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Le nouveau cinéma israélien, Ariel Schweitzer

Publié le 15/11/2013 par Nastasja Caneve / Catégorie: Livre & Publication

La nouvelle valse israélienne

Un film israélien ? Ceux qui répondent, de manière hasardeuse, Valse avec Bachir ont raison, certes, mais ils devraient parcourir le dernier essai de l’historien du cinéma, Ariel Schweitzer, Le nouveau cinéma israélien. Dans ce petit livre, agréable, très clair et bien illustré, l’auteur n’y va pas par quatre chemins pour expliquer ce qu’est effectivement le nouveau cinéma israélien de ces dix dernières années (et rassurez-vous, Ari Folman et son Bachir sont de la partie).

couverture de la publication du livre Le nouveau cinéma israelien d'Ariel SchweitzerAprès un premier ouvrage paru en 1997 à L’Harmattan, Le Cinéma israélien de la modernité, Ariel Schweitzer décide de reprendre l’histoire de ce cinéma, qu’il connaît si bien, là où il l’avait laissée, c’est-à-dire au début des années 1990. C’est bel et bien à cette époque que le cinéma israélien a vécu, ce qu’on pourrait appeler, une véritable révolution : il s’exporte désormais dans le monde entier. Pourquoi la situation a-t-elle changé ? Quelles sont les particularités de ces productions ? En quoi réside l’identité de ce cinéma en plein essor ? Qui sont les protagonistes qui ont permis ce renouveau ? En s’appuyant sur une approche thématique, Ariel Schweitzer va éclaircir ces zones d’ombre.
Dans la première partie de son essai, l’auteur explique très clairement le bouleversement économique qu’a connu l’industrie cinématographique israélienne au début du XXIe siècle : le budget alloué au cinéma par le gouvernement israélien a été plus que triplé, les accords de co-production avec la France ont été multipliés. Ce nouvel élan a également été favorisé par une augmentation des lieux de formation : il existe aujourd’hui une vingtaine d’écoles de cinéma dans le pays. L’auteur met aussi en exergue l’importance du monde de la télévision qui a permis aux réalisateurs et aux acteurs d’acquérir une formation sur le terrain. Avant de se lancer dans le 7e art, Ari Folman écrivait des reportages politiques pour le petit écran…
L’auteur, après cette mise en contexte plus qu’éclairante, se concentre ensuite sur les thématiques chères à ces nouveaux cinéastes pour qui l’individu est désormais au centre de leurs préoccupations. Ils n’hésitent plus à aborder des thèmes autrefois tabous tels que le féminisme avec Mon Trésor réalisé en 2004 par Keren Yedaya, l’homosexualité avec Amos Guhman et Eytan Fox, l’ancrage des films dans la périphérie de Tel Aviv comme La Visite de la Fanfare de Kolirin, la religion et enfin, la question du post-traumatisme provoqué par l’après-Liban. La question de l’impact de cette guerre, le refoulement dont elle a fait l’objet, occupe une place prépondérante au sein de cette nouvelle génération de cinéastes. Citons Lebanon réalisé en 2009 par Samuel Maoz et, évidemment, le célèbre film d’animation documentaire d’Ari Folman, Valse avec Bachir, réalisé en 2008.
Après un encart sur le documentaire et, plus particulièrement, sur l’œuvre prolifique d’Avi Mograbi, Ariel Schweitzer consacre la seconde partie de son ouvrage à une dizaine d’entretiens qu’il a réalisés avec des figures majeures du nouveau cinéma israélien. Ces échanges illustrent et répondent parfaitement aux grandes thématiques traitées précédemment. C’est ainsi que David Volach explique comment il décrit le monde juif religieux dans son film My father, My Lord réalisé en 2008. Quant à Dover Kosashvili, il n’hésite pas à aborder la question de la mythification de l’armée et de la virilité dans Infiltration, réalisé en 2010.

Le nouveau cinéma israélienmérite donc l’attention de par sa clarté - entendons par là, sa facilité d’accès à quiconque ne connaissant pas le cinéma israélien, de par sa richesse – l’auteur n’hésite pas à appuyer son propos par des exemples de films encore inédits en Europe. Il est vrai que la lecture peut paraître parfois frustrante dans la mesure où l’auteur décrit des films encore peu connus, et de ce fait, non vus par les lecteurs. Mais les textes sont illustrés par de nombreux photogrammes qui pourront, peut-être, éveiller la curiosité de certains...