous les documents et les films qui ont été faits sur l’Affaire Dreyfus, y compris un film de Méliès avec des images de Dreyfus lui-même. C’est intéressant : beaucoup d’encre a coulé sur l’Affaire Dreyfus, mais très peu de choses ont été faites à partir de la représentation de l’Affaire qui correspond à notre imaginaire. 

C. : Souhaitez-vous éditer tous les titres du catalogue Argos ?
A.F. : Oui. Nous avons commencé avec les films de Wenders, Godard et Resnais, et nous avons maintenu le cap en éditant des films plus pointus comme ceux de Jean-Daniel Pollet. Cette fidélité se poursuit : nous sommes en train de travailler sur des œuvres de cinéastes africains qui ont été développées chez Argos. Beaucoup n’ont pas encore été abordées, notamment les courts métrages de Mario Ruspoli [co-réalisateur avec Chris Marker de Vive la baleine (1973)]. Nous allons continuer à travailler sur ces petites perles !

C. : Le DVD a 10 ans. Qu’a-t-il provoqué, selon toi ?
A.F. : C’est intéressant d’observer ce qui s’est passé en 20 ans. La VHS a vécu et a quand même trouvé ses aficionados. Certains cinéphiles considéraient que c’était un avantage de regarder un film tout en ayant la possibilité d’avancer, de revenir en arrière, de faire un arrêt sur image. Puis le DVD est arrivé. Tout à coup, deux questions se sont posées : celle du renouvellement du parc des masters et du geste éditorial lié à la conservation des supports à travers la rénovation du son et de l’image. L’air de rien, ce passage par le DVD a été porté par l’enthousiasme des cinéphiles et par une volonté des éditeurs qui se sont mis à se concurrencer pour produire des objets vraiment valables. De 2001 à 2003, le marché s’est envolé : le DVD a généré une économie qui a permis d’aller regarder des pans de la cinéphilie qui n’auraient pas pu être exploités sans lui. De plus, le DVD a déclenché une attention des subsides publics, en tout cas du côté français. Cela a créé des outils pour le maintien du patrimoine cinéphilique.
Depuis 10 ans, le DVD est devenu un objet parfaitement cinéphile. On se retrouve dans un marché de niche extrêmement pointu à partir du moment où de nombreux films, considérés comme des « must », sont sur le marché, et que ceux qui en avaient envie ont pu se constituer une dvdthèque. De plus, il est aujourd’hui possible de rééditer des titres déjà sortis parce que leurs droits ont été cédés de manière non exclusive, en les associant à d’autres contenus ou en les rééditant avec de meilleures copies. C’est le cas pour les courts métrages de Keaton et de Chaplin qui sont édités un peu partout parce qu’ils sont tombés dans le domaine public. À ce moment-là, l’exclusivité n’est pas liée au titre mais à la qualité du support, de l’édition.
Je pense qu’on va sortir de l’histoire du cinéma stricto sensu pour entrer dans la mémoire audiovisuelle qui est liée aux 50 ans de l’histoire de la télévision. Partout dans le monde, la télévision a été un média qui a eu ses moments d’extrêmes libertés et de grandes qualités. Elle a attiré bon nombre d’intellectuels et on en a des traces, des archives. Ce sont des documents qui n’ont pas forcément vocation d’exister dans les salles obscures, mais qui méritent une édition, comme un livre. Je pense à des portraits d’artistes, de grands écrivains, de peintres, de philosophes, d’ethnologues, etc. dont la mémoire mérite d’être rendue au public d’une façon parfois plus construite que ce que la télé pourrait faire. 

C. : As-tu déjà défini ces pistes d’édition ?
A.F. : Il y a une pléthore de pistes. Des pans entiers d’édition et d’histoire nous intéressent à ARTE. J’ai mes terrains de prédilection. J’aimerais éditer des documents sur les années 70, le terrorisme européen (très peu de choses existent) et commencer à réfléchir sur des adaptations de la grande littérature russe par les médias russes. Gogol, Dostoïevski ont fait l’objet d’adaptations par les télévisions russes des années 60-70-80. Elles sont d’excellente qualité et pourraient être éditées. Je désire aussi poursuivre le travail sur l’histoire du continent africain parce que les outils DVD sont rares. Enfin, Arte Vidéo, dans son ADN documentaire et sa proximité avec le documentaire, va continuer à travailler sur le terrain des grandes signatures du réel comme Joris Ivens, Van der Keuken et Depardon et, en même temps, développer des outils de culture générale qui iront fureter du côté de portraits de Lacan, Freud ou Levi-Strauss. La marge est très importante parce qu’il y a une infinité de sources. 

