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Le magicien d’Ostende Engagement – défi – Reconnaissance de Johann Swinnen et Luc Deneulin

Publié le 01/06/2008 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Livre & Publication

« Un jour, j’avais emprunté une caméra à un ami de mon père, j’avais onze douze ans. J’avais fait énormément de dessins et je les avais disposés sur le sol dans une certaine continuité. Puis, j’ai pris la caméra, j’ai appuyé sur le bouton et j’ai commencé à me promener le long des dessins. Je croyais être en train de réaliser un film d’animation ! »

Raoul Servais

Haut en couleurs

le magicien d'ostende engagementLe 1er mai 1934, le petit Raoul fête ses six ans. C’est avec fierté qu’il voit les réjouissances se déployer dans les rues d’Ostende, qu'il lit la bonne humeur sur les visages, qu'il contemple émerveillé les chars fleuris qui sillonnent son quartier… en son honneur. Le petit Raoul sait que c’est toujours le jour de son anniversaire que tout cela se produit, quant à la fête du travail, il n’en a jamais entendu parler… Rêveur, il observe enchanté ce monde fait pour lui.
Le 1er mai 2008, Raoul Servais, devenu depuis le père de l’animation belge, fête ses 80 ans, à Ostende toujours. C’est bien en son honneur que la ville s’est fait belle, que la pluie a lavé le ciel pour lui offrir à 18h00 un soleil radieux sur la mer du Nord; pour lui cette fois, pour lui seul. 
Il suit du regard les amis venus du monde entier, les créatures de Papillons de nuit et d’Atraksion sortis des pellicules pour lui rendre hommage.
Pour les hommes d’exception, les rêves finissent toujours par devenir réalité.

Quatre-vingts ans. Impossible, serait-on tenté de dire en plongeant dans les yeux clairs et pétillants de cette auguste figure du cinéma belge, en observant les mains qui s’élèvent comme deux papillons lorsque la conversation s’anime. 

Quatre-vingts printemps, et quelques beaux chefs-d’œuvre qui restent à jamais inscrits dans la mémoire : une bande d’affreux dérobant les couleurs du monde (Chromophobia), un mégalomane assassiné par son ombre (Goldframe), un papillon jaune délicatement posé sur un téton découvert (Papillons de nuit), le corps d’une sirène que se disputent (côté poisson) un vétérinaire et (côté femme), un médecin (Sirène). L’univers onirique de Raoul Servais séduit immédiatement.

 Pour célébrer le grand homme, Johan Swinnen et Luc Deneulin, deux historiens de l’art, ont eu la bonne idée d’éditer chez ASP Le Magicien d’Ostende – Engagement – Défi – Reconnaissance, un livre de plus de 300 pages en trois langues et merveilleusement illustré.

 le magicien d'ostendeLa quatrième de couverture est brève et annonce clairement la couleur sur son fond pourtant gris : « Raoul Servais. Cinéaste d’animation révolutionnaire » : point final. Les pisse-froid pourront passer leur chemin sans l’ouvrir. Révolutionnaire, Servais l’est à plus d’un titre dans son oeuvre comme dans sa vie sans se départir jamais d’une douceur certaine : un révolutionnaire poétique en somme.

Le livre qui lui est consacré propose une préface de Jacques Dubrulle, Président de la Fondation Raoul Servais et ami de toujours. 

On y trouvera ensuite les dates marquantes de son itinéraire, du 1er mai 1928 à aujourd’hui, ainsi qu’un portfolio remarquable réalisé récemment par Johan Swinnen. Pour ceux qui sauront observer, ces 28 photos en noir et blanc prisent, pour la plupart, dans sa jolie maison de Leffinge en diront beaucoup sur l’homme. Suit une longue interview accordée aux auteurs et illustrée de photographies d’époque. 

Le réalisateur y évoque son enfance et la guerre, les débuts de sa passion pour le cinéma et ses premiers essais, la servaisgraphie et sa palme d’Or, sa carrière de professeur et la création du département de film d’animation à Gand, ses films et son engagement politique. Sa pudeur, sa malice, son obstination et son courage ne peuvent que charmer le lecteur. 
En fin de volume, les auteurs proposent une filmographie complète avec résumés et fiches techniques ainsi qu’une dernière très belle idée, des planches reprenant une dizaine d’images de chacun des films. Même si, bien sûr, les images fixes ne remplacent pas celles en mouvement, elles permettent à ceux qui n’auraient pas encore découvert les films de se faire une belle idée de l'univers graphique et de donner plus envie encore de les découvrir.

Le magicien d’Ostende Engagement – défi – Reconnaissance de Johann Swinnen et Luc Deneulin – ASP (Academic and Scientific Publishers) – 2008 – 320 p – 40 €
http://www.aspeditions.be/
http://www.raoulservais.be/

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