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Le Festival « Oh ce court »

Publié le 01/05/2003 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Événement

Le Festival « Oh ce court » a déployé ses fastes du 5 au 13 avril 2003. Nos collaborateurs vous rendent compte des courts métrages belges qu'ils ont appréciés. En tenant compte du fait que nous avons déjà parlé de Rachid et Martha de Mathias Gokalp, Le Signaleur de Benoît Mariage, Crucy Fiction de Daniel Wiroth, La Traviata de Guionne Leroy, Rose d'Alain Berliner, Le Trieur de Philippe Boon et Laurent Brandenbourger, Bzz de Benoît Feroumont, Mon papa d'Amérique de Daniel Hiquet, Surveiller les tortues d'Inès Rabadan (voir archives).

 

La chronique du court métrage consacrée, ce mois-ci, à Aveugle de Jean-Marc Vervoort et illustrée par Gwendoline Clossais.

C'est vrai (en plus) : 007 en culotte courte


 Le Festival « Oh ce court »

 

Ouverture du Festival du Court Métrage de Bruxelles... Après les interminables blabla d'introduction et les remerciements obligatoires aux sponsors, ça y est, c'est parti ! Et on commence avec le premier film de Dominique Laroche, grande gagnante du concours de scénario de l'édition 2002 du festival.
Face caméra, une petite tête rousse nous fait une confidence du haut de ses six ans : ses parents sont des agents secrets ! Fan de 007, Antoine n'a que cette explication à l'ami mystérieux de sa mère et aux nombreux "voyages d'affaires" de son père. Pour nous adultes, l'énigme est vite résolue : il s'agit simplement d'un couple qui se sépare. Mais tout l'intérêt du film repose dans le fait de voir cela avec des yeux d'enfant, avec l'innocence des gosses pour qui un divorce peut être une aventure extraordinaire, où un vibromasseur se transforme en arme secrète. Le public ne s'y est d'ailleurs pas trompé et a longtemps applaudi dès le début du générique de fin. Réaction logique devant une oeuvre d'une fraîcheur juvénile, pleine d'humour léger, qui rappelle au spectateur une qualité que le sérieux de la vie d'adulte lui a fait reléguer dans les tréfonds de sa mémoire : la candeur. En attendant le prochain film de Dominique Laroche, Welcome, actuellement en post-production, laissons-nous embarquer dans l'aventure par ce James Bond en herbe. Les plus amers d'entre nous trouveront cela "mignon". Les plus chanceux y (re)trouveront le mioche qu'ils ont été jadis, buvant à grandes gorgées à cette fontaine de jouvence. Meilleur que les crèmes anti-rides, le résultat est garanti en moins de dix minutes ! Et si c'était vrai, en plus...

Muriel Kuypers

 

Merci : Le quidam dans le tram

 


La vie du citadin moderne est morose, faite de solitude et d'incommunicabilité. Pour s'en convaincre il suffit de monter dans un tram. Vraiment, vous nous avez vus? L'un est plongé dans sa gazette, l'autre s'intéresse passionnément au fonctionnement de son GSM, un troisième regarde la vitre en se curant consciencieusement le nez d'un doigt alerte, un quatrième tapote nerveusement du pied en jetant à la ronde des regards de pitbull tandis qu'une dernière, le regard bovin fixé sur le vide, écrase d'une mâchoire flasque un chewin gum usé. Tout le monde prenant bien soin de tirer la tête, histoire de ne pas encourager le voisin à la communication.

 