C. : Souscris-tu à l’idée selon laquelle le DVD offre une seconde vie aux films ?
A.F. : À ARTE, nous considérons que le DVD n’est pas un écran de rattrapage immédiat mais un objet d’édition dans le long terme. C’est un geste éditorial, une volonté de soutenir un cinéma, d’apporter un petit pécule aux films même s’il est très mineur par rapport aux budgets. Dans une certaine mesure, ce sont vraiment des allégeances à des écritures de fictions auxquelles on croit et qui nous semblent importantes. En tout cas, c’est comme ça que moi, en tant que responsable des éditions, je veux l’évoquer et le défendre. Par contre, financièrement, c’est très fragile. Peut-être que dans cinq ans, Internet permettra de faire revivre ces films, quand le DVD et la VOD s’y seront bien implantés. S’il n’y avait pas eu le DVD, mais directement la VOD, il y aurait eu une dimension plus commerciale. En même temps, tout le travail fait pour le DVD pourra servir la VOD. Je crois énormément à la convergence des besoins. Pour moi, il faut que dans trois ou quatre ans, on puisse trouver les films de différentes manières : en édition cartonnée avec bonus, en œuvre unique (film seul), sur Internet, en téléchargement, à la location, …. 

C. : Aujourd’hui, ces gestes d’édition que tu défends représentent combien de titres dans le catalogue d’ARTE ?
A.F. : Il y a 450 titres actuellement. Ils tournent tous beaucoup, avec un fond de 100 titres plus dynamique. Et on développe une soixantaine de titres par an. 

C. : Vos choix éditoriaux reflètent un certain éclectisme (Amos Gitaï, les frères Dardenne, Pascale Ferran, Wim Wenders, …). Est-il lié à la vocation européenne de la chaîne ?
A.F. : En fait, je ne réfléchis pas à la politique éditoriale en termes de nationalité. À ARTE, dès le départ, nous avons considéré que la cinéphilie était une cinéphilie mondiale et que cela avait autant de sens de travailler sur Ozu ou Angelopoulos que sur Kaurismäki. C’est assez intéressant d’ailleurs parce que Kaurismäki se revendique des films d’Ozu. Par contre, à mon sens, il y a une cinéphilie européenne qui n’est pas encore suffisamment représentée. Je souhaiterais éditer plus de films d’Angelopoulos ou de Manoel de Oliveira. Il y a encore beaucoup de cinéastes européens qui, dans une certaine mesure, sont moins présents sur le marché que les cinéastes japonais. Le cinéma asiatique, lui, est ultra-représenté parce que c’est un genre très structuré qui possède ses aficionados. Aujourd’hui, à mon avis il est plus facile de vendre un film d’Ozu qu’un film d’Oliveira. Adrienne Fréjacques - Le DVD: prises de risques et stratégies

C. : On pourrait parler de l’intérêt pour l’œuvre de Rivette. Vous avez édité plusieurs de ses films en DVD…
A.F. : Là, il s’agissait d’une politique particulière. Rivette a eu divers producteurs, et depuis de nombreuses années, il entretient une relation exceptionnelle avec Martine Marignac de Pierre Grise Productions qui est à la fois productrice et distributrice de ses films. Nous avons choisi d’éditer la période de Marignac-Rivette à savoir un premier coffret de six films dont le principal, La belle Noiseuse, a été réédité en collection prestige pour les 15 ans d’Arte. Nous avons ensuite sorti Va savoir, Histoire de Marie et Julien, Ne touchez pas à la hache et du coup, notre catalogue recense beaucoup de films de Rivette. On continuera à le suivre, surtout que je suis une grande fan de Ne touchez pas à la hache qui est, pour moi, un film passionnant et extrêmement réussi. Lorsqu’il s’attaque à Balzac, il est merveilleux, Rivette. 

