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Le Gamin au vélo des frères Dardenne

Publié le 18/05/2011 par Dimitra Bouras / Catégorie: Critique

Pour que se produise l'entière adhésion du spectateur, on lui présente généralement des personnages aux conditions de vie envieuses : belle villa, voiture excentrique, appartement spacieux, emploi épanouissant ou enrichissant, voire nature luxuriante, douceur de vie et rythme apaisant. Lorsqu'on s'attaque aux personnages errant dans la précarité, on leur colle des amis qui leur réchauffent le cœur ou une famille qui replace, au centre, les belles valeurs humaines. 
Un film n'est pas une tranche de la réalité. Pour être apprécié, il faut que le spectateur souhaite s'y projeter, s'identifier. Qui a envie de se confronter à la banalité, au quelconque, à la simplicité ?

Le Gamin au vélo des frères Dardenne

C'est là que réside toute la maestria des frères Dardenne, écorcher leurs héros à la rudesse de la médiocrité tout en les grandissant, les enveloppant dans un voile de générosité.

Depuis la Promesse, ils se sont attelés à réécrire l'histoire des relations humaines dans les nuances de l'espoir sans tomber dans l'angélisme des méchants qui deviennent bons ni accorder la rédemption soudaine aux égarés, mais en incluant une note qui fausse le déroulement prévisible du réel. Cette note, cette touche qui vient nuancer la couleur de la fatalité, est à rechercher dans l'essence de la nature humaine. Pour les frères, l'homme est un être qui se détourne, volontairement ou non, de son altruisme inné, mais capable de le laisser remonter à la surface. Ils aiment sauver leurs personnages, profondément convaincus de leur devoir d'éducateurs. Leurs récits sont des contes au dénouement heureux. Plus clairement présente dans leur dernier film, le Gamin au vélo, que dans leurs œuvres précédentes, la magie des fables illumine leur peinture.

Leur engagement ne se limite pas à la réalisation. Quand ils ne tournent pas, ils visitent des centres fermés pour jeunes délinquants. Ils y apportent leurs films et rencontrent les résidents. Ils aiment provoquer le débat éthique et les pousser à grandir dans leur réflexion. De ces échanges est certainement née l'envie d'apporter une réponse au mal être de ces gamins en manque de repères.

L'histoire se déroule dans une cité populaire dans laquelle se côtoient petite classe moyenne, emplois incertains et délinquants qui oscillent entre le vol et la drogue comme seule structure sociale. La violence est tangible sur chaque pan de mur, au détour de chaque plan du film sans jamais submerger l'image. Dès les premiers instants, le spectateur est emporté par le visage frondeur du jeune Cyril (Thomas Doret) où sa blondeur contraste avec la détermination de ses traits. Il n'a qu'un but, retrouver son père, Guy (Jérémie Rénier). Pourquoi ? Il ne peut croire qu'il l'ait trahi. La trahison paternelle ne parviendra pas à désarçonner son besoin d'amour, mais comment être encore capable de confiance quand l'être le plus cher se montre incompétent ? C'est alors qu'apparaît la fée, Cécile de France, lumineuse, solide et aimable à la fois, sans être maternelle. Protectrice sans débordement de tendresse. C'est elle, Samantha, la coiffeuse qui embellit les visages, qui, comme par magie, du frétillement du bout du nez, sortira Cyril des pièges qui lui sont tendus. Mais l'amour de Samantha serait vain si Cyril, à son tour, ne devenait pas magnanime et n'apprenait pas à pardonner.

Suivant toujours une éthique qu'ils n'ont pas envie d'abandonner, les frères Dardenne signent, ici encore, l'histoire d'un sauvetage. Admirablement servis par leur jeune recrue, Thomas Doret, secondé avec justesse et précision par Cécile de France (Samantha) et Jérémie Rénier (Guy, le père de Cyril, aux apparitions brèves, mais décisives), ils offrent aux spectateurs un film ensoleillé, où le paysage du bassin sidérurgique liégeois devient  champêtre.

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