Christine Rabette, décide de changer la dynamique? Dans son tram monte un drôle de bonhomme. Un large sourire illumine sa bonne bouille ronde. Tout à coup, il éclate de rire: un rire franc, sain, inextinguible. Et subtilement, l'atmosphère change. D'abord hargneux, les regards se font amusés, puis complices. Un sourire fleurit, puis un autre, et en quelques minutes, tout le tram est secoué d'un fou rire convulsif. Les passagers se détendent, se regardent, prennent conscience l'un de l'autre. Quand l'étrange bonhomme descend, l'ambiance dans le tram est illuminée. L'homme traverse les voies, et s'installe dans un véhicule en sens inverse, prêt à recommencer son manège.
Une histoire simple, un propos tout bête mais d'une évidence lumineuse, un don d'observation piquant, le sens du cadre, une direction d'acteur précise : Christine Rabette dit ce qu'elle a à dire sans artifices mais avec des images qui frappent juste, dans le bon tempo et avec un timing très étudié. Elle peut compter sur l'aide d'un comédien impeccable (Jan Hammenecker), qui colle au rôle avec un plaisir non dissimulé. Et on se prend à rêver. S'il existait des gens comme lui, dont la vocation serait d'apporter un peu de chaleur par le sourire. Et si au lieu de contrôleurs rébarbatifs, la Stib engageait quelques sourieurs professionnels pour décoincer ses passagers... Et si on devenait tous un peu comme ce joyeux bénévole d'utilité publique? Il ne nous resterait plus qu'une chose à dire à Christine Rabette: Merci!

Marceau Verhaeghe

 

Just a Story : Juste histoire de prouver que, nous aussi, on peut le faire


 

Une femme se maquille, se rend séduisante. Elle a rendez-vous avec un homme. Il la ramène chez lui. Mission accomplie ? Pas tout à fait. La police le trouve le lendemain, une balle entre les deux yeux. C'est le quatrième en quatre jours. Qui est cette femme fatale ? Est-ce une psychopathe ? Une tueuse professionnelle ? Ou agit-elle pour son compte, par vengeance personnelle ? Le thriller est lancé. Pour arriver à ses fins, cette tueuse, incarnée par Tine van den Brande, utilisera ses atouts féminins, usant de son charme pour attirer ses victimes dans ses griffes, mais également de "qualités" plus masculines, comme la dextérité au maniement des armes à feu, dans une séquence se distinguant par son montage et sa violence dignes des films d'action made in US.Cette section spectaculaire du film, ayant comme théâtre une "boîte" bien connue du nord de Bruxelles, est centrale à plusieurs titres. D'abord par sa position dans l'oeuvre, mais aussi par l'impression qu'elle dégage d'avoir été le point de départ du film, et que ce qui la précède où la suit n'existe que par et pour elle.

 

Si cette séquence fantasmée reflète l'ambition de Fabian Charles de pouvoir faire aussi bien que les thrillers hollywoodiens, le pari est gagné. En 10 minutes seulement, tous les ingrédients sont là : sensualité, action, enquête policière et, bien sûr, la dose d'hémoglobine indispensable. Si on peut regretter le conventionnalisme au genre malgré le format propice à l'expérimentation, il faut noter que la fin sort des sentiers trop souvent battus et évite le cliché de mise jusqu'alors. Un film bien fait pour amateurs du genre...

Muriel Kuypers

 

Qui veut la peau de Roberto Santini ? : L'ironie du sort


Une goutte d'eau peut-elle faire déborder un vase ? C'est la question que se pose Joseph Conrad, un vieux clodo qui traîne dans un hall d'aéroport. C'est un habitué, il vient y attendre le vol 623 en provenance de Berlin tous les jours. Quelques centaines de mètres au-dessus de sa tête, dans ce vol 623, un businessman apprend que l'avion atterrira avec quinze minutes de retard.Quinze minutes, c'est plus qu'il n'en faut pour que cet homme d'affaires ne pète un câble et décide de changer radicalement de vie. De son côté, Joseph est un peu schizophrène, et son côté fantasque cache un passé trouble. L'un veut changer de vie, l'autre se remémore celle qu'il a vécue. Seize minutes de film pour mettre en place ces deux univers qui vont se percuter, c'est peut-être un peu court au vu de la complexité de l'intrigue. Si le vieux clochard, ses petites manies, ses habitudes et ses projections mentales sont bien rendus, le businessman ne fait que traverser le récit comme il traverse l'aéroport.Un format plus long aurait peut-être mieux convenu, mais Jean-Julien Collette et Olivier Tollet parviennent à nous plonger dans une dimension parallèle en tordant la linéarité du récit, nous entraînant dans une boucle infinie, au-delà du réel, où les temporalités se chevauchent, où un personnage tombe sur son double au tournant de sa vie, où une goutte d'eau peut briser un vase...

Muriel Kuypers