C. : En guise de complément aux DVD, les bonus se sont fort diversifiés ces dernières années : filmographies, scènes coupées, making of, entretiens, bandes-annonces, … Sens-tu qu’il faut vraiment éditorialiser un DVD à travers les bonus ou est-ce que le film pourrait se suffire à lui-même ?
A.F. : Ça dépend. Lorsqu’on édite une œuvre, il me paraît essentiel de chercher si quelque chose n’a pas déjà été produit, par exemple par la télévision. Il me paraît important de pouvoir insérer une œuvre qui permette d’en éclairer une autre. Pour moi, c’est la chose la plus intéressante. Sinon, en matière de bonus, je suis très sensible aux livrets. C’est un dispositif que je souhaiterais développer, en particulier dans une collection de films d’histoire. On va pouvoir commencer à rééditer des films sur 10, 15 ou 20 ans. 

C. : Quand on édite des DVD, on est attentif à la restauration du son et de l’image. Arrive-t-il que vous deviez choisir entre authenticité et modernité ?
A.F. : C’est fréquent. Pour en revenir aux DVD sur Rivette, les chefs op’ d’origine, encore de ce monde, nous ont validé nos rénovations. Par moments, il faut prendre des décisions. Un des Rivette était assez vert et on a décidé qu’on assumait ça car c’était exactement comme ça que dans le fond, le chef op’ et Rivette l’avaient souhaité. Pour les films de Robert Bresson que nous avons édités (Mouchette et Au hasard, Balthazar), sa femme, Mylène Bresson, a vérifié les contenus et les copies avec des chefs op’ de référence dont elle souhaitait avoir le point de vue pour l’édition DVD. Maintenant, les chefs op’ sont suffisamment rodés pour savoir exactement quels défauts ou spécificités de l’image la compression risque d’entraîner. En matière sonore, on a eu des surprises avec la rénovation de Muriel, un film de Resnais. Trop occupé pour venir voir la rénovation, il l’a découverte a posteriori et elle ne lui convenait pas. On est donc revenu à l’original. La décision à prendre en termes de rénovation revêt un caractère évidemment éditorial parce que c’est à partir de ce choix que l’œuvre va être exposée dans les 100 ans qui viennent à travers tous les supports numériques. Le DVD a vraiment figé le standard technique, le rendu technique. 

C. : Comment concevoir le Blu-ray dès lors ?
A.F : On mène une réflexion sur la manière dont on va aborder la haute définition et sur ce qu’on va faire du Blu-ray avec un certain nombre de titres du catalogue Argos : dans quelle configuration, à quel moment ? Il ne faut pas prendre les acquéreurs de DVD pour des imbéciles et leur refourguer du Blu-ray comme si un film de Resnais magnifiquement rénové en DVD classique, Hiroshima mon amour par exemple, n’était plus regardable. Il va falloir penser le support dans sa spécificité c’est-à-dire que le Blu-ray peut être intéressant sur un certain nombre de films. Dans le catalogue Argos, le Blu-ray qui m’intéresserait le plus, serait Le Tambour parce que je perçois qu’il pourrait y avoir une vraie plus-value dans la gestion des cadrages du film. En revanche, le côté systématique qui inciterait les gens à ne rien vouloir voir d’autre que de la haute définition me pose problème. Je préférerais alors qu’on réfléchisse au Blu-ray pour des œuvres nouvelles, récentes qui intégreraient, dans leur ADN de création, la question des champs visuels. 

C. : À l’avenir, conserverez-vous l’étiquette « Arte Vidéo » ?
A.F. : L’idée est plutôt de passer de Arte Vidéo à Arte Editions, c’est-à-dire d’abandonner l’idée de la vidéo qui, pour moi, va vieillir. Arte Editions renverra au papier comme au DVD. Aller rechercher les premiers films de l’Affaire Dreyfus et demander à un historien de les commenter, c’est, pour moi, un geste d’édition. Ce n’est pas lié à la vidéo, mais à l’édition. 

C. : À l’occasion des quinze ans d’Arte Vidéo, vous avez développé une collection Prestige et édité cinq films : Lady Chatterley et l’homme des bois (Pascale Ferran), La Belle Noiseuse (Jacques Rivette), Magie Méliès (Jacques Mény), Paris, Texas (Wim Wenders) et Gadjo Dilo (Tony Gatlif). Quelle a été votre ligne éditoriale pour chacun de ces films ?
A.F. : La Belle Noiseuse n’avait existé qu’à l’intérieur du premier coffret Rivette. À l’époque, nous n’avions pas réussi à acquérir les droits du « Cinéastes de notre temps » consacré à Rivette et réalisé par Claire Denis, avec la collaboration de Serge Daney [Jacques Rivette, le veilleur]. Par la suite, nous avons pu l’acheter : nous considérions que c’était une plus-value énorme, surtout que ce documentaire est concomitant à la production de La Belle Noiseuse, au début des années 90. Il retrace toute la trajectoire de Rivette jusqu’à ce film. De plus, Rivette a toujours été d’une immense discrétion vis-à-vis de son travail, c’est la raison pour laquelle l’entretien de Claire Denis et Serge Daney est précieux.
En ce qui concerne Gadjo Dilo, il y a 10 ans, Tony Gatlif a tourné une partie supplémentaire (la découverte de Romain Duris du milieu gitan) mais l’a supprimée de son propre chef. Nous avions envie de le rééditer et Tony Gatlif souhaitait restituer ce chapitre à son film pour le DVD. Pour Magie Méliès de Jaques Mény, nous avons pu avoir, comme complément, un film de Georges Franju : Le grand Méliès. Il y a tellement peu de films de Franju que ça en valait vraiment la peine. C’était un inédit, très peu de gens le connaissaient. Pour Paris, Texas, nous nous sommes montrés plus classiques pour être sincère. Outre un entretien de Wim Wenders, un livret et des photos de repérages, nous avons inclus le CD de la bande originale de Ry Cooder qui fait déjà partie de l’univers musical du grand public. Enfin, pour Lady Chatterley et l’homme des bois, c’était encore un autre exercice, puisque nous avons édité la version télévision qui est plus longue que la version cinéma. Le film est accompagné d’un making of (Notre amie Constance) et du scénario du film coédité avec Gallimard. Nous avions envie de rendre hommage au travail de l’antenne et de constater la qualité littéraire du scénario de Pascale Ferran, avec les Editions Gallimard. Cela les intéressait dans la mesure où ils étaient déjà éditeurs du livre de D.H. Lawrence. 

C. : Récemment, vous avez mené un travail éditorial intéressant autour de Johan Van der Keuken en sortant cinq coffrets de trois DVD. C’est une prise de risque étant donné que ce n’est pas un documentariste très connu du grand public. Que s’est-il passé ?
A.F. : C’est la prise de risque la plus radicale que nous n’ayons jamais prise. Personnellement, je suis fan du cinéma de Van der Keuken depuis la première fois où j’ai vu Face Value au FID de Marseille, il y a 15 ans. Il se trouve que je suis proche de Pierre-Olivier Bardet d’Ideale Audience [société française de production de documentaires] qui a distribué et défendu d’arrache-pied les films de Van der Keuken dans le monde entier. Nous nous sommes demandés si nous ne pouvions pas mettre nos forces en commun pour pouvoir gérer une co-édition, Ideale Audience étant détenteur des droits des films. Pierre-Olivier Bardet, avant que son réalisateur et grand ami, ne décède, s’est engagé auprès de lui pour mener à bien cette édition dans des conditions précises : mettre du texte et très peu de bonus, excepté les entretiens déjà existants. Il n’y avait donc pas de mécanique critique en sus de ce qui avait déjà été filmé du vivant de Johan Van der Keuken. Ce projet n’aurait pas pu aboutir non plus sans Peter Van Huystee, le coproducteur des derniers films de Van der Keuken qui a conclu un accord avec Le Nederlands Filmmuseum (la Cinémathèque d’Amsterdam) pour investir dans la rénovation des masters datant des années 50-60. C’était une première mais nous allons réitérer des coopérations similaires avec la Hollande pour éditer une intégrale Joris Ivens au début de l’année 2009. 

C. : Au fond, comment est apparue ta cinéphilie ?
A.F. : Mon premier film au cinéma a été Some like it hot de Bille Wilder. Sinon, jusqu’à 11-12 ans, j’ai été nourrie par Keaton, Chaplin et les Marx Brothers. Mais sincèrement, ma vraie accroche et ma vraie attache, c’est le documentaire. Les films qui m’ont bouleversée et m’ont amenée dans ce métier appartiennent à ce genre. Ce sont autant des films forts de William Klein comme Muhammad Ali the Greatest que ceux des frères Maysles comme Salesman. Ce sont des films qui font partie du catalogue DVD d’ARTE : je suis assez heureuse d’avoir pu éditer des films que j’ai aimés. 